La plupart des médecins canadiens devraient maintenant être assez familiers avec les adjoints au médecin (AM). Ces adjoints médicaux sont un prolongement du médecin, formés selon un modèle médical. Ce ne sont pas des praticiens autonomes. Ils complètent plutôt les médecins en exerçant dans le cadre du champ de pratique des médecins superviseurs. Cette profession est activement mise à l’essai en Ontario, et le Manitoba a établi une règlementation pour les assistants cliniques et les AM1. De plus, ces 2 provinces ont instauré des programmes de formation des AM dans leurs facultés de médecine; la première cohorte devait recevoir le diplôme en 2010. Il est bien connu que le rôle d’AM provient des É.-U. et des militaires canadiens; si la genèse des AM civils aux États-Unis est bien documentée, ce n’est pas le cas au Canada. Cet article résume l’origine du mouvement des AM civils au Canada.
Historique
Les Forces canadiennes (FC) forment et emploient des «prolongements» des médecins militaires depuis les années 1960, d’abord appelés assistants médicaux 6B, puis renommés adjoints au médecin en 1984. En tant que compétence distincte en matière de santé ayant des besoins de soutien médical bien différents de ceux d’autres compétences au Canada, les FC ont plus de flexibilité pour élaborer leur stratégie des ressources humaines dans le secteur de la santé (RHS), y compris la création de postes et de champs de pratique pour répondre aux exigences militaires uniques. Il n’a jamais été possible de placer des médecins partout où le personnel militaire doit travailler et être soutenu sur le plan médical. Dans le cas de déploiements dans des endroits comme la station d’Alert des FC (un poste dans l’extrême Nord), à bord des navires et dans des collectivités petites ou éloignées au Canada et à l’étranger, il n’est ni pratique ni faisable d’envoyer des médecins officiers pour dispenser un soutien médical au quotidien. Pour surmonter ce problème, les FC ont eu recours à des AM superbement formés afin de prolonger le rôle des médecins et d’offrir de précieux soins de santé primaires et d’urgence, y compris des soins dentaires d’urgence.
Jusqu’au milieu des années 1990, les FC avaient leurs propres hôpitaux militaires. Tous les AM des FC étaient formés pour l’exercice de leur rôle dans ces hôpitaux militaires à l’aide de leurs systèmes de formation uniques. Par ailleurs, avec la fin de la Guerre froide, le désir de «dividendes pacifiques» financiers et la réduction de la taille et du budget des FC qui s’est ensuivie, tous les hôpitaux militaires ont fermé leurs portes et les soins hospitaliers au pays ont été confiés, sur une base contractuelle, à la communauté civile. Cette situation a posé des défis considérables pour la formation continue et le développement des AM militaires. Pour assurer la poursuite de cette formation, il a été nécessaire de recourir par contrat aux hôpitaux civils pour offrir des stages cliniques. Ce ne fut pas un processus facile étant donné qu’alors, peu de membres du personnel médical au Canada avaient entendu parler des AM, à moins d’avoir eu une expérience antérieure avec le système médical américain.
Étant donné ce manque de connaissances, il a fallu beaucoup d’efforts pour informer et éduquer nos hôpitaux partenaires civils et leur personnel à propos des AM et du genre de formation dont ils avaient besoin pour s’acquitter de leurs fonctions militaires. La coopération manifestée par nos partenaires civils a été exceptionnelle, mais le manque de clarté et de familiarité avec les questions de responsabilité, de champ de pratique, de compétence et ainsi de suite a fait en sorte qu’il a fallu des efforts constants pour maintenir ce partenariat. Quand il y avait un roulement de personnel parmi les postes-clés dans un hôpital donné, il fallait recommencer la campagne d’information et d’éducation - une méthode certainement peu durable et une situation loin d’être idéale.
