Benzodiazépines: médicaments honnis ou bénis?

Je suis membre fondateur de l'ATAQ (Association/Troubles Anxieux du Québec), ainsi le traitement des troubles anxieux et de leurs comorbidités représente depuis 20 ans un champ important de mon activité clinique. Lorsque j'ai accédé à mon profil de prescription en 2009, j'ai eu la surprise de constater que parmi mes 5 médicaments les plus prescrits se retrouvaient non pas un antidépresseur ni un antipsychotique atypique, comme j'aurais pensé, mais bien une benzodiazépine. Les interventions non- pharmacologiques et la promotion des ISRS et IRSN comme options pharmacologiques de première intention contre les troubles anxieux ont bonne presse mais l'expérience et la réalité clinique finissent par nous rattraper. Les patients qui présentent une consommation problématique de benzodiazépines sont une minorité et ils sont pour la plupart identifiables avant même d'initier le traitement. Les personnes qui ne présentent pas de dépression comorbide à un trouble anxieux et à qui on prescrit des benzodiazépines ne s'exposent pas aux effets métaboliques indésirables des antidépresseurs, jusqu'à récemment sous-estimés, ni aux effets sexuels qui affectent leur qualité de vie. On confond facilement la prise à long terme des benzodiazépines avec la dépendance à ces dernières alors qu'on reconnait que les troubles anxieux sévères sont des maladies souvent chroniques pour lesquelles aucune option pharmacologique ou psychologique ponctuelle n'a pu se démontrer curative. Il est essentiel de clarifier la différence entre la réapparition de manifestations cliniques à l'arrêt d'une médication et les symptômes de sevrage à cette dernière et constater avec humilité qu'il n'est habituellement pas facile de cesser rapidement un antidépresseur.