
Daniel Glazier est décédé d’une surdose accidentelle d’OxyContin en juillet 2009. Il n’avait que 18 ans.
Daniel Glazier était le fils de mon ami et collègue médecin de famille, Dr Rick Glazier, et de sa conjointe Sherry. Bon nombre d’entre vous connaissez Rick comme l’un des éminents chercheurs en médecine familiale au Canada, président pendant de nombreuses années de la Section des chercheurs du Collège. Rick nous parlait souvent de la bataille que menait Daniel contre des problèmes psychologiques, émotionnels et de toxicomanie lors des rencontres d’un groupe d’hommes médecins de famille (dont je fais aussi partie) qui se réunit tous les mois dans un but de collégialité, de camaraderie, et de soutien psychologique et émotionnel réciproque. Dans le contexte de nos «comment vas-tu?» mutuels, Rick nous parlait des hauts et des bas du combat de Daniel et du sien. Parfois, il exprimait son sentiment d’impuissance, en tant que médecin de famille accompli - mais surtout en tant que père - à accéder à des soins adéquats et appropriés au Canada pour Daniel, qui avait besoin d’être traité en milieu hospitalier aux États-Unis. Qui, parmi nous - en tant que médecins de famille et peut-être aussi comme parents - n’a pas éprouvé la frustration de ne pas pouvoir accéder en temps opportun à des soins psychiatriques et de désintoxication pour nos patients adolescents?
Quand Daniel est mort, les «gars» cherchaient des façons de soutenir Rick et Sherry dans leur deuil. Nous étions tous membres actifs du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC), auquel nous apportions diverses contributions. Une nuit ou 2 après la mort de Daniel, je me tournais et retournais dans mon lit, incapable de dormir. Je réfléchissais au manque relatif de ressources au Canada pour le traitement des programmes graves de santé mentale et de toxicomanie chez les adolescents, à la quasi absence de recherche en soins primaires dans ce domaine critique et, en général, au manque de formation adéquate des médecins de famille dans l’évaluation et le traitement de nos jeunes patients qui ont ces problèmes. Puis l’idée m’est venue: pourquoi ne pas créer un prix, dans le contexte du Programme des prix et bourses du CMFC, à la mémoire de Daniel et à l’intention des médecins de famille, afin de favoriser la recherche et la formation en santé mentale et en toxicomanie chez les adolescents?
Ainsi, avec la permission de Rick et Sherry et le soutien pratique et financier de notre groupe «d’hommes», le Prix Daniel Glazier en santé mentale et toxicomanie des adolescents a été créé. Deux prix annuels de 5 000 $ chacun seront remis à des médecins de famille membres du Collège qui proposent des projets de recherche, des programmes cliniques, des activités de développement professionnel continu ou l’élaboration d’outils cliniques pour aider les médecins de famille à évaluer et traiter ces jeunes patients. La réponse à l’appel de propositions s’est révélée incroyable. J’ai eu le privilège de présenter ce prix pour la première fois en novembre dernier au Forum en médecine familiale, à Montréal (Québec), à 3 médecins de famille méritants (c’était trop difficile de n’en choisir que 2): Dre Amanda Bell, de Port Colborne (Ontario), qui mettra en œuvre un projet de thérapie cognitive comportementale pour les adolescentes ayant des problèmes de toxicomanie; Dre Marcia Kostenuik, de Barrie (Ontario), qui élaborera un module d’enseignement sur la prévention du suicide chez les adolescents; et Dre Mireille C. St-Jean, d’Ottawa (Ontario), qui créera en ligne un outil gratuit d’information sur le dépistage et de demande de consultation pour aider les médecins de famille canadiens à détecter et à prendre en charge les problèmes de santé mentale et de toxicomanie chez les adolescents.
Peut-il ressortir quelque chose de positif d’une telle tragédie? J’espère que ces projets et d’autres à l’avenir commenceront bientôt à contribuer à la recherche, à des stratégies concrètes et pratiques, et à des ressources au Canada pour soutenir les médecins de famille qui traitent les adolescents et les familles qui ont besoin de cette aide. Rick, Sherry et leur famille ont certainement aussi trouvé un peu de consolation de savoir que ce prix, nommé en l’honneur de Daniel, mettra un visage sur ce grave problème de santé qui ne cesse de s’aggraver parmi nous et pour lequel les médecins de famille constituent la première ligne de défense.
Par ailleurs, je crois que nous sommes nombreux à ne pas nous rendre compte que l’outil le plus important peut-être dans notre trousse de médecin de famille est notre relation spéciale avec nos jeunes patients. Je me souviens, il y a quelques années, alors que je changeais de pratique, de ma surprise véritable de voir mes patients adolescents, pas seulement les aînés et ceux dans le besoin, exprimer une incroyable détresse à me voir partir. Je n’avais pas réalisé l’effet que j’avais sur eux ni que mon bureau était un endroit où ils pouvaient venir exprimer leurs préoccupations physiques, émotionnelles et psychologiques dans un environnement d’encouragement et sans jugement. Nous avons besoin du soutien, de la formation, de la recherche et des ressources pour pouvoir faire notre travail. Le Prix Daniel Glazier est un premier pas vers l’atteinte de ces objectifs et vers la prévention d’autres décès tragiques chez nos jeunes patients.
Que Daniel ne soit pas mort en vain.
Footnotes
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This article is also in English on page 118.
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