Parallèlement, alors que les FC géraient ce problème, des pressions accrues se faisaient sentir en faveur d’une plus grande imputabilité; il est devenu problématique d’avoir des praticiens des soins de santé non agréés ou sans certificat dans les FC. La question suivante s’est donc posée: comment règlementer, certifier ou agréer une profession qui n’a pas d’équivalent civil au Canada?
Agrément des AM civils
Pour régler la question de l’agrément et de la certification des AM et celle de la formation des AM militaires dans le secteur civil, on a entrepris 2 séries d’efforts interdépendants et simultanés. Les Services de santé des FC ont chargé le Comité permanent de révision de la médecine opérationnelle de se pencher sur les lacunes dans notre capacité de former et d’agréer les AM et de recommander des solutions. Ce comité a recommandé2 d’élaborer un programme de formation militaire agréé par le secteur civil pour les AM et de soutenir la création d’une académie canadienne des adjoints au médecin, qu’on a plus tard renommée l’Association canadienne des adjoints au médecin (ACAM)3. La deuxième série d’efforts spécifiques a été alimentée par un désir des AM militaires de la base d’établir une entité pour promouvoir les valeurs et le professionnalisme des AM au Canada en s’inspirant du modèle américain. Ces 2 initiatives ont été menées en parallèle au printemps de 2000 et une décision a été prise de viser à obtenir une reconnaissance et un agrément civils par l’intermédiaire de l’ACAM.
Après avoir examiné les approches possibles pour obtenir l’agrément civil, une seule option sensée se présentait: le processus d’agrément conjoint de l’Association médicale canadienne (AMC), qui exerce un rôle de leadership pour assurer des normes nationales de formation touchant environ 40 000 professionnels de la santé qui offrent des services diagnostiques et thérapeutiques à l’appui des médecins dans le milieu clinique4. Après 3 ans de travaux préparatoires par les Services de santé des FC et l’ACAM, le conseil d’administration de l’AMC a sanctionné à l’unanimité la profession d’AM au Canada en mai 2003. Ainsi, l’École des services médicaux des FC à Borden, en Ontario, devenait le premier établissement d’enseignement aux AM au Canada à être agréé par l’AMC en août 2004 et à décerner des baccalauréats dans cette spécialité (par l’entremise de l’University of Nebraska) en 2009. Tous les diplômés devenaient admissibles à l’examen de certification des AM, sous les auspices du Conseil de certification des adjoints au médecin du Canada. Le Bureau du vérificateur général a validé cette approche dans l’un de ses rapports5 qui concluait et confirmait que les FC ne devraient pas avoir de professionnels de la santé qui ne sont pas règlementés ou certifiés par des autorités civiles compétentes de l’extérieur.
Le processus d’agrément conjoint de l’AMC exigeait que le programme de formation des AM élaboré par les FC soit pertinent aux réalités des soins de santé pancanadiennes. Cela signifiait de nombreuses consultations avec le secteur civil pour assurer que les programmes éducatifs et de formation des AM et l’ACAM tiennent compte de la possibilité que la profession d’AM puisse un jour être principalement occupée par des civils. L’engagement, le leadership et les efforts de consultation de l’AMC ont grandement contribué à faire connaître et à rendre légitime l’AM comme une profession de la santé au Canada et à élaborer une autre option pour répondre aux pénuries constantes de médecins et aux problèmes généraux dans les RHS au Canada.
Même si les origines et les premières étapes du mouvement des AM au Canada partent des FC, ce mouvement continue de prendre de l’expansion et de se développer dans le secteur civil canadien. Étant donné la réussite que connaissent les systèmes de santé américains et des FC depuis des décennies grâce à l’emploi d’AM, les succès préliminaires remportés par divers projets pilotes au Canada et la nécessité de trouver des solutions novatrices aux problèmes des RHS, l’avenir des futurs AM canadiens est prometteur.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles sont sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada
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This article is also in English on page 275.
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Une révision clinique du rôle de l’adjoint au médecin au Canada est publiée en anglais à la page e83.
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