Les précepteurs cliniques demeurent essentiels lorsqu’il s’agit de former avec succès les apprenants dans les domaines du professionnalisme et de la compétence clinique. L’importance du rôle du précepteur est davantage mise en évidence quand il s’agit de chercher des approches fondées sur les compétences pour l’apprentissage et l’évaluation. Les approches fondées sur les compétences doivent porter sur les habiletés nécessaires et les tâches spécifiques à une discipline ou spécialité1, y compris celles qu’on ne peut apprendre ou évaluer ailleurs que dans l’environnement réel où elles sont mises en pratique. L’éducation médicale exige un apprentissage expérientiel2 et c’est pourquoi il faut des précepteurs pour servir de modèles à imiter, prodiguer des conseils et évaluer les compétences. Lorsqu’on tente d’améliorer la formation clinique devraient surtout être dirigées vers les cliniciens enseignants et les apprenants pendant qu’ils travaillent ensemble dans des milieux cliniques. C’est expressément à cette fin qu’on a élaboré les feuilles de route.
Contexte
Les feuilles de route sont de brefs documents qui rappellent aux apprenants et aux précepteurs que des observations ont été faites et que de la rétroaction a été fournie. Elles sont conçues de manière générique, pour être pratiques et versatiles. On peut observer divers éléments, comme des interactions avec les patients et les membres de l’équipe, des discussions à propos de réflexions cliniques ou professionnelles, des communications écrites, des présentations de l’apprenant et d’autres habiletés psychomotrices ou cliniques. Ces feuilles prennent moins d’une minute à remplir, mais elles servent d’indicateurs que les compétences cliniques ont été évaluées.
À la fin des années 1980, le Département de médecine familiale de l’University of Alberta, à Edmonton, a imprimé des blocs-notes de la taille d’une ordonnance, spécialement structurés pour encourager les précepteurs à documenter brièvement un acte ou un événement observé et à résumer les commentaires exprimés. Même s’il y a eu plusieurs variations de cette note imprimée au cours des années suivantes, leur but premier reste le même.
L’expression feuille de route reflète très clairement l’intention que ces notes servent et fassent référence à une méthodologie qualitative. Les méthodes qualitatives, particulièrement les méthodes de recherche par action participative, semblent offrir une analogie utile pour les processus en cause lorsqu’un professeur et un apprenant travaillent ensemble pour comprendre de manière significative et fiable les compétences en développement de l’apprenant3. Comme dans la recherche qualitative, l’enseignement clinique est imprégné de valeurs, favorisant le changement par l’acte du questionnement, encourageant les participants à interpréter réciproquement tous les actes et les comportements, créant un sentiment de coappartenance de la nouvelle compréhension émergente. L’évaluation formative est faite «avec» l’apprenant, plutôt que transmise «à» l’apprenant. Au lieu de s’intéresser à la détermination d’un résultat binaire, compétent ou incompétent, elle cherche à comprendre les «habitudes de compétence» de l’apprenant4. Essentiellement, on s’intéresse moins aux habiletés spécifiques démontrées par l’apprenant à un certain moment donné et plus à sa capacité de démontrer une amélioration progressive et continue en se servant efficacement de la rétroaction et de l’autoévaluation dirigée.
Des précepteurs ont indiqué qu’ils pouvaient juger assez aisément si les apprenants manifestaient ou non l’habitude rassurante de devenir compétents. Les précepteurs ont ces impressions, non pas à partir d’une mesure objective des connaissances ou des habiletés des apprenants, mais plutôt en se basant sur l’observation répétée de la façon dont ils répondent aux problèmes et aux besoins des patients et des membres de l’équipe. Les apprenants démontrent souvent des lacunes dans leurs connaissances et leurs habiletés ou, parfois, posent des gestes qui laissent deviner une attitude d’impuissance. Les précepteurs demandent un perfectionnement professoral approprié ainsi que des outils et processus utiles pour que soient comblées les lacunes dans les compétences des apprenants. Ils reconnaissent qu’une avec justesse rétroaction efficace et fréquente est essentielle.
