Le but de cette publication produite par la Section des résidents est d’informer tous les résidents au Canada des changements qui sont en cours au Québec concernant les horaires de garde en établissement. Cet article ne se veut en aucun cas une prise de position.
La tradition
C’est ancré dans la formation médicale que la résidence doit être une dure épreuve où travailler plus de 24 heures sans repos est un rite de passage. En effet, les patrons nous soulignent parfois avec fierté que « dans leur temps », ils devaient même faire leur tournée le matin après ces gardes de 24 heures, achevant des quarts de travail de plus de 36 heures! Pendant des années, cette réalité était rarement remise en question. Mais ces heures de travail sont-elles essentielles? Pourrions-nous repenser notre façon de travailler afin d’offrir une meilleure qualité de vie aux résidents et de meilleures conditions d’apprentissage mais surtout de garantir une meilleure qualité de soins aux patients?
Le changement
C’est en fait ce qui se passe au Québec. En effet, plusieurs établissements universitaires ont commencé ce processus et les gardes de 24 heures en établissement sont en voie d’être abolies et remplacées par des horaires de garde de 12 à 16 heures. Différents types d’horaires ont été proposés par les résidents coordonnateurs de chaque établissement, et celui-ci adapte son milieu de travail à des horaires plus réalistes.
Le débat n’est pas nouveau et est ouvert dans le monde entier1. En effet, depuis plusieurs années, des chercheurs autant américains qu’européens ont réalisé plusieurs études démontrant que les gardes de 16 heures sont plus efficaces et permettent la même couverture avec le même nombre de résidents sans réduire ni la quantité ni la qualité de la formation reçue. Un résident qui en est à sa vingtième heure de travail est plus souvent distrait et consolide moins bien les acquis.
Ceux qui prônent le statu quo disent que plus l’exposition est grande, meilleure est la formation2–3. Ils soutiennent qu’un résident bénéficie des longues heures de travail en étant davantage exposé à différentes situations et qu’une réduction des heures de travail nécessiterait un prolongement de la formation. Certains soutiennent également que les milieux ont un besoin cruel de la main-d’œuvre des résidents pour permettre le bon fonctionnement du système de santé. Tandis que ceux qui préconisent une réduction du temps de travail continu militent pour éviter les erreurs médicales et préserver la qualité de la formation des résidents4–5.
Pourquoi au Québec?
Pourquoi le Québec a-t-il entamé le pas dernièrement? Le débat s’est intensifié il y a plus de trois ans quand un médecin résident de la province de Québec a déposé un grief stipulant que les gardes de 24 heures étaient illégales, portaient atteinte à ses droits individuels et étaient contraires à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Ce grief a déclenché une série de processus légaux qui sont toujours en cours. Parallèlement, la Fédération des médecins résidents du Québec tente de négocier avec le gouvernement du Québec la nouvelle convention collective et d’y inclure une nouvelle clause limitant les gardes en établissement à une durée maximale de 16 heures. Si cette convention est acceptée peut-être que les autres provinces réévalueront également leurs politiques de gardes.
En 2010, deux établissements québécois ont fait partie d’un projet pilote pour tester différents horaires afin d’appliquer cette nouvelle contrainte. L’expérience a été concluante et lentement d’autres établissements québécois modifient leurs quarts de travail.
En quoi consisterait un horaire avec des gardes de 12 à 16 heures?
Plusieurs grilles horaires ont été développées pour respecter ces nouvelles contraintes. Prenons ici l’exemple d’un résident qui devrait faire 3 gardes de 24 heures dans 1 mois. Avec les nouveaux horaires, ces gardes sont plus souvent concentrées sur une semaine dans le mois. Voici un exemple de semaine de garde avec des gardes d’une durée maximale de 16 heures:
Le reste du mois, le résident n’aurait pas d’autre garde et son stage suivrait son cours normal. Cet horaire n’est qu’un exemple. Les milieux développent leurs propres types de grilles selon leur besoin, compte tenu du type de garde (étages, urgence, soins intensifs), des transferts et des résidents disponibles. Par exemple, un établissement a établi un horaire dans lequel les résidents font un mois de garde de nuit et n’ont plus de garde de nuit de l’année par la suite. Les possibilités sont infinies; il suffit d’être créatif, de bien cerner les besoins de nos milieux et d’être ouvert aux modifications par la suite si l’horaire choisi n’est pas idéal.
Pour conclure
Voici donc un bref aperçu de ce qui se passe au Québec. La disparition totale des gardes de 24 heures en établissement au Canada est encore loin. Il faut rester ouvert et souple devant un tel remaniement. L’expérience québécoise sera certainement analysée avec beaucoup d’intérêt par les résidents des autres provinces. À vous, chers collègues, d’entamer le débat dans vos milieux respectifs!
Notes
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Footnotes
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The English translation of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the May 2011 issue on page e192.
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Intérêts concurrents
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