
Nous devons nous servir du temps comme d’un outil, pas comme d’une béquille.
John F. Kennedy (traduction libre)
Dans la plupart des numéros du Médecin de famille canadien, nous présentons une thématique autour de laquelle s’inscrivent des articles, tant dans les rubriques cliniques que dans celles de la recherche. Que le personnel réussisse à organiser chaque numéro selon un thème est une heureuse coïncidence plutôt que le fruit d’une mûre planification. Nous croyons que les lecteurs de la revue aiment bien cette présentation. Alors, quand il n’est pas possible de cerner un thème prédominant, comme dans le numéro de ce mois-ci, tels des diagnosticiens tenaces, nous en cherchons un.
Le temps, ou plutôt le manque de temps, est un thème qui domine partout la vie des médecins de famille1. Le numéro d’octobre du Médecin de famille canadien présente 2 études de recherche intéressantes à propos de 2 différentes facettes du temps dans la vie clinique d’un médecin de famille. Quel médecin de famille ne s’est pas retrouvé à donner à un patient présentant une amygdalite bactérienne possible ou une infection simple des voies urinaires une prescription d’antibiotiques postdatée un vendredi après-midi avec comme instructions de ne prendre les médicaments que si les symptômes persistaient durant la fin de semaine? Quel médecin de famille ne s’est pas demandé si le patient avait fait remplir ou non l’ordonnance quand les résultats négatifs de la culture de la gorge ou de l’urine étaient arrivés le lundi? Les patients vont de l’avant et font remplir les ordonnances et ceux dont les résultats de culture sont négatifs s’exposent non seulement aux complications possibles de l’utilisation inutile d’antibiotiques, mais ils contribuent aussi par inadvertance au problème de la résistance aux antibiotiques dans la communauté.
La première étude ( page 1032) par Graham Worrall et ses collègues se fonde sur une pratique réelle dans une petite communauté de Terre-Neuve2. Ils examinent si le fait de postdater les prescriptions d’antibiotiques de 48 heures se traduit par une réduction de l’utilisation inappropriée d’antibiotiques par rapport aux prescriptions postdatées habituelles (p. ex. une prescription portant la date du jour-même avec pour instructions d’attendre et de ne prendre les médicaments que si les symptômes persistent). Ils ont trouvé, comme dans des travaux antérieurs à ce sujet, que des prescriptions avec utilisation reportée à plus tard se traduisaient par une baisse importante du recours aux antibiotiques chez les adultes souffrant d’infection respiratoire aiguë. Le fait de postdater la prescription n’ajoutait pas d’avantages additionnels.
Les longues durées d’attente se produisent dans l’ensemble du système de santé canadien et l’accès en temps opportun aux médecins de famille devient un problème de plus en plus important. Dans de nombreuses communautés, les longs délais pour voir un médecin de famille forcent les patients à se rendre à l’urgence. Dans la deuxième étude ( page e361) par John Hudec et ses collaborateurs, menée dans des pratiques familiales au Cap Breton, en Nouvelle-Écosse, on a constaté que le fait de changer les rendez-vous traditionnels par un accès devancé (p. ex. rendez-vous le même jour) a apporté de nombreux avantages, y compris la réduction des arriérés dans les rendez-vous et des rendez-vous manqués, des revenus stables, une plus grande satisfaction des patients, du personnel de bureau, des infirmières praticiennes et des médecins eux-mêmes3.
Bien souvent, dans nos vies cliniques très occupées, les médecins de famille se servent du temps comme d’une béquille pour justifier des lacunes dans nos pratiques. Ces 2 études démontrent clairement que le temps peut être un outil efficace - un allié, par exemple, pour réduire substantiellement les prescriptions inutiles d’antibiotiques, ainsi que pour maximiser l’accès aux bureaux des médecins de famille - à la plus grande satisfaction de toutes les personnes en cause. Et il y a bien d’autres possibilités encore. Par exemple, dans un autre article de recherche ( page e375), on se penche sur les mesures prises pour atténuer les contraintes de temps en soins primaires en commençant à définir le rôle et les compétences particulières des infirmières praticiennes en pratique familiale4.
Il y a bien d’autres articles intéressants dans ce numéro, y compris sur le débat épineux de la publicité pharmaceutique dans les revues médicales ( page 982)5,6 et des articles pratiques sur le counseling en génétique prénatal transculturel ( page 993)7, la consommation de poisson durant la grossesse ( page 1001)8 et l’anaphylaxie ( page 1009)9. Alors, prenez le temps de le lire.
Footnotes
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