La quantité et la qualité des données de recherche qui alimentent l’excellence de la pratique familiale ont connu une hausse dramatique au cours des 3 dernières décennies. C’est pourquoi les médecins de famille sont plus confiants de recommander des interventions pour la prévention, le diagnostic et la prise en charge des maladies. Parallèlement, nos patients s’attendent encore plus de nous que nous utilisions les sciences médicales les plus avancées dans nos rencontres et ce, de manière uniforme et en évitant des variations inappropriées.
Révolution fondée sur des données probantes
Au début de la révolution de la médecine factuelle, chaque médecin devait passer en revue les ouvrages scientifiques, choisir les recherches les plus appropriées et en venir à ses propres conclusions. Dans cette approche individuelle, il manquait le point de vue des collègues, des consultants, des chercheurs et de la population. L’élaboration des guides de pratique clinique (GPC), sous la direction de groupes et d’associations de professionnels, d’agences gouvernementales et d’autres organismes publics, de groupes bénévoles non gouvernementaux centrés sur une maladie en particulier et d’autres intervenants, se fondait sur un processus collégial et transparent pour évaluer de manière critique la littérature scientifique. Lorsque les ouvrages ne répondaient pas à une préoccupation clinique, ils débattaient de la question et en venaient à un consensus selon leurs meilleures opinions professionnelles. Leur analyse et leurs discussions étaient traduites en recommandations cliniques, classées en fonction de la qualité des données probantes, en tenant compte de la rigueur ou de la crédibilité de la recherche ou de leurs opinions. Grâce à Internet, ces lignes directrices cliniques sont facilement et largement accessibles aux praticiens dans divers sites Web.
On peut mentionner, par exemple, Infobase1 de l’AMC, dans laquelle on trouve des GPC fondés sur des données probantes ou endossés par des organisations médicales ou de santé reconnues au Canada. D’autres groupes, comme le Comité consultatif sur les lignes directrices au sein du Center for Effective Practice2, font une évaluation critique des directives elles-mêmes, et donnent des recommandations résumées et classées selon la qualité des données. Le partenariat Toward Optimized Practice3, qui regroupe l’Alberta Medical Association et le gouvernement de cette province, élabore ses propres lignes directrices ou adapte celles d’autres sources en fonction de son programme.
Un rapport de l’Institute of Medicine du Service américain de la santé publique en 1990 décrivait le rôle des GPC comme étant de «traduire les connaissances en décisions par le patient et le praticien qui améliorent la valeur de ce que la nation reçoit pour ses dépenses en soins de santé… Les guides de pratique clinique font partie d’un important changement culturel, selon lequel on se fiait auparavant sans validation au jugement professionnel pour compter désormais sur un soutien et une imputabilité plus structurés4».
Trouver l’équilibre
Les médecins de famille doivent se rappeler que toutes ces données factuelles, sous forme de recherche originale ou traduites en guides de pratique clinique, décrivent ce qui s’est produit avec des groupes de patients choisis en fonction des critères de l’étude. Si ces données procurent une plus grande certitude et plus de précision dans la prédiction des effets de la prévention, du diagnostic et de la prise en charge pour des groupes de patients, la probabilité de tels effets chez un patient en particulier qui rencontre son médecin de famille demeure incertaine. Nous pouvons catégoriser précisément cette incertitude avec des valeurs P, des notes Z et des intervalles de confiance, mais l’incertitude persiste pour chaque patient en particulier.
Alors, comment les GPC sont-ils essentiels à l’excellence de la pratique familiale et de la rencontre patient-médecin qui se situe au cœur de la médecine clinique? Le Royal College of General Practitioners décrit ainsi cette «consultation» du médecin par le patient comme étant centrale à la pratique de la médecine: «l’unité essentielle de la pratique médicale est l’occasion où, dans l’intimité de la salle d’examen ou la chambre du malade, une personne malade ou croyant être malade cherche conseil auprès d’un médecin à qui elle fait confiance. C’est une consultation, et tous les autres éléments de la pratique en dérivent5».
Dans ces consultations, les patients se fieront sur le fait que leurs médecins connaissent les plus récentes données scientifiques. Les médecins doivent aussi travailler avec les patients et les faire participer à la prise en charge de leurs maladies. Les médecins doivent entretenir la confiance établie dans ces relations avec le temps, car c’est une source de nombreux effets positifs6. Ensemble, le patient et le médecin doivent décider ce qu’il y a de mieux, compte tenu des similitudes et des différences entre le patient en cause et les patients dans les populations à l’étude dans la recherche, des narrations et de la signification de la maladie pour le patient, de ses craintes et de ses attentes, et d’autres facteurs socioculturels pertinents.
Comme le dit Sir Donald Irvine, les cliniciens doivent préserver la liberté de décider avec chacun de leurs patients ce qu’il y a de mieux dans les circonstances. Ni l’arbitraire à une extrémité de l’échelle décisionnelle, ni la rigidité et l’imposition sans condition à l’autre extrémité ne sont compatibles avec l’intérêt supérieur du patient7.
De plus, les médecins de famille ont la possibilité de revoir les problèmes cliniques dans le contexte de la relation continue au fil du temps. Lorsque les circonstances changent et que les peurs, les souhaits et les aspirations sont divulgués en toute confiance à mesure que la relation se bâtit, les patients et les médecins peuvent revoir à nouveau les recommandations des lignes directrices et reconsidérer les choix à la lumière de la vie en évolution. Ici et ailleurs, les données scientifiques contenues dans les GPC sont essentielles à l’excellence des soins cliniques. La prise en compte des lignes directrices dans les décisions conjointes avec les patients et souvent leur famille - non pas de manière prescriptive ou inflexible, mais bien après réflexion, avec sagesse et en s’adaptant aux circonstances du moment - représente une excellente pratique familiale.
Dans le document Physician of the Future, élaboré pour guider la formation médicale au Mexique, on affirme que les meilleurs professionnels ne sont pas nécessairement ceux qui suivent le plus à la lettre les protocoles et les directives, mais plutôt ceux qui savent quand et comment ils devraient dévier de leur application dans l’intérêt d’un patient donné. On poursuit en disant que nous voulons des médecins qui, en plus d’établir des relations avec les patients, gagnent leur confiance; des médecins capables de concilier ce qui appartient au monde rationnel et ce qui est relationnel, mais aussi d’avoir clairement à l’esprit que si leur approche professionnelle n’est que rationnelle, leur pratique ne sera pas de la bonne médecine, et que si elle n’est que relationnelle, ce ne sera pas du tout de la médecine6. Pour exercer une bonne médecine, il faut trouver un juste équilibre entre les sciences et les circonstances, mais les GPC sont essentiels dans ce processus.
Notes
CONCLUSIONS FINALES
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Les guides de pratique clinique sont des synthèses de recherche, réalisées par des experts, pertinentes à des problèmes cliniques.
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Les patients s’attendent à ce que les médecins de famille se basent sur les connaissances les plus récentes dans la discussion de leurs problèmes.
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Les connaissances fondées sur la recherche clinique sont précises pour un groupe de patients, mais incertaines dans les cas particuliers.
Footnotes
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This article is also in English on page 519.
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Les parties à ce débat contestent les arguments de leur opposant dans des réfutations accessibles à www.cfp.ca. Participez à la discussion en cliquant sur Rapid Responses.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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