La question n’est pas «Faudrait-il partager avec des non-médecins l’autorisation de prescrire?» mais plutôt «Pourquoi l’autorisation de prescrire n’est-elle pas partagée?» Le débat devrait graviter autour des patients. L’une des plus importantes façons pour les professionnels de la santé de première ligne travaillant en équipe interprofessionnelle d’offrir les meilleurs soins possibles aux patients, c’est de se partager de manière appropriée la responsabilité de prescrire des médicaments.
On autorise actuellement des professionnels de la santé non médecins à prescrire au Royaume-Uni, dans 48 États américains et quelques provinces canadiennes. Au Royaume-Uni, ces professionnels de la santé ont cette autorisation depuis 1986. Les professionnels de la santé qui ne sont pas médecins ont souvent plus de temps pour conseiller, appuyer et surveiller les patients. Des patients mieux informés peuvent prendre des décisions plus éclairées à propos des traitements prescrits et respectent souvent plus rigoureusement les régimes thérapeutiques1.
À la lumière des réalités financières et sur le plan des ressources humaines dans le secteur de la santé, la pratique en collaboration et les soins interprofessionnels représentent la nouvelle norme. Nous avons maintenant de bonnes données probantes que les équipes interprofessionnelles sont plus efficaces que les modèles traditionnels de soins dans la prise en charge des maladies chroniques2. Il y a une grave pénurie de médecins de famille au Canada et plus de 4 millions de Canadiens n’ont pas accès à un médecin de famille. Les ressources gouvernementales sont dirigées vers les équipes de santé familiale, les centres de santé communautaires et les cliniques dirigées par des infirmières praticiennes afin d’améliorer l’accès aux soins primaires. Les patients ne s’adressent plus à leur médecin de famille pour tous leurs problèmes. De nombreuses personnes vivant en Ontario ont des infirmières praticiennes comme dispensatrices de soins primaires3. Les patients consultent souvent directement des physiothérapeutes ou des chiropraticiens pour une blessure au dos. Ils reçoivent des soins directement des sages-femmes, des travailleurs sociaux et des diététistes. Les pharmaciens exercent de nouveaux rôles dans la gestion des médicaments. Dans un document publié par le Conseil canadien de la santé, on dit: «Le rôle du prescripteur est en évolution - dans le but de consolider la collaboration entre les médecins et les autres presta-teurs de soins de santé afin de pouvoir offrir aux patients des choix accrus et un meilleur accès à des soins de plus grande qualité»4. La relation médecin-patient n’est qu’une parmi d’autres relations importantes entre des fournisseurs de soins de santé et leurs patients.
Étant donné la nature mouvante de la pratique des soins primaires, il est sensé de dire que la prescription de médicaments ne devrait pas relever exclusivement de la responsabilité des médecins. Le projet de loi 179, la Loi modifiant diverses lois en ce qui concerne les professions de la santé règlementée et d’autres lois de l’Ontario, déposé à l’Assemblée législative de l’Ontario le 11 mai 2009, proposait de modifier des lois régissant une longue liste de professions de la santé règlementées dans la province. Le projet de loi a pour but d’améliorer l’accès des Ontariens aux soins de santé en autorisant certaines professions de la santé à offrir un nombre accru de services et en améliorant la sécurité des patients5, y compris l’accès aux médicaments d’ordonnance. Par exemple, le projet de loi 179 permettrait à de nombreux professionnels de la santé, dont les infirmières praticiennes, les pharmaciens, les sages-femmes et les diététistes, de fournir un plus grand nombre de services pour lesquels ils ont la formation et les compétences requises. Parmi ces services, on peut mentionner la prescription de médicaments, de tests diagnostiques et de laboratoire. De plus, le projet de loi 179 «exigerait des ordres des professions de la santé qu’ils collaborent à l’élaboration de normes communes en matière de savoir, de compétences et de jugement dans les domaines où leurs professions pourraient offrir des services semblables ou à peu près de même nature»5.
Tous les professionnels de la santé règlementés sont responsables selon la loi de leur propre pratique. Ils doivent maintenir leur compétence en fonction de normes fixées par leurs ordres. Ils sont couverts par une assurance contre la faute professionnelle. Leur préoccupation se situe dans l’autoréglementation axée sur la sécurité des patients.
Les médecins de famille qui travaillent avec des infirmières praticiennes peuvent attester de leur habileté à évaluer et à traiter des patients dans le cadre de leur champ de pratique. Combien de fois les médecins de famille ont-ils dû donner leur consentement à une ordonnance pour un patient que soigne une infirmière praticienne? Le document est signé et rarement remis en question, parce qu’une relation de collaboration et un sentiment de confiance se sont développés entre le médecin et l’infirmière praticienne. Le médecin sait que le savoir et les compétences de l’infirmière praticienne lui ont permis de faire le choix de médicament approprié dès le départ.
Les médecins devraient-ils partager l’autorisation de prescrire avec d’autres professionnels de la santé? Absolument, parce que c’est dans l’intérêt des patients et dans l’intérêt de notre système de santé!
Notes
CONCLUSIONS FINALES
-
Depuis de nombreuses années, des professionnels de la santé qui ne sont pas médecins prescrivent au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans plusieurs provinces canadiennes. Nous, en Ontario, pourrions apprendre de leurs expériences.
-
Les patients méritent des soins de la meilleure qualité fournis par la bonne personne au bon moment.
-
D’autres professionnels de la santé ont les connaissances, les habiletés et le jugement voulus pour prescrire des médicaments de manière sécuritaire et efficace pour les patients et, en réalité, sont actuellement entravés par leur pouvoir limité de prescrire.
-
La pratique interprofessionnelle en collaboration représente la nouvelle norme en soins primaires et les équipes en collaboration sont plus efficaces dans la prise en charge des maladies chroniques.
Footnotes
-
Les parties à ce débat contestent les arguments de leur opposant dans des réfutations accessibles à www.cfp.ca. Participez à la discussion en cliquant sur Rapid Responses.
-
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
-
This article is also in English on page 1176.
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada