La médecine familiale a effectivement une obligation professionnelle de jouer un rôle prépondérant dans la recherche sur les médicaments financée par l’industrie pharmaceutique. Dans ce débat, le gros éléphant dans la pièce vient du fait que les médecins de famille remplissent les coffres de l’industrie pharmaceutique, mais choisissent souvent de se distancer de cette relation en raison de questions reliées à la confiance et aux conflits d’intérêts. La logique derrière ce comportement est difficile à concilier et n’aide pas à nous responsabiliser dans notre rôle de défenseurs des intérêts des patients. Il n’y a pas de mal à développer une infrastructure de recherche sur les médicaments en soins primaires qui pourrait servir à préserver l’équilibre entre les intérêts spéciaux de l’industrie pharmaceutique et les besoins en soins de santé de nos communautés.
Il serait naïf de croire que les soins primaires ne seront pas appelés par les responsables de la règlementation du secteur de la santé à rendre compte de leur contribution aux coûts des médicaments en hausse rapide et à aider à élaborer des stratégies pour améliorer l’efficience en matière d’ordonnances de médicaments et de soins aux patients. À l’heure actuelle, la médecine familiale est suffisamment éloignée de la recherche sur les médicaments et de l’élaboration des directives cliniques pour que son rôle dans les changements du système soit tout au plus symbolique. Quoiqu’ils soient rares, s’il en est, les médecins au Canada plus compétents que Dr Lexchin pour commenter le fait de faire de la recherche sur les médicaments en collaboration avec l’industrie pharmaceutique, son énoncé ne décrit pas comment la médecine familiale devrait prendre ses responsabilités quant à son utilisation considérable des mesures pharmacothérapeutiques.
En gardant la tête dans le sable, les médecins de famille font peu pour relever les défis que Dr Lexchin et moi1–3 avons décrits, dont certains sont principalement attribuables aux médecins de famille et exacerbés par eux. Plus nous restons ancrés dans l’idée de nous divorcer de la collaboration avec l’industrie pharmaceutique, plus nous renonçons au contrôle dans les activités décisionnelles qui sont directement pertinentes aux soins à nos patients. Parce que l’industrie pharmaceutique jouera toujours un rôle de premier plan dans le développement des médicaments, il incombera à la médecine familiale d’établir des liens de collaboration axés sur la réalisation d’études conçues pour définir les pratiques exemplaires en soins primaires. Il semble contre-nature de nous fier à nos collègues spécialistes pour élaborer des thérapies qui ont rarement été étudiées au préalable dans le milieu des soins primaires et qui sont associées à des écarts considérables dans les soins. Cette pratique actuelle met en évidence une absence de leadership qui ne peut être comblée de manière appropriée que par une plus grande implication de la médecine familiale.
La recherche est un aspect fondamental de la médecine familiale et la diversité des soins primaires nous permet de poursuivre des intérêts des plus variés. Étant donné que nos décisions cliniques ont aussi des répercussions économiques substantielles, nous devons être prêts à jouer un bien plus grand rôle dans la recherche sur les médicaments, notamment en travaillant en étroite collaboration avec les organismes de règlementation de la santé et l’industrie pharmaceutique pour assurer que nous nous acquittons de notre rôle d’intendance dans la communauté. Les directeurs des programmes de médecine familiale devraient envisager (entre autres) d’ajouter une année de formation additionnelle aux personnes intéressées à la recherche en pharmacothérapie ou encore à travailler avec l’industrie pharmaceutique. Cela pourrait peut-être aider à faire rétrécir l’immense ombre que fait actuellement le gros éléphant dans la pièce.
Footnotes
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This article is also in English on page e276.
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Ces réfutations sont les réponses des auteurs des débats dans le numéro d’août ( Can Fam Physician 2011;57:870–3[ang], 874–7[fr])
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Intérêts concurrents
Dr D’Urzo a reçu des honoraires en tant que chercheur, consultant et conférencier de la part de GlaxoSmithKline, Sepracor, Schering-Plough, Altana, Methapharm, AstraZeneca, Nycomed, ONO Pharmaceutical Group, Merck Canada, Forest Laboratories, Boehringer Ingelheim (Canada) Ltd, Pfizer Canada, SkyePharma et KOS Pharmaceuticals.
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Références
Voir les références à la page e276.
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