Fait assez inquiétant, de nombreux précepteurs indiquent qu’ils font passer ou avancer des apprenants qui n’ont pas encore acquis les gestes répétés, uniformes et habituels qui assurent des approches constantes et efficaces au développement de la compétence clinique et du professionnalisme. Souvent, quand les précepteurs ne voient pas les habitudes rassurantes de l’apprentissage, ils continuent à donner de la rétroaction sur des observations très spécifiques et aléatoires, mais ne disposent pas d’une approche structurée qui amènera la rétroaction et la discussion aux niveaux plus élevés nécessaires à l’atteinte de la compétence.
Il est donc essentiel d’avoir des outils pour aider les précepteurs et les apprenants à aborder ces niveaux d’ordre supérieur dans l’acquisition des compétences. C’est pourquoi nous donnons ici certains conseils et suggestions sur l’utilisation des feuilles de route dans 2 phases de la rétroaction: la rétroaction au quotidien avec les apprenants et la rétroaction documentée pour l’examen continu de la compétence.
Des feuilles de route pour de la rétroaction au quotidien
Selon des preuves empiriques recueillies auprès de précepteurs et de conseillers, les résidents ne se rendent souvent pas compte quand on leur donne verbalement de la rétroaction. Il est conseillé aux enseignants d’avertir qu’ils vont donner de la rétroaction quand ils veulent attirer l’attention des résidents. Pour ce faire, une note par écrit fonctionne très bien.
Les feuilles de route devraient donner une rétroaction positive - les apprenants ont besoin autant de renforcement positif que de critique constructive - et porter sur toutes les dimensions et les étapes de la compétence clinique et professionnelle. La rétroaction à propos des contacts cliniques avec les patients est importante, mais celle concernant l’identification d’hypothèses et de diagnostics différentiels, l’interprétation des données et les plans de prise en charge l’est tout autant. De plus, les feuilles devraient porter sur les habiletés en communication (verbale et écrite), les approches à l’apprentissage, les habiletés en gestion et, bien sûr, le comportement professionnel.
L’utilité d’une feuille de route repose moins sur les détails de l’observation et plus sur les détails de la rétroaction. Il importe d’être très précis quant aux suggestions d’améliorations à faire et d’habiletés à renforcer. On peut sauver du temps et des efforts en évitant de longues descriptions des événements. Quelques mots pour stimuler le souvenir d’un événement suffisent; la rétroaction est encore meilleure si elle est donnée peu après l’événement, ce qui d’ailleurs devrait être la norme.
Les feuilles de route reportent la discussion à plus tard durant la journée ou quelques jours après, quand on est moins occupé. Il faut utiliser le format de notes le plus simple qui soit - l’aide-mémoire d’un précepteur peut être la distraction de l’autre. Envisagez de permettre à l’apprenant d’écrire certaines notes; l’identification de l’observateur et la consignation de la rétroaction reçue distinguent clairement ce processus du journal de bord.
Des feuilles de route pour un examen régulier des compétences
De nombreux programmes veulent une méthode organisée et structurée pour examiner et suivre les progrès d’un apprenant vers l’acquisition des compétences. La multitude de projets sur les portfolios, les articles et les conférences attestent de ce désir généralisé de répondre à ce besoin.
Les feuilles de route peuvent se révéler de précieux auxiliaires ou même les principales contributrices aux documents d’examen de la compétence, comme les fiches d’évaluation en cours de formation (FEEF). Même si nous utilisons des barèmes de notation, comme le font la plupart des FEEF, nous résumons habituellement les progrès à des fins formatives, plutôt que pour prendre des décisions sommatives décisives. L’utilité des cotes d’évaluation pour guider les plans d’apprentissage et les décisions relatives au curriculum repose largement sur les commentaires à propos des interactions au quotidien entre l’apprenant et son entourage dans le milieu clinique. Bon nombre des problèmes associés aux FEEF viennent du fait qu’elles sont utilisées comme première et seule communication sur les progrès de l’apprenant.
Les apprenants ou les précepteurs peuvent «regrouper» les feuilles de route pour centrer l’attention sur des compétences ou des problèmes donnés. Ce regroupement de feuilles de route identifie un sujet, une compétence ou une question professionnelle qui bénéficierait d’une rétroaction continue. Le regroupement de feuilles de route peut transformer la rétroaction d’un outil aléatoire et isolé en un outil significatif sur une base continue. Les utilisateurs devraient examiner si des progrès suffisants ont été faits sur un sujet ou un problème donné, ou s’il faut poursuivre encore un apprentissage actif; on peut aussi identifier quand les sujets de ces regroupements ont tous été «réglés». Les discussions entre l’apprenant et le précepteur ou conseiller à propos des progrès à l’aide des feuilles regroupées sont une excellente occasion pour une autoévaluation dirigée.
