
Comme dans une mauvaise relation - il n’y a rien là, pourtant on ne peut pas vraiment abandonner… Vous avez investi dans l’expérience…même si les faits vous prouvaient le contraire.
Robert Thompson1
Nos voisins américains se sont récemment fait raconter toutes sortes d’histoires dénigrant le président Obama - dont une par le mouvement Birther prétendant qu’il ne peut pas être président parce qu’il n’est pas né Américain et une autre dans des annonces payées par Patients United Now (PUN) au sujet de la possibilité que la réforme en santé transforme les É.-U., Dieu les en garde, en Canada.
Vous connaissez l’histoire de Shona Holmes de Waterdown, en Ontario, dont l’attente de soins au Canada a servi à la campagne des PUN. Malgré certains faits litigieux, son récit reflète les inquiétudes de bien des Canadiens à propos de l’accès aux soins. Comment on s’est servi de sa saga est une autre histoire. La réaction extrême de part et d’autre de la frontière illustre bien l’incessant débat public-privé.
Quelles leçons pourrions-nous tirer de Shona?
Les soins de santé en politique concernent la politique, pas la santé
Les politiciens ne prendront généralement pas position en matière de soins de santé à moins d’avoir des preuves - preuves qu’ils en retireront des votes. Pour influencer l’opinion publique, ils ont même recours à la distorsion des faits. Lorsque les positions des parties se ressemblent et qu’il n’y a pas de solution gagnante à portée de la main, la santé perd de l’importance dans les débats, faute de gains politiques. C’est le cas au Canada depuis 18 mois, surtout pour les soins primaires. On a réalisé certains progrès dans l’accès aux soins, mais il reste tant à faire, comme soutenir les nouveaux modes de pratique; renflouer l’effectif médical; implanter les dossiers médicaux électroniques; et répondre aux besoins des mal desservis. Il est déplorable que nos gouvernements, peu motivés politiquement à le faire, n’y accordent pas une priorité constante, d’où bien des histoires comme celle de Shona.
Le débat public sur la santé est souvent dominé par des personnes aux opinions arrêtées résolues à faire taire ce débat
Qu’importe la vraie l’histoire de Shona, ce qui lui est arrivé au Canada n’a presque rien à voir avec la réforme de la santé d’Obama. Mais les opposants extrémistes à un système financé par le secteur public s’en balancent. Ils ne veulent pas rater l’occasion d’exagérer les faiblesses du système canadien pour faire peur aux Américains et les empêcher de discuter d’autres options. Ils omettent de dire que le président recommande des subventions publiques seulement comme option pour les plus de 48 millions de personnes actuellement sans assurance ou sous-assurées. Les opposants au président ne semblent pas se soucier des injustices embarrassantes du système américain ni des standards de soins généralement peu élevés. Que des millions d’Américains ne puissent pas se permettre de voir un médecin pour obtenir le diagnostic initial qu’a obtenu Shona Holmes au Canada ne compte pas pour eux.
Nous ne sommes pas mieux sur ce côté-ci du 49e. Notre système aussi va mal. Si l’assurance-santé couvre presque 100 % des frais de médecins et d’hôpitaux pour tous les habitants, elle défraie très peu d’autres soins de santé importants, comme les médicaments, les soins à domicile, les soins dentaires et de la vue, la physiothérapie, la psychologie ou les ambulances. Dans certains pays, tous ces services sont couverts à 70 % ou plus, y compris les frais médicaux et hospitaliers. Au Canada, les fonds publics ne peuvent plus en absorber davantage. Pourtant, nous refusons toujours de discuter d’options qui nous permettraient d’utiliser les fonds pour soutenir un menu plus complet en soins de santé. Quand l’occasion se présente, les opposants laissent immédiatement entendre que l’intention est de transformer le Canada, Dieu nous en garde, en É.-U.
Nos frontières seront-elles désormais fermées à ceux qu’on considère des terroristes des soins de santé? Ne devrions-nous pas laisser aux masses du milieu (qui finalement choisiront fièrement ce qui définit nos nations respectives si distinctement) le choix d’explorer toutes les options sans les faire sentir comme des traîtres? Ne voyons-nous aucun avantage à emprunter chacun du système de l’autre, ou à tout le moins, à discuter ouvertement de possibilités?
Les citoyens bien intentionnés qui sautent dans la fosse aux lions du débat public-privé sont souvent dévorés par les lions
Shona Holmes a reçu plus de critiques qu’elle n’en méritait. Nous devrions plutôt la remercier d’avoir souligné les forces et les faiblesses de nos systèmes de santé respectifs. Elle a aussi réussi à mettre en évidence le fait que pour beaucoup, les soins de santé sont une question de politique et que les extrémistes, comme les Birthers, ne lâchent pas même si les faits leur prouvent le contraire.
Footnotes
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This article is also in English on page 952.
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