Dr Desroches présente un argument émotionnel à la défense de son droit de diagnostiquer et de prescrire dans le contexte d’un modèle de soins traditionnel. De nombreux rapports, ceux de Kirby et Romanow en particulier1,2, soutiennent que ce modèle n’est ni viable, ni repose-t-il sur une approche aux soins centrée sur le patient. Je vais répondre ici à chacun de ses arguments.
D’abord, il dit en parlant du diagnostic et de la prescription de médicaments: «Ces deux privilèges sont l’essence même d’un doctorat en médecine». Personne ne le dispute, ni n’essaie de diminuer les rôles des médecins en tant que membres d’équipes interprofessionnelles dans le système de santé en évolution. Par ailleurs, d’autres sont tout aussi capables de diagnostiquer et de prescrire dans les limites de leur champ de pratique. De fait, les infirmières praticiennes posent des diagnostics et prescrivent en toute sûreté depuis plus de 50 ans.
Comme on l’a mentionné, il existe une grave pénurie de médecins de famille et aucune pénurie ne se pointe chez les patients. Les patients n’ont pas toujours besoin de la formation spécialisée d’un médecin. Les infirmières praticiennes utilisent leurs connaissances, leurs habiletés et leur jugement pour diagnostiquer et prescrire dans le cadre de leur champ de pratique. Comme tous les professionnels de la santé, lorsque la situation ou l’état du patient dépasse les limites de leur champ de pratique autonome, elles consultent les professionnels de la santé appropriés, comme le médecin de famille fait une demande consultation auprès d’un autre spécialiste.
Deuxièmement, selon lui «Tout changement à la loi devra réviser chacune des règles régissant les ordres professionnels pour permettre une équité concurrentielle». Le gouvernement joue un rôle essentiel pour assurer la pratique sécuritaire de toutes les professions de la santé. En Ontario, la Loi sur les professions de la santé réglementées3 stipule des champs de pratique spécifiques et des exigences pour chaque profession de la santé afin d’assurer que les membres sont qualifiés pour exercer de manière compétente les habiletés de leurs rôles respectifs. Le gouvernement ne prend pas cette obligation à la légère; depuis les 2 dernières années, les professions de la santé réglementées en Ontario ont fait l’objet d’études exhaustives entourant les limites de la pratique, les exigences de formation, l’assurance de la qualité et les normes de pratique. Le fruit de ces travaux a pris la forme du projet de loi 179, qui permet à notre système de santé de mettre pleinement à contribution ses professionnels de la santé bien formés et très compétents en Ontario.
Troisièmement, il dit «Le droit de poser un diagnostic et de prescrire un médicament doit être soumis, pour tous, au même examen donnant droit à l’exercice de la médecine». Les infirmières praticiennes et d’autres professionnels de la santé qui désirent élargir leur champ de pratique ne demandent pas d’exercer la médecine. Ils demandent simplement d’être reconnus pour leurs connaissances et leurs habiletés, de manière à ce qu’ils puissent offrir des soins accessibles, sécuritaires et efficaces aux patients. Il est fondamental dans l’apprentissage autoréglementé des professions de la santé que chaque professionnel prescrive en fonction des limites de ses connaissances, de ses habiletés et de son jugement.
La question essentielle, dont ne parle pas Dr Desroches, est qu’à la lumière des problèmes d’effectifs dans le domaine de la santé, comment pouvons-nous améliorer l’accès aux soins par les patients? Les médecins sont essentiels pour offrir des soins complets aux patients et ils font partie intégrante de la formation des équipes interprofessionnelles. Mais, ce n’est qu’en reconnaissant et en utilisant les connaissances et les habiletés des autres professions de la santé que notre système de santé pourra véritablement tirer profit des équipes interprofessionnelles. C’est le temps d’un changement dramatique dans le système selon lequel tous les professionnels réglementés de la santé ont le droit de donner aux patients le genre de soins pour lesquels ils ont été formés.
Footnotes
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Cette réfutation est la réponse d’une auteure des débats dans le numéro de décembre (Can Fam Physician 2009;55:1176-81 [ang], 1179-81 [fr]. Voir www.cfp.ca).
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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