On devrait utiliser les problèmes particuliers à l’apprenant pour donner un nom aux regroupements et solliciter d’autre rétroaction à l’avenir. En utilisant les objectifs d’apprentissage ou d’évaluation du programme comme points de référence, on peut mieux cibler les collections (regroupements) de feuilles et mieux se concentrer sur eux dans la rétroaction documentée. La documentation à inscription simple est valorisée dans tous les types de tenue de livres; en éducation fondée sur les compétences, il est efficace d’utiliser la même documentation pour consigner la rétroaction et examiner les progrès.
On peut utiliser des feuilles de route sous forme électronique ou sur papier avec des dossiers d’examen correspondants. Comme dans le cas des dossiers médicaux électroniques, il y a des coûts initiaux associés à la production de versions électroniques, mais les précepteurs et les apprenants sont aisément motivés à se servir des outils électroniques quand ils sont disponibles.
Conclusion
Les feuilles de route sont des outils de documentation génériques et conviviaux qui étaient initialement conçus pour faciliter la rétroaction au quotidien. Au cours des dernières années, le regroupement des feuilles a favorisé une rétroaction ciblée et continue. Encore plus récemment, des objectifs exprimés en attitudes observables et en principales caractéristiques ont permis une insistance plus efficace sur l’apprentissage. On fait présentement des recherches sur la collecte et l’organisation systématiques des feuilles de route pour permettre un examen opportun et formatif des progrès dans l’acquisition des compétences pendant toute la durée d’un programme. Les principes qualitatifs du questionnement en collaboration demeurent au cœur d’une approche fiable fondée sur les compétences en éducation médicale. Les résultats de ces processus pourraient être résumés comme étant une autoévaluation dirigée.
Occasion d’enseignement est une nouvelle série trimestrielle publiée dans Le Médecin de famille canadien et coordonnée par la Section des enseignants du Collège des médecins de famille du Canada. La série porte sur des sujets pratiques et s’adresse à tous les enseignants en médecine familiale, en insistant sur les données probantes et les pratiques exemplaires. Veuillez faire parvenir vos idées, vos demandes ou vos présentations à Dre Allyn Walsh, coordonnatrice d’Occasion d’enseignement, à walsha{at}mcmaster.ca.
Notes
CONSEILS AUX ENSEIGNANTS
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Utilisez des feuilles de route pour donner de la rétroaction positive ainsi que des critiques constructives.
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Utilisez des feuilles de route pour discuter de les dimensions et les étapes de la compétence clinique et professionnelle.
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Les feuilles de route devraient comporter des suggestions de points à améliorer et d’habiletés à renforcer, plutôt que des observations détaillées.
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Regroupez les feuilles de route par sujets, compétences ou questions professionnelles qui bénéficieraient d’une rétroaction continue.
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Les feuilles de route peuvent servir pour les documents d’examen de la compétence, comme les fiches d’évaluation en cours de formation.
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Utilisez les objectifs d’apprentissage ou le système d’évaluation du programme comme points de référence pour cibler les regroupements de feuilles de route et diriger l’attention dans la rétroaction documentée et l’autoévaluation.
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Utilisez la documentation à inscription simple format de feuilles le moins compliqué possible.
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On encourage le recours aux feuilles de route électroniques et aux dossiers d’examen Correspondants.
TEACHING TIPS
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Use field notes to give positive feedback as well constructive criticism.
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Use field notes to discuss all dimensions and phases of clinical and professional competence.
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Field notes should focus on suggestions for improvement and skills to reinforce, rather than detailed observation.
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Group field notes into stacks according to topics, competencies, or professional issues that would benefit from ongoing feedback.
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Field notes can be applied to competence review documents, such as in-training evaluation rating forms.
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Use the program’s learning objectives or evaluation system as a reference to focus field note stacks and direct attention for documented feedback and self-assessment.
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Use single-entry documentation and the simplest format of notes available.
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Electronic field notes and corresponding review folders are encouraged.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun declare
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