
Nous n’avons pas le temps de prendre notre temps.
Eugène Ionesco
Comme vous pouvez l’imaginer, l’un des rôles du président du Collège des médecins de famille du Canada est d’assister à des réunions - toutes sortes de réunions: avec d’autres organisations du secteur de la santé, avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, et avec des membres de notre propre spécialité lors d’activités nationales et des sections. J’entends parler et je lis à propos de divers modèles de pratique et j’ai eu le privilège d’entendre les paroles inspirantes de nombreux collègues qui décrivent leurs expériences et ce qu’ils ont accompli.
Emprisonné
Parmi ces récits, rares sont ceux qui ont été plus émouvants que celui raconté par Dr Shawn Jennings. Dr Jennings était le conférencier invité à l’Assemblée scientifique annuelle de la Section du Nouveau-Brunswick, qui a eu lieu à Miramichi, N.-B. Il a relaté, avec humour et compassion, l’histoire de sa propre expérience de la maladie. À la mi-quarantaine, après 2 décennies de pratique familiale active, il a été victime d’un AVC hémorragique du tronc cérébral dû à une dissection de l’artère vertébrale, qui l’a laissé dans un état «d’emprisonnement». Il a raconté ce qu’il a vécu, du moment où il ne pouvait bouger que les yeux tout en étant parfaitement conscient de tout ce qui se passait autour de lui jusqu’à son rétablissement graduel et miraculeux. Le récit de ses expériences est rédigé de manière émouvante dans Locked In Locked Out1. J’ai eu la chance de lui poser une question à la fin de sa présentation - c’était, après tout, la première fois en 10 ans depuis son AVC qu’il s’adressait à un grand groupe de médecins de famille. J’ai demandé s’il avait un message à nous transmettre, une chose qu’il aurait cernée en tant que professionnel durant cette expérience horrible, qu’il aurait souhaité avoir sue avant. Je croyais que sa réponse porterait entre autres sur la compassion et la patience qui avaient sans doute été cruciaux à son rétablissement. Sa réponse m’a surpris. Il a dit que l’un de ses plus grands regrets à propos de son ancienne pratique familiale, c’était de ne pas avoir passé assez de temps avec ses patients parce que l’environnement de la rémunération à l’acte dans lequel il avait travaillé avait été un obstacle à la prestation du genre de service qu’il jugeait maintenant important.
Parfait mélange
Même si je l’avais entendu à maintes reprises et de nombreuses sources différentes, je ne m’en étais jamais autant rendu compte qu’après l’avoir entendu de ce collègue qui avait eu une relation si intime avec les soins aigus et chroniques, des 2 côtés du stéthoscope. Sa réponse m’a incité à réfléchir à la situation de la rémunération des médecins au Canada et aux raisons pour lesquelles elle avait évolué grandement dans certaines régions et était restée stagnante dans d’autres. En Ontario et en Alberta, un parfait mélange de leadership chez les médecins et le gouvernement a entraîné l’élaboration de modes de rémunération qui se sont traduits par un meilleur accès aux soins par les patients et une plus grande satisfaction des patients et des médecins. Dans d’autres provinces, la situation évolue, quoiqu’à un rythme plus lent. On attribue parfois la responsabilité de cette inertie aux médecins et à leurs groupes de représentation; les gouvernements et leurs ministères de la Santé sont aussi la cible de critiques à cet égard. Les données factuelles à l’appui du développement d’autres modes de rémunération mixtes et différents continuent de se multiplier. Nous savons aussi que les soins prodigués par les médecins de famille peuvent faire baisser les coûts des soins de santé dans l’ensemble et améliorer les résultats pour nos patients, en particulier ceux qui souffrent de maladies chroniques. Il est temps pour tous les intervenants d’accorder une attention accrue à la question de la rémunération des médecins, car ce sera un facteur important dans l’élaboration et la réussite des soins en équipe et un élément majeur qui aidera à l’avancement d’initiatives en matière de qualité et d’accès.
Nous avons tous la responsabilité d’exercer le leadership nécessaire pour résoudre ce problème. Continuons à travailler à la réalisation de l’objectif d’améliorer l’accès et la qualité pour nos patients en faisant en sorte que les médecins de famille dans toutes les régions ont les outils et les incitatifs dont ils ont besoin pour que l’objectif se concrétise.
Footnotes
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This article is also in English on page 741.
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