Le Collège des médecins de famille du Canada a adopté la recommandation du Groupe de travail sur la révision du cursus postdoctoral de la Section des enseignants voulant que les programmes de résidence devraient élaborer et mettre en œuvre un cursus axé sur le développement des compétences, qui :
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vise des soins complets et globaux;
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est axé sur la continuité pédagogique et les soins aux patients;
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est centré sur la médecine familiale.
Ensemble, ces recommandations forment le Cursus Triple C axé sur le développement des compétences (Triple C)1.
Cet article est le troisième d’une série qui explique l’initiative Triple C2,3. Dans celui-ci, nous mettons en évidence le C du milieu: la continuité pédagogique dans la formation et dans les soins aux patients.
La continuité est primordiale pour former des médecins de famille qui assumeront une pratique de soins véritablement complets et globaux, centrés sur le patient. Les programmes de résidence doivent assurer autant la continuité des soins aux patients que la continuité pédagogique dans la formation des apprenants.
La continuité des soins aux patients
La définition elle-même de la médecine familiale en tant que discipline gravite autour des relations et la continuité des soins aux patients est fondamentale dans l’établissement de relations durables entres les patients et les médecins4. Parmi les avantages de la continuité des soins, on peut mentionner une plus grande efficacité des consultations, de meilleurs résultats sur le plan de la santé, une plus grande confiance et une plus grande satisfaction pour le patient et pour le médecin5–9. Hennen a initialement décrit le concept de la continuité des soins comme ayant 4 dimensions: chronologique ou longitudinale, informationnelle, géographique et interpersonnelle10. Depuis, le concept s’est élargi pour inclure les aspects familiaux et interdisciplinaires11. La combinaison de ces 6 dimensions de la continuité contribue à l’envergure et à la portée de la médecine familiale. Ces dimensions sont définies au Tableau 11.
L’enseignement de la continuité des soins dans un programme de formation postdoctorale en médecine familiale comporte de nombreux défis. Une véritable compréhension de la continuité des soins requiert souvent de multiples rencontres entre le médecin et le patient, une période de temps prolongée pour développer les relations et des occasions de réflexion et d’apprentissage. Un programme de résidence conçu uniquement autour de stages de 1 ou 2 mois dans diverses disciplines médicales n’a pas la structure voulue pour offrir les expériences nécessaires pour que les apprenants maîtrisent le concept de la continuité des soins et comprennent son importance en médecine familiale. Même si de nombreux programmes ont tenté de pallier cette lacune en établissant des «demi-journées de retour» hebdomadaires à la clinique de base en médecine familiale, tandis que les résidents suivent des stages spécifiques à d’autres disciplines, cette stratégie comporte de nombreux problèmes de logistique. Dans bien des cas, tant les résidents que les directeurs des programmes spécifiques à d’autres disciplines voient cette demijournée de retour comme un obstacle plutôt qu’un facilitateur dans l’apprentissage de la médecine familiale1.
D’autres programmes de médecine familiale ont élaboré des méthodes créatives pour favoriser le développement d’une relation thérapeutique entre le patient et le résident. Parmi celles-ci, on peut mentionner la création d’un panel de patients, qui offre un moyen systématique pour que l’apprenant suive le patient dans divers domaines de soins, y compris la visite du patient à l’urgence, le séjour en milieu hospitalier, la chirurgie ou un rendez-vous avec un spécialiste consultant. Les relations longitudinales entre l’apprenant et le patient procurent aux résidents des avantages considérables pour apprendre comment les patients réagissent à la maladie avec le temps, l’évolution naturelle de la maladie et les satisfactions qu’apportent ces relations à long terme. D’autres programmes ont créé une structure de programme pédagogique horizontale selon laquelle les apprenants suivent un cursus en médecine familiale intégré tout au long des 2 années de formation; l’apprentissage et le temps passé dans d’autres spécialités sont considérés comme un perfectionnement nécessaire dans l’apprentissage de base des résidents pour devenir un médecin de famille. Dans un prochain article de cette série, nous discuterons de l’importance d’offrir un apprentissage centré sur la médecine familiale. Le recours à des paramètres dans les programmes de résidence pour mesurer et évaluer dans quelle mesure les résidents dispensent à leurs patients des soins continus est essentiel à ce concept. D’autres travaux de recherche sont nécessaires à cet égard1.
