Le rôle d’interne ou de résident en médecine n’a jamais cessé d’évoluer. Vers la fin du XIXe siècle, la résidence était un système de formation relativement informel et non structuré. Au début du XXIe siècle, la résidence et la formation médicale postdoctorale se sont transformés pour devenir des programmes complexes et à fort coefficient de ressources, qui sont maintenant obligatoires pour obtenir le permis d’exercer dans la plupart des pays, y compris le Canada.
Le caractère officiel des programmes de formation a motivé les résidents à s’intéresser à la politique et à la gouvernance médicale. Récemment, aux États-Unis, la lutte pour fixer des limites aux heures de travail a attiré l’attention des médias nationaux et internationaux, et cette bataille avait pour catalyseur le bien-être des résidents et la sécurité des patients1.
Dans le monde de la médecine familiale, l’American Academy of Family Physicians (AAFP) compte parmi les premières organisations à avoir offert aux résidents une représentation considérable dans ses rangs. À l’heure actuelle, les résidents sont représentés dans les plus hautes sphères de l’AAFP et agissent comme délégués de l’AAFP auprès d’organisations homologues2.
Parallèlement, au Canada, une section des résidents a été créée au sein du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC). Durant les années 1980, on désignait les résidents comme des membres associés du Collège. Ainsi, lors de sa création en 1989, l’entité représentative des résidents avait pour nom le Groupe des membres associés. Deux résidents (1 en première année et 1 en deuxième) étaient élus dans chaque faculté de médecine pour représenter leur programme de formation postdoctorale en médecine familiale, et exprimer leurs points de vue et leurs opinions sur les questions touchant leur propre programme de formation et les programmes ailleurs au pays. Éventuellement, la terminologie utilisée au sein du Collège a changé et tous les résidents affiliés au CMFC sont devenus membre de la Section des résidents (SDR). Par conséquent, l’entité formée de représentants élus porte actuellement le nom de Conseil de la Section des résidents (Conseil de la SDR).
Aujourd’hui, avec les sections des enseignants, des chercheurs et des étudiants en médecine, la SDR fait partie intégrante du CMFC. Durant ses 20 ans d’existence, la SDR a été régie par un mandat structuré et a eu une forte représentation au sein de nombreux comités du CMFC, y compris le Conseil d’administration. Le Conseil de la SDR compte 3 sous-comités: éducation, affaires courantes et communications. Les dirigeants des sous-comités, ainsi que le président, le vice-président et le président élu, composent le comité de direction du Conseil de la SDR. Vous pouvez consulter l’organigramme dans l’article Opinions des résidents d’octobre 20103.
Depuis 1989, le Conseil de la SDR se réunit deux fois l’an pour discuter des forces et des points à améliorer dans les programmes de formation en médecine familiale. De plus, on discute activement des questions d’actualité touchant la médecine familiale. À l’instar de son nom, les questions qu’aborde la SDR ont évolué. Par ailleurs, en examinant les sujets de discussions au cours des 20 dernières années, certains thèmes reviennent. Le Conseil de la SDR s’est principalement concentré sur l’éducation médicale, la formation décentralisée, la continuité des soins en médecine familiale, la dynamique de la pratique ciblée en médecine familiale et les façons de maintenir les frais d’examen abordables.
Éducation médicale
Dès ses débuts, le Conseil de la SDR s’est intéressé à l’éducation médicale prédoctorale et postdoctorale. En 2003, le Service canadien de jumelage des résidents signalait une proportion d’une faiblesse sans précédent de 24,8 % des diplômés en médecine qui choisissaient une carrière en médecine familiale4. Étant donné que des millions de Canadiennes et de Canadiens étaient incapables de se trouver un médecin de famille, ce faible niveau d’intérêt se révélait inquiétant. C’est pourquoi on a renforcé les groupes d’intérêt en médecine familiale dans toutes les facultés de médecine. Le Conseil de la SDR a appuyé cette initiative et encouragé tous les résidents en médecins familiale à s’impliquer davantage dans l’éducation médicale prédoctorale. Au cours des 2 dernières années, le programme des résidents à titre d’enseignants est venu renforcer encore plus cet engagement à l’endroit de l’éducation médicale. Dans le plus récent exercice de jumelage en 2010, 31,8 % des diplômés en médecine ont choisi la médecine familiale4. Même si cette hausse de l’intérêt est encourageante, la SDR continuera de promouvoir la médecine familiale comme choix de carrière auprès des étudiants en médecine.
Naturellement, la formation postdoctorale en médecine familiale intéresse particulièrement le Conseil de la SDR. Depuis sa création, des documents appelés Défilé ou Survol ont été présentés et discutés durant les réunions biannuelles. Ces documents sont produits par les représentants de chacun des programmes de résidence en médecine familiale et expliquent les composantes de la formation, leurs forces et leurs faiblesses. Durant les discussions, nous échangeons des suggestions sur la façon d’améliorer nos programmes de résidence respectifs.
En 2003, le sous-comité de l’éducation a produit un document qui a par la suite pris la forme de lignes directrices sur la formation en médecine familiale servant de ressources à l’intention des résidents et des directeurs de programme concernant le cursus5. Ce document explique en détail comment chaque composante de la formation en médecine familiale est structurée dans divers programme de résidence. On y explore à la fois les forces et les faiblesses. Avec le temps, ce document sera continuellement mis à jour et revêtira de l’importance lorsque les programmes de résidence envisageront de réviser le cursus.
Formation décentralisée
À la fin des années 1980 et au début des années 1990, les programmes de médecine familiale ont pris de l’expansion sur le plan géographique et se sont éloignés des centres d’enseignement universitaire traditionnels. La question de la décentralisation de la formation revient parmi les débats de l’heure, et bon nombre des préoccupations discutées en 2009 et 2010 ressemblent à celles de 1989. Les résidents contemporains aspirent à un sentiment de connexion avec leurs collègues au moyen de bulletins électroniques, de séances de réflexion annuelles à l’échelle du programme et de demi-journées scientifiques par téléconférence. De nouveaux établissements de formation en médecine familiale cherchent à offrir des expériences d’apprentissage semblables à celles des centres universitaires établis, sans toutefois laisser de côté les forces uniques et les expériences particulières qu’offrent les plus petites communautés.
Par contre, il fut un temps où les coupures, et non l’expansion, prédominaient dans l’esprit des résidents. En février 1992, la première portion du rapport Barer-Stoddart était publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne, et le reste des autres documents, pour un total de 12, étaient rendus publics entre 1992 et 19936,7. De toutes les recommandations de ce rapport, celle de réduire de 10 % les inscriptions dans les facultés de médecine, et les mesures subséquentes prises par les ministres provinciaux de la Santé, inquiétaient sérieusement non seulement les résidents, mais tous les professionnels de la médecine. À son assemblée de mars 1992, le Conseil de la SDR a adopté une résolution appuyant la position du CMFC, à savoir que l’éventuelle réduction de 10 % dans les inscriptions en médecine comme façon efficace de réduire les coûts de la santé au Canada serait irréfléchie et aurait des conséquences dramatiques8. Quoique les effets directs du rapport Barer-Stodart soient encore discutables7, la pénurie de médecins de famille9 a suscité un sentiment d’urgence dans le monde de la formation en médecine familiale.
Continuité des soins
La continuité des soins est un principe central de la médecine familiale et joue un rôle important dans l’établissement de la relation médecin-patient. La continuité est largement considérée comme bénéfique dans les soins aux patients, l’utilisation judicieuse des ressources de la santé, la prise en charge des maladies chroniques, ainsi que la satisfaction des patients et des médecins10.
L’obstétrique en médecine familiale est l’un des domaines dans lesquels l’expérience de la continuité des soins est particulièrement problématique pour les résidents. Il peut être difficile pour un résident qui travaille dans plusieurs cliniques, hôpitaux ou villes de faire l’expérience de suivre une femme du counseling prénatal jusqu’aux visites du nouveau-né en passant par les soins prénatals et l’accouchement. L’expérience des résidents en médecine familiale dans le domaine de l’obstétrique varie considérablement d’un programme et d’une région à l’autre. Presque chaque année, dans les présentations des défilés ou survols, les stages en obstétrique sont mentionnés comme étant un problème par au moins un représentant de programme, et les inquiétudes portent généralement sur l’intégration avec les équipes de spécialistes et la capacité de faire entre 3 et 6 accouchements en tant que résidents du programme de médecine familiale.
Lors d’une réunion, en 1992, un représentant de l’Association canadienne des médecins résidents au sein du Conseil de la SDR a annoncé la création récente d’un groupe de travail sur l’obstétrique et la néonatalogie. Fait important pour les résidents en médecine familiale, le groupe de travail était d’avis qu’il devrait y avoir plus de médecins de famille pratiquant l’obstétrique comme modèles à imiter et que la formation en réanimation néonatale devrait être offerte à tous les résidents. Or, depuis, le nombre de médecins de famille pratiquant l’obstétrique n’a fait que fléchir. De 1989–1990 à 1999–2000, la proportion de médecins de famille offrant de tels soins au Canada est passée de 28 % à 13% chez les médecins établis et de 27 % à 15% chez les récents diplômés11. Même si les programmes et les précepteurs servant de modèles à imiter continuent de promouvoir l’obstétrique, cette discipline demeure un défi pour les résidents en ce qui a trait à la continuité des soins.
Pratique ciblée
Même s’il peut être naturel pour tous les médecins d’avoir des domaines d’intérêt particuliers, la motivation qu’ont les médecins de famille à se surspécialiser est probablement plus grande et différente de celle des autres spécialistes. Elle se fonde peut-être sur la rémunération ou le prestige. Certains prétendent que le mouvement vers la spécialisation est attribuable en partie à la pénurie de médecins12. Les médecins qui s’intéressent à la pratique complète sont pour leur part contraints de cibler leur pratique afin de garder un juste équilibre entre leur vie personnelle et professionnelle.
Les médecins qui se spécialisent en médecine d’urgence forment la majorité des médecins ayant une pratique ciblée. Le programme en médecine d’urgence est sans contredit le programme d’intérêt spécial le mieux structuré en médecine familiale. Depuis 1982, une désignation spéciale est accordée à ceux qui ont réussi à l’examen de compétence spéciale en médecine d’urgence13. Dans le plus récent Sondage national des médecins, 72 % des médecins inscrits au programme en médecine d’urgence souhaitaient poursuivre leur carrière exclusivement en médecine d’urgence14. Cette situation a fait l’objet de nombreuses discussions aux assemblées du Conseil de la SDR.
On discute encore aussi de la question de savoir si la pénurie de médecins de famille est exacerbée davantage par les choix de carrière et la pratique ciblée de certains médecins de famille. Étant donné que le principal focus de la médecine familiale est la continuité des soins, une pratique ciblée change-t-elle cet objectif et ce mantra de longue date? Sur le plan de l’éducation postdoctorale, y a-t-il eu suffisamment de liens avec la médecine familiale durant la troisième année de formation?
À la lumière du profil changeant de la médecine familiale et de ses programmes de formation, la discussion de ces questions est incessante et en évolution constante. Récemment, on a déployé des efforts considérables de communication avec les résidents de troisième année en médecine familiale pour mieux connaître leurs expériences et leurs attentes en ce qui concerne la formation en compétences avancées et les rapports avec la médecine familiale traditionnelle.
