On peut remettre en question et même largement réfuter la conviction de Dre Adams que les MF sont des évaluateurs appropriés de l’aptitude à conduire, de même que ses déclarations d’introduction. Les convictions doivent être étayées par des données scientifiques et je ne crois pas qu’elle en ait fournies.
Les médecins ont certainement des connaissances, mais d’ordre médical, qui n’ont rien à voir avec la sécurité routière; ils n’ont pas de compétences reliées à l’évaluation de l’aptitude à conduire, et leurs attitudes n’ont pas vraiment de pertinence dans ce cas. La relation médecin-patient à long terme avec les patients et leur famille n’est pas un facteur permettant de prévoir la capacité de conduire et ce n’est pas nécessairement la norme que les médecins de famille connaissent leurs patients depuis longtemps. De nombreux patients vont consulter des « médecins de famille » qu’ils n’ont jamais vus auparavant pour faire remplir leur formulaire médical d’aptitude à conduire.
Faire partie d’une équipe n’est qu’un élément devant servir à inspirer un sentiment positif d’appartenance.
Je ne peux pas comprendre comment on pourrait penser qu’un examen en cabinet médical puisse évaluer les déficiences relatives à la conduite sécuritaire (p. ex. les infractions aux codes ou à la vitesse, la confusion aux intersections, les erreurs d’interprétation de la signalisation routière).
SIMARD MD compte parmi de nombreux outils de dépistage des déficits cognitifs et le MoCA est reconnu comme étant le plus sensible pour détecter la déficience cognitive légère. Par contre, mis à part le fait que personne avec un résultat de 19 ou moins au mini-examen de l’état mental n’ait réussi un test de conduite sur route1, il n’y a pas d’opinion validée ou de consensus sur un résultat minimal qui puisse prédire avec fiabilité le rendement sur route au volant d’un véhicule; même 2 personnes ayant eu de pareils résultats au même test pourraient avoir des habiletés à la conduite différentes.
Beaucoup des arguments de Dre Adams ne concernent pas vraiment l’évaluation de l’aptitude à conduire, mais plutôt les circonstances entourant l’échec d’un test de conduite et ses conséquences. De fait, je pense même qu’elle n’aborde pas du tout les examens de l’aptitude à conduire effectués par des médecins. Il n’est pas nécessaire d’avoir un médecin pour diriger une personne vers des services d’assistance à la conduite, et il n’existe pas de mandat professionnel rendant les médecins responsables de la sécurité routière.
La citation choisie dans l’article de Jang et ses collaborateurs2 concernant la responsabilité des médecins ne touche pas au cœur du débat: signaler les conducteurs non sécuritaires n’est pas la même chose que se faire l’arbitre de la conduite sécuritaire et assumer la responsabilité juridique de toutes conséquences indésirables. Si Dre Adams avait cité d’autres résultats rapportés dans la même étude, elle se situerait du côté du « non » de ce débat; plus précisément, l’article indique que plus de 45 % des médecins ne sont pas à l’aise d’évaluer l’aptitude à conduire et ne se considèrent pas comme les professionnels les plus qualifiés pour ce faire, et que 75 % croient que le signalement des conducteurs non sécuritaires les place en conflit d’intérêts et nuit aux relations médecin-patient.
Je ne suis pas convaincu par l’opinion de mon adversaire qui veut se faire le bon pasteur. Si j’amenais les arguments de Dre Adams à une conclusion logique, les MF devraient évaluer les conducteurs adolescents avant qu’on ne leur délivre un permis de conduire parce que leur médecin les connaît depuis leur enfance!
Footnotes
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This article is also in English on page e412.
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Cette réfutation est la réponse des auteurs des débats dans le numéro de décembre (Can Fam Physician 2010;56:1264–7[ang], 1268–71[fr]). Voir www.cfp.ca.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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