La dernière décennie fut marquée par une reconnaissance planétaire de l’importante contribution des soins primaires à de meilleurs résultats en matière de santé. La recherche démontre clairement la corrélation entre l’accès aux soins primaires - médecins de famille et équipes interprofessionnelles - et une meilleure santé des gens et un système de santé plus rentable1–4.
En 2000, le gouvernement fédéral consacrait 800 millions $ aux Fonds pour l’adaptation des soins primaires, ayant les buts suivants : meilleur accès; création d’équipes multidisciplinaires; insistance sur la prévention, la promotion de la santé et la prise en charge des maladies chroniques; et meilleure coordination des services de santé. La Commission Romanow5 et l’Accord des premiers ministres de 20036 réitéraient ces objectifs et insistaient sur la nécessité d’un système plus centré sur le patient, de dossiers médicaux électroniques et d’incitatifs pour garantir la viabilité. En 2004, le financement du Plan décennal pour consolider les soins de santé était prolongé jusqu’en 2014.
Depuis, la plupart des provinces ont adopté des initiatives semblables pour transformer les pratiques et améliorer l’accès (équipes de santé familiale en Ontario, réseaux de soins primaires en Alberta, groupes de santé familiale au Québec). Dans toutes ces initiatives valables, il manque un modèle commun d’éléments de base nécessaires à des soins véritablement centrés sur les patients, qui répondent aux objectifs de la réforme.
Or, nous avons la possibilité d’adapter à la réalité canadienne le concept du « medical home » centré sur les patients, instauré en 1967 aux É.-U. et adopté internationalement, pour améliorer la qualité des soins et les résultats, et faire avancer les initiatives en soins primaires. De fait, les modèles progressistes établis ici procurent déjà les avantages associés aux « medical homes » centrés sur les patients7.
Selon les commentaires reçus à propos un document de travail du CMFC8 proposant une telle adaptation, les Canadiens seraient en faveur d’un guichet unique de soins primaires où leurs soins médicaux seraient dispensés ou coordonnés, une plaque tournante ou un port d’attache central de soins et de renseignements.
Le document ne propose pas de changement de nom pour les nouveaux modèles de soins et reconnaît que les éléments de base du « medical home » y sont déjà souvent présents. Il recommande cependant de surimposer ce concept centré sur les patients aux modèles déjà établis et d’élaborer à partir de là. Il propose de définir les éléments fondamentaux et les facilitateurs des « medical homes » pour que les Canadiens comprennent ce que nous attendons des pratiques répondant à cette définition. Toutes les pratiques de soins primaires pourront aspirer à intégrer ces éléments qui feront d’elles des « medical homes » centrés sur les patients; le système saura quels sont les soutiens nécessaires et il sera possible d’évaluer nos efforts dans cette direction.
On utilise déjà l’expression medical home au Canada pour décrire de nombreux nouveaux modèles de pratique, mais sans avoir une compréhension « fabriquée au Canada » de ce qu’elle signifie. En définissant un « medical home » qui réponde aux besoins de notre population et concorde avec les pratiques émergentes, nous avons la possibilité de transformer les soins primaires d’une approche encore principalement définie par les priorités du système en un modèle véritablement centré sur les patients. Il ne faut pas laisser cette possibilité nous échapper.
De nombreux patients au pays ont un médecin de famille dont la pratique donne accès à tous les soins de santé nécessaires, d’autres pas. Le CMFC recommande que tous les Canadiens puissent se prévaloir d’un « medical home » comportant les éléments de base suivants :
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Chaque patient a son médecin de famille personnel.
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Les patients ont accès à des infirmières, infirmières praticiennes et autres professionnels de la santé, au besoin, au sein de la pratique ou par l’intermédiaire d’autres arrangements formels.
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Les professionnels de la santé travaillent en équipes bien coordonnées, offrant des habiletés uniques pour des soins optimaux.
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Des systèmes permettent des rendez-vous opportuns avec le médecin de famille et les autres membres de l’équipe.
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Le « medical home » coordonne tous les autres services médicaux.
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Des dossiers médicaux électroniques facilitent le stockage et le partage de l’information.
Notre système de santé devra offrir un soutien constant pour implanter les dossiers médicaux électroniques, recruter et maintenir en poste les professionnels de la santé, et faire la recherche et les évaluations nécessaires pour réaliser la vision du « medical home ». Si les gouvernements ne respectent pas leurs engagements à l’endroit des soins primaires et n’adoptent pas des concepts comme le « medical home » centré sur les patients, le Canada, qui accuse déjà des retards considérables à de nombreux égards, ne redeviendra peut-être plus jamais un leader mondial en soins de santé.
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