En 2009, le CMFC a instauré une nouvelle section, la Section des médecins de famille avec intérêts particuliers ou pratiques ciblées. Cette section compte des représentants de divers groupes de pratique ciblée comme la médecine d’urgence et l’anesthésiologie. À l’avenir, le Conseil de la SDR travaillera diligemment avec cette nouvelle section pour promouvoir les intérêts des résidents, ainsi que leur carrière et choix de pratique futurs.
Frais d’examen
Les frais d’examen font l’objet de nombreuses discussions au Conseil de la SDR. En moyenne, un étudiant diplômé en médecine a accumulé plus de 100 000 $ de dettes15. De nombreux nouveaux diplômés ont des personnes à charge en plus des autres exigences financières auxquelles il faut répondre.
De plus, beaucoup de résidents doivent se déplacer des régions rurales pour aller subir les examens qui ne sont administrés que dans quelques villes. Les résidents qui préfèrent passer en français l’examen de certification en médecine familiale doivent se rendre au Québec. Étant donné la courte durée du programme de résidence en médecine familiale, les dépenses indiquées dans le Tableau 1 sont considérables16,17. Aussi tôt qu’en 1990, le Conseil de la SDR a revendiqué et d’ailleurs obtenu de siéger au Comité des examens (le comité du CMFC responsable des politiques relatives à l’examen). La question des frais est tout aussi importante maintenant qu’elle l’était alors. Par ailleurs, malgré tous nos efforts pour maintenir les frais à un seuil minimum, l’élaboration, l’administration et l’évaluation continues des examens exigent beaucoup de ressources financières.
Frais d’examen: Les frais totaux d’examen pour les diplômés en médecine canadiens s’élèvent à 4 332 $ ou 6 745 $ avec la certification en médecine d’urgence; les frais totaux pour les DME sont de 5 832 $ ou 8 254 $ avec la certification en médecine d’urgence.
À l’heure actuelle, on prévoit harmoniser l’Examen d’aptitude, partie II, du Conseil médical du Canada avec l’examen de certification en médecine familiale et ouvrir un plus grand nombre de centres d’examen. À long terme, ces initiatives devraient réduire le coût des examens, ainsi que le temps et les frais de déplacement pour les résidents. La SDR est représentée à tous les niveaux dans ces discussions. Nous espérons que ces solutions se traduiront éventuellement par une réduction substantielle des frais d’examen imposés aux résidents.
Conclusion
En faisant une rétrospective des 20 ans d’existence du Conseil de la SDR, il est évident que ce groupe peut jouer un rôle crucial pour renseigner et même éduquer le reste du Collège à propos des défis constants à relever dans l’apprentissage des compétences requises en médecine familiale. Par l’intermédiaire de leurs représentants, tous les groupes de résidents ont directement un droit de parole dans le processus décisionnel qui oriente leur formation et la certification. Même à l’époque d’Internet, du courriel, de la vidéoconférence et de Facebook, la communication entre les établissements décentralisés peut poser des difficultés. Les soins complets et continus resteront toujours notre idéal, mais les intérêts particuliers et la participation fléchissante en obstétrique et dans les soins hospitaliers pèseront aussi dans la balance. Par ailleurs, dans l’ensemble, mieux connaître le travail du CMFC et du Conseil de la SDR - être témoins du travail diligent accompli avec les années pour améliorer l’expérience des résidents et, par conséquent, enrichir leur future pratique - a été une inspiration. Nous avons fait une rétrospective pour mieux voir l’avenir. Nous avons vu nos dirigeants actuels qui nous ont amenés jusqu’ici et nous voyons nos futurs dirigeants prêts à prendre la relève.
Acknowledgments
Nous remercions Debby Lefebvre, responsable de l’Éducation au Collège des médecins de famille du Canada, pour ses conseils et sa contribution à l’élaboration de ce manuscrit. Elle a travaillé incessamment pour la Section des résidents depuis sa création en 1989 et mérite notre sincère gratitude pour toutes ses contributions.
Footnotes
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This article is also in English on page 1259.
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Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles sont sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
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