L’hypertension est le plus grand facteur de risque de mortalité au monde1 et un important facteur de risque de maladies cardiovasculaires et d’accidents vasculaires cérébraux2,3. On diagnostique et traite habituellement l’hypertension en clinique externe et c’est l’un des motifs les plus fréquents de consulter un médecin de famille4. Près du quart de la population adulte et presque la moitié des personnes de 50 ans et plus en souffrent, d’où un fardeau de maladie indéniablement élevé5. Étant donné que le traitement de l’hypertension est généralement associé à une réduction de 20 % à 25 % des incidents cardiovasculaires6, le contrôle de cette maladie généralement asymptomatique représente peut-être l’une des plus importantes mesures de prévention que puissent prendre les médecins de famille.
Améliorer le diagnostic et les taux de contrôle
Selon les données de 1986 à 1992 au Canada, les taux de traitement et de contrôle de l’hypertension étaient des plus inquiétants, se situant respectivement à 39 % et 16 %7. Pendant une assez longue période de temps, les Américains semblaient mieux réussir à ce chapitre, affichant des taux de traitement et de contrôle de 58 % et 31 %, de 1988 à 20008. Plus récemment, dans une enquête en Ontario fondée sur des mesures réel-les, les taux de traitement et de contrôle s’élevaient à 81 % et 65 % respectivement9. Cette conclusion, combinée aux études dans lesquelles des données administratives ont servi à identifier une tendance à la hausse des diagnostics d’hypertension par des médecins5 et un taux à la baisse de mortalité chez les patients souffrant d’hypertension au cours de la dernière décennie10, porte à croire que les médecins de famille ont amélioré leur prise en charge de l’hypertension.
Dans ce numéro du Médecin de famille canadien, on présente 3 exemples d’évaluations de la prise en charge de l’hypertension dans des milieux concrets au Canada. Dans Ontario11 ( page 720) et Alberta12 ( page 736), on a observé des taux semblables de traitement et de contrôle à la suite d’une étude des dossiers dans les cabinets de médecins de famille. Dans ces 2 provinces, le taux de traitement excédait les 85 %. Le taux de contrôle d’environ 45 % constaté dans les études en milieux concrets11,12 n’est pas aussi impressionnant que celui de 65 % relevé dans l’enquête sur les mesures réelles9, mais les techniques de mesure et les milieux où la mesure de la pression artérielle (PA) était prise n’étaient pas les mêmes dans les études et l’enquête. Dans le milieu concret, les taux de contrôle étaient calculés à partir des mesures de la PA prises dans le cabinet du médecin et consignées dans les notes cliniques. Par comparaison, l’autre méthode comportait la mesure de la pression artérielle par une infirmière en clinique externe à l’aide d’un sphygmomanomètre, le BpTRU, qui rejette la première mesure et prend la moyenne des 5 lectures suivantes, quand le patient est laissé seul, réduisant ainsi l’effet de l’hypertension causée par la blouse blanche9. On peut bien se demander laquelle des techniques de mesure est la plus appropriée pour fonder les décisions thérapeutiques, mais on peut aussi imaginer que les taux de contrôle calculés avec l’une ou l’autre ne sont pas aussi éloignés qu’on pourrait le croire initialement. De plus, dans les études en milieu concret, on ne peut pas tenir compte de la durée de temps depuis le diagnostic d’hypertension chez le patient ni à quel moment durant l’intervalle depuis le diagnostic les mesures de la PA servent au calcul du taux de contrôle. Même dans une étude randomisée contrôlée et un environnement beau-coup plus strict, et avec bien plus d’interventions ciblées sur l’hypertension et le médecin, les taux de contrôle de l’hypertension variaient entre 61 % et 68 % après 5 ans de participation à l’étude13. Dans le contexte d’une pratique de médecine familiale occupée, où les patients se présentent avec des problèmes multiples, je dirais que les médecins de famille réussissent plutôt bien.
Dans une étude en Nouvelle-Écosse portant sur des patients souffrant de diabète et d’hypertension, le taux de contrôle était de 27 % et la valeur moyenne de la PA se situait à 135/73_ mm_ Hg chez les participants à l’étude ( page 729)14. En comparaison de l’étude prospective marquante sur le diabète au Royaume-Uni15, dans laquelle la valeur moyenne de la PA chez les patients diabétiques était de seulement 144/82_mm_Hg, il semblerait que les médecins reconnaissent les objectifs à viser en matière de PA et essaient au moins de les atteindre.
Il convient de souligner que ces améliorations se sont produites dans un contexte sans prime au rendement ni mesure selon des indicateurs de la qualité. Ces constatations pourraient être attribuables au Programme éducatif canadien sur l’hypertension, créé en 199916, qui offre des mises à jour annuelles des recommandations nationales sur l’hypertension ( page 697)17 et a pour mandat de diffuser de l’information et de renseigner les professionnels de la santé sur la prise en charge de l’hypertension.
Place à l’amélioration?
L’importance accordée récemment par le Programme éducatif canadien sur l’hypertension à l’atteinte par les patients d’objectifs en matière de valeurs de PA est probablement prudente, compte tenu que les personnes diabétiques sont à risque élevé d’incidents cardiovasculaires. Bien sûr, il y a toujours place à l’amélioration, mais que peut-on attendre de plus des médecins de famille? Il y a certainement des facteurs propres aux patients qui aident à déterminer le contrôle de la PA, que le médecin ne peut pas modifier. Même si les taux de persistance à la prise d’antihypertenseurs se sont améliorés, près du quart des personnes âgées qui prennent des antihypertenseurs n’ont pas reçu de renouvellement d’ordonnance 2 ans après l’amorce du traitement18. Il faut mettre en œuvre des stratégies pour améliorer le respect de la pharmacothérapie par les patients et leur persistance. Il y aurait lieu d’étudier si des vérifications et de la rétroaction ou encore plus de réflexion sur la prise en charge de l’hypertension par les médecins pourraient entraîner d’autres améliorations. Mais, dans l’ensemble, je pense vraiment qu’il est temps de nous féliciter. Il y a eu améliorations considérables : excellent travail!
Footnotes
-
intérêts concurrents
Aucun déclaré
-
Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles sont sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
-
This article is also in English on page 684.
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada