La formation des diplômés sera perfectionnée et intensive - le prolongement naturel des cours optionnels qui gagnent maintenant en popularité.
A. Flexner, 19101 (traduction libre)
L’éducation médicale en Amérique du Nord a changé remarquablement si nous comparons les pratiques antérieures avec celles de nos jours2–4. Un ensemble grandissant de savoir, alimenté par un triumvirat de financement, de recherche et de profits, s’est traduit par une augmentation constante de la quantité et de la qualité des connaissances scientifiques et cliniques nécessaires pour former les médecins5–7.Étant donné les attentes croissantes des patients, les diplômés en médecine d’aujourd’hui doivent être bien mieux préparés dès le départ que ne l’étaient leurs prédécesseurs il y a à peine une génération7.
Avec l’avènement de la réforme des soins primaires dans plusieurs provinces, une meilleure rémunération et la reconnaissance de la médecine familiale en tant que spécialité en bonne et due forme, la profession est maintenant prête à se relancer dans l’un de ses premiers grands débats: la formation postdoctorale devrait-elle durer 2 ou 3 ans8,9? Il ne faut pas s’y méprendre; c’est maintenant qu’il faut reprendre ce débat, puisque nous consacrons présentement beaucoup d’énergie à redéfinir la médecine familiale (p. ex. CanMEDS-Médecine familiale et les objectifs d’évaluation10).
Nous débattons de la durée optimale de la formation en médecine familiale depuis avant même l’instauration de programmes en médecine familiale en 1966. À cette époque, beaucoup préconisaient un programme de formation de 3 ans en médecine familiale, comme nos homologues américains, mais la politique et des contraintes financières—et non pas une rigueur de cursus ni des preuves scientifiques—ont dicté la décision.
L’existence d’un programme de formation de 2 ans au Canada et de 3 ans aux États-Unis soulève la question : lequel est le mieux, 2 ou 3 ans? Parmi les données probantes à l’appui d’un programme de 2 ans, on peut mentionner la réussite des programmes de médecine familiale ici au Canada, le succès des programmes de résidence «accélérés» aux États-Unis et les effets positifs qu’ont les programmes de 2 ans sur le choix de résidence par les étudiants en médecine11–14. Les gouvernements canadien et américain maintiennent aussi que les pénuries de médecins et les coûts presque prohibitifs de l’éducation médicale justifient des programmes de formation en médecine familiale de 2 ans13.
Par ailleurs, d’autres citent le moins grand nombre d’heures de soins cliniques en raison des conventions collectives des résidents pour motiver le prolongement de la durée des programmes de formation3,6. Au Canada, l’argument devient d’autant plus pertinent que certains programmes américains se demandent maintenant s’ils devraient prolonger la formation à 4 ans8,14–17. Les médecins d’aujourd’hui ont tout simplement plus à apprendre.
Croissance continue
Heureusement, la médecine est une profession vivante qui a une riche histoire, et c’est peut-être en étudiant cette histoire que nous allons résoudre ce débat. En 1910, la plupart des facultés de médecine du Canada n’exigeaient des candidats qu’un diplôme d’études secondaires. Aujourd’hui, la plupart des étudiants ont un diplôme universitaire et ont complété 4 années de formation médicale prédoctorale et au moins de 2 années de formation postdoctorale.
Même s’il y a des avantages évidents à avoir une population de médecins de famille «mieux éduqués», la possibilité qu’intervienne la loi de Parkinson est grande16. Autrement dit, il faudrait que la médecine familiale travaille avec diligence pour assurer que la même matière couverte dans un cursus de 2 années n’est pas simplement étirée sur une période de 3 ans. Une 3e année obligatoire devrait permettre des études plus sélectives dans des domaines comme la dermatologie, la médecine du sport et la rhumatologie. Au cours de cette année, les résidents en médecine familiale seraient appelés à s’occuper du fonctionnement d’un service hospitalier et d’unités de médecine familiale à titre de personnel junior, supervisant des résidents de niveaux inférieurs et des étudiants en médecine qui travaillent avec eux. La formation additionnelle permettrait aux résidents de consacrer du temps à apprendre des techniques d’intervention traditionnelles et non traditionnelles (comme la colonoscopie et la colposcopie), domaines qui ne sont pas très bien couverts dans les programmes actuels.
Et que dire des conséquences « non intentionnelles »? Peut-être verrions-nous une baisse du nombre des consultations pour des investigations et des interventions préférablement systématiques, qui réduirait par le fait même les coûts pour les gouvernements. Et que dire de l’argument selon lequel la productivité baisserait si de tels programmes étaient implantés? Ce ne serait que pour 1 an, et même si cette première cohorte ne pratiquait pas de manière autonome après 2 ans de résidence, elle s’occuperait quand même de soigner les Canadiens. Quant aux patients, ils bénéficieraient peutêtre de temps d’attente plus courts pour le diagnostic et l’accès à d’autres spécialistes. En insistant continuellement sur l’importance d’une vie professionnelle équilibrée, nous pourrions compenser tout déclin possible de l’intérêt des étudiants en médecine causé par l’ajout d’une 3e année.
Leçons du passé
D’une certaine façon, les réalités actuelles sont semblables à celles du passé, et refuser aux diplômés en médecine familiale un programme de formation plus long, c’est nier les leçons du passé. Les départements de médecine familiale doivent aspirer à produire des médecins qui ressemblent plus étroitement à des maîtres cliniciens. Deux années ne suffisent pas; comme les connaissances dans la littérature médicale ne cessent de croître, la formation postdoctorale devra nécessairement s’accroître elle aussi, pour maintenir cette intensité de l’acquisition du savoir qui ne peut simplement pas se reproduire sans un bien trop grand nombre d’années de pratique indépendante. Le prolongement de la formation des médecins de famille est inévitable; c’est le prolongement naturel de l’intérêt pour les cours optionnels, les programmes de 3e année, les bourses de recherche et les activités rigoureuses de formation continue qui gagnent maintenant en popularité.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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