
Sur le chemin du retour, un soir, j’ai entendu à la radio Brian Goldman de «White Coat, Black Art». Il répondait à la publication du rapport du Partenariat sur les temps d’attente en soins de première ligne (PTASPL)1. Il jugeait que le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) était irréaliste en ayant pour objectif que 95 % de la population, dans chaque collectivité au Canada, ait un médecin de famille d’ici 2012, disant qu’il faudrait faire plus pour augmenter le nombre de diplômés en médecine internationaux (DMI) en pratique et que le Collège protégeait son territoire.
Propos certainement intéressants - matière à controverse - mais est-ce juste de dire que le CMFC est irréaliste et protège son territoire?
Le rapport du PTASPL était une initiative conjointe du CMFC et de l’Association médicale canadienne. Il décrit les problèmes des temps d’attente et présente des recommandations, y compris pour ceux qui n’ont pas de médecin de famille. Les médias y ont réagi vivement; par contre, ils se sont concentrés surtout sur l’énoncé de vision que le CMFC avait publié en 2007 - voulant que 95 % des Canadiens aient un médecin de famille d’ici 2012. C’était un défi lancé, un but à atteindre, d’où l’expression « énoncé de vision ». Il n’existe pas de plan structuré pancanadien des ressources humaines dans le secteur de la santé. Nous en avons besoin. Personne d’autre ne fixe ces objectifs. Comme porte-parole de la médecine familiale au Canada et étant donné la mission du Collège d’appuyer l’accessibilité aux services des médecins de famille, je crois que c’était notre devoir.
Pour changer les choses, nous devons rêver, penser au-delà de ce qui semble possible - c’est la vision de cet énoncé et une part importante du leadership. Elbert Hubbard écrivait qu’un but sans plan est un rêve. Le rapport du PTASPL et d’autres documents du CMFC, y compris notre récent document de travail sur le « medical home »2, sont des plans directeurs expliquant comment transformer des rêves en objectifs réalistes. Le récent document de l’Association des facultés de médecine du Canada sur l’avenir de l’éducation médicale fait aussi partie du plan3. Nous avons besoin d’une vision possible à réaliser et nous devons continuer à trouver des solutions. Nous avons besoin d’une approche nationale et nous ne pouvons pas rester là à attendre.
Le but est-il réaliste? Je suis une optimiste et j’aime viser haut. Le rapport sur les temps d’attente et le document sur le «medical home» décrivent des stratégies qui peuvent nous aider à atteindre notre objectif. Les 2 portent sur de nouveaux modèles de pratique, y compris des innovations dans les rendez-vous et le travail en équipe, susceptibles d’augmenter la capacité des pratiques actuelles. Il y a maintenant des exemples au Canada de médecins de famille qui avaient une pratique surchargée et de longs délais d’attente et qui, après avoir adopté un modèle de rendez-vous à accès libre, ont pu se rattraper et même prendre de nouveaux patients4. Nous appuyons aussi une autre vision: chaque Canadien aura accès à un milieu de soins primaires où les soins seront dispensés par son propre médecin de famille et une infirmière autorisée ou praticienne. Nous participons à de nombreuses initiatives à l’appui des soins en collaboration en équipes interprofessionnelles. Nous les préconisons depuis des années. À mesure que ces stratégies sont implantées, nous nous rapprochons de notre but. Est-ce là protéger notre territoire?
Pratiquer différemment fait partie du plan, augmenter nos nombres aussi. Les inscriptions à la faculté de médecine ont augmenté partout au pays, soit plus de 2 700 chaque année. On compte maintenant 10 500 étudiants en médecine au Canada. La proportion qui choisit la médecine familiale s’accroît depuis 2004. C’est une tendance qui se maintient. Continuons les efforts qui ont permis d’atteindre l’an dernier une part de 32 %. Depuis 2004, le nombre de résidents en 1re année de médecine familiale a plus que doublé, pour atteindre 1 200. Le nombre de programmes au pays connaît une vaste expansion grâce aux programmes ruraux et décentralisés adoptés par les départements universitaires de médecine familiale. Il y a actuellement 2 350 résidents en médecine familiale au pays et, en 2009, 262 suivaient des programmes de 3e année. Les programmes de médecine familiale participent aussi activement à la formation des DMI, dont le nombre en pratique au Canada est aussi à la hausse.
Dr Goldman a parlé de l’importance des DMI et je suis d’accord. Mais il a omis de mentionner certaines questions d’éthique. Le Canada a-t-il vraiment le droit de régler ses problèmes de ressources en recrutant dans des pays qui ne peuvent pas se permettre de perdre leurs professionnels de la santé? Ne vaudrait-il pas mieux aspirer à l’autosuffisance ou, mieux encore, contribuer à régler les problèmes mondiaux?
Le leadership est une question de vision - voir les possibilités et offrir un plan. Le Collège l’a fait. Comment savoir si nous réussissons? Seul, le relevé des effectifs n’est pas très utile pour mesurer les besoins de ressources, mais le Sondage national des médecins revient cette année. Aucun autre sondage n’offre autant d’information sur notre capacité de réaliser notre vision.
Vive la critique et la rétroaction. Merci, Dr Goldman, de nous faire réfléchir et de nous rappeler l’importance de tous répondre à notre sondage quand nous le recevrons!
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