Continuité pédagogique dans la formation
Deux des principaux éléments de la continuité pédagogique sont la supervision et le milieu d’apprentissage. (L’autre élément, la continuité du cursus, dépasse les paramètres du présent article.) Ces éléments appuient le développement d’un rôle significatif pour les apprenants dans les soins aux patients, favorisent une responsabilité grandissante des résidents avec le temps, et facilitent une rétroaction et un encadrement efficaces, continus et formatifs1.
Les programmes font souvent en sorte que les apprenants se sentent incompétents aux 4 à 12 semaines, lors de chaque changement de stage. Dans la plupart des programmes, un nouveau stage entraîne des changements dans le milieu d’apprentissage (les acteurs, l’endroit où se trouve l’équipement, le genre de cycle de travail et les attentes). Une plus grande continuité dans le programme pédagogique peut procurer des expériences plus satisfaisantes et peut-être moins perturbatrices pour les résidents1,12.
Continuité de la supervision (précepteur)
La continuité de la supervision, qui comprend l’enseignement et l’évaluation, est facilitée par la désignation d’un petit groupe de précepteurs principaux (1 à 3) pour suivre le résident pendant l’ensemble de la résidence. Même si les résidents interagiront avec un plus grand groupe d’enseignants, les relations entre les résidents et leurs précepteurs principaux permettront d’établir la confiance et l’honnêteté nécessaires pour favoriser une rétroaction et une évaluation authentiques1.
La capacité d’observer et d’évaluer le développement avec le temps permet aux enseignants de faire en sorte que l’apprenant puisse accroître son indépendance et son autonomie (responsabilité progressive) de manière plus appropriée. Elle facilite la mise à contribution des habiletés et des connaissances déjà maîtrisées. La responsabilité continue des soins aux patients, partagée entre l’apprenant et le précepteur, procure aux apprenants le sentiment de confort émotionnel nécessaire pour prendre des risques intellectuels dans leur apprentissage. Parallèlement, les relations de confiance et les objectifs communs renforcent l’encadrement, favorisent la rétroaction efficace et améliorent le rendement clinique1,13.
Continuité du milieu d’apprentissage
La continuité du milieu d’apprentissage désigne le fait d’apprendre au sein d’une communauté connue et «tissée serrée». Les apprenants se familiarisent avec les endroits et les acteurs dans le milieu des soins, tôt dans leur formation. Les résidents ont alors plus de temps et d’énergie pour accomplir des tâches d’apprentissage lorsqu’il n’est plus nécessaire de s’orienter dans l’environnement et d’apprendre à connaître à chaque stage un nouveau milieu considérablement différent. Par milieu, on entend non seulement l’environnement physique (p. ex. le service hospitalier ou la clinique), mais aussi les membres de l’équipe de soins de santé. Lorsqu’on leur offre la continuité dans leur milieu d’apprentissage, les résidents ont des possibilités plus propices au développement de relations avec d’autres professionnels de la santé et, par conséquent, à l’apprentissage interprofessionnel1.
La continuité du milieu d’apprentissage peut être un facilitateur important de la continuité des soins et de la continuité de la supervision. Elle favorise à la fois la centralité du patient et celle de l’apprenant. Les apprenants dans des milieux «tissés serrés» peuvent devenir des membres des communautés de pratique en étant exposés à l’expertise, aux valeurs et aux satisfactions de la profession. Cela les aide à bâtir leur identité professionnelle en tant que médecins de famille. L’adoption d’un cursus centré sur la médecine familiale, axé sur des expériences d’apprentissage de la médecine familiale, favorisera la continuité dans le milieu d’apprentissage1.
Conclusion
La continuité pédagogique et dans les soins aux patients est une composante importante du Cursus Triple C axé sur le développement des compétences. Ne manquez pas le prochain article de cette série, qui portera sur la nature complète et globale des soins. Pour en savoir plus et obtenir des réponses à vos questions, visitez www.cfpc.ca/triple_C ou communiquez avec triplec{at}cfpc.ca
Footnotes
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This article is also in English on page 1355.
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Intérêts concurrents
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