La médecine a évolué au cours des siècles au gré des découvertes. L’obstétrique a aussi subi des changements radicaux avec la médecine moderne. Voyons un peu l’évolution des méthodes. Dans le Manuel des Dames de la Charité ou formules de médicaments faciles à préparer»1 publié en 1765 à Paris, on retrouve deux potions pour les accouchements difficiles. Vous verrez que certains « médicaments » sont encore utilisés aujourd’hui, d’autres heureusement ont été oubliés.
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Potion contre l’Accouchement difficile : Il faut dissoudre un peu de Savon dans l’Eau commune, et en faire boire à la Malade.1
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Potion pour exciter les douleurs dans un accouchement difficile : Prenez du Séné mondé, deux gros. Faites infuser pendant une heure dans un petit verre d’eau bouillante. Passez ensuite par un linge avec expression, et ajoutez-y le jus d’une Orange aigre. Pour une potion, à donner sur le champ.1
Remarque. Cette potion convient dans les Accouchements laborieux, où les douleurs sont petites et légères, venant de loin en loin et de mauvaises espèce; elle les réveille, par l’irritation qu’elle cause aux intestins, qui mettant en contractions les muscles du bas-ventre, facilite par-là l’expulsion du Fœtus: on peut y joindre, une heure ou deux après qu’on l’aura fait prendre, un Lavement un peu purgatif, afin que ces deux Remèdes produisant leur effet en même temps, les douleurs de l’Accouchement en puissent être plus facilement provoquées. La seule attention qu’il faut avoir c’est d’examiner si l’Accouchement laborieux ne vient pas de tension, de gonflement et d’irritation dans les parties naturelles, plutôt que de faiblesse et de relâchement : car il serait dangereux ici de prendre de change; et dans ce cas, la Saignée du bras et les Fomentations émollientes seraient les meilleurs Remèdes à employer.1
On a commencé à faire des césariennes au milieu du dix-neuvième siècle, d’abord sur des femmes décédées pour tenter de sauver le fœtus, puis sur des femmes vivantes avec plus ou moins de succès. On ne rapporte pas de survie à une césarienne avant 1876, et encore, la crédibilité de ces rapports est mise en doute. On a pensé à suturer l’utérus après la césarienne en 1882, c’est qui est une très bonne idée mais la péritonite survenait presque à coup sûr. L’anesthésie est apparue vers 1846, mais son utilisation a surtout été rapportée sur la chaise du dentiste!
Plus récemment, il faut se rappeler que le taux de césarienne en 1970 au Canada était de 5 % à 6 %. L’évolution des techniques d’anesthésie et de l’épidurale a permis de rendre les césariennes de plus en plus sécuritaires pour la mère et l’enfant. De telle sorte qu’au début des années 2000, on fait près de 20 % de césarienne et en 2011, on est à près de 27 %. Le Brésil, champion en cette matière, en serait à près de 80 %, la césarienne y étant devenue la norme.
Il est utile de rappeler que l’OMS considère comme acceptable un taux de 10 % à 15 %, ce qui est le cas dans plusieurs pays scandinaves. À noter que leurs taux de mortalité périnatale et de mortinatalité sont comparables aux nôtres. S’il est possible de maintenir un taux de césarienne inférieur à 15 % sans compromettre la santé des nouveau-nés, il y a lieu de se demander pourquoi le taux au Canada est si élevé. Il est possible que plusieurs obstétriciens considèrent la césarienne, même d’urgence, comme ne suscitant plus beaucoup d’inquiétudes et soit considérée comme une issue sans grands risques. La césarienne sur demande, moins risquée, peut alors facilement devenir une option à faible risque pour certains.
Pour un couple, la grossesse, l’accouchement et la venue d’un enfant sont parmi les événements les plus marquants d’une vie. Certains souhaitent les contrôler au maximum pour diverses raisons. Ils souhaitent éviter des séquelles à long terme pour la mère ou l’enfant, en pensant que la césarienne sur demande est une bonne solution. À l’inverse, de nombreux couples veulent éviter, presque à tout prix, le recours à la césarienne, ce qui est tout aussi illogique, puisque la césarienne devient parfois inévitable.
Il est difficile de prévoir l’évolution des techniques de chirurgie, d’anesthésie ou de surveillance du bien-être fœtal. Actuellement, la césarienne sur demande n’est pas une hérésie mais mérite certainement une rencontre avec un médecin prêt à discuter des avantages et des inconvénients pour s’assurer que chaque femme prenne la meilleure décision pour elle et pour son enfant.
Dans le futur, nous verrons s’il s’agit d’une mode ou d’une évolution des soins médicaux. Pensons que plusieurs changements en médecine auraient été difficiles à prévoir il y a à peine 20 ans.
Bonne discussion et bon choix!
Footnotes
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The English translation of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the November 2011 issue on page e406.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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