Soins préventifs - Fiche de contrôle© (la fiche) est un outil clinique élaboré pour aider les médecins à dispenser des soins préventifs dans le cadre de l’examen médical périodique. La fiche doit être mise à jour périodiquement pour refléter la pratique médicale factuelle. Cet article explique les changements à la fiche, notamment les mises à jour concernant les suppléments de vitamine D et de calcium, le dépistage de la dépression et les modifications au mode de vie chez les patients obèses, les objectifs de pression artérielle dans les cas d’hypertension, le dépistage de la dyslipidémie et les nouvelles recommandations du Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI).
L’examen médical périodique donne l’occasion de revoir les problèmes de santé habituels du patient, de donner des conseils en santé préventive et d’améliorer la relation médecin-patient1. Une synthèse critique a évalué les bienfaits et les inconvénients de l’examen médical périodique et a cerné des données probantes à l’effet qu’il améliore la prestation des services cliniques préventifs. Cette synthèse a aussi dégagé des données probantes étayant le fait que l’examen médical périodique réduisait l’anxiété des patients et n’a pas réussi à trouver de preuves de ses inconvénients. La synthèse critique définissait l’examen médical périodique comme étant un bilan, une évaluation des risques et un examen physique adapté qui pourraient mener à la prestation de services préventifs2.
La fiche est un outil conçu pour assister les médecins durant l’examen médical périodique. Elle peut aussi servir de dossier organisé des interventions en santé préventive dont a fait l’objet le patient. Les recommandations s’appuyant sur des données probantes convaincantes (classe A) et satisfaisantes (classe B) du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs (GECSSP) sont présentées respectivement en caractères gras et en italique. On utilise du texte en caractères normaux pour désigner les recommandations provenant de sources autres que le GECSSP. La fiche, endossée par le Collège des médecins de famille du Canada, comporte aussi des composantes concernant le questionnement sur les aspects fonctionnels et l’examen physique3. La fiche est spécifique selon le sexe, elle s’accompagne d’une fiche d’explications et est disponible en français et en anglais.
La fiche a été validée durant une étude prospective contrôlée de grappes randomisées, qui a fait valoir que l’utilisation de la fiche s’est traduite par une hausse absolue de 22,8 % et une hausse relative de 46,6 % dans la prestation d’interventions en soins de santé préventifs4. De plus, 77 % des médecins qui ont utilisé la fiche dans cette étude ont dit qu’ils continueraient de s’en servir5.
La fiche a initialement été développée en 2002. Pour veiller à la conformité de la fiche avec les soins préventifs fondés sur des données probantes, elle doit être périodiquement mise à jour. Cet article décrit les plus récentes mises à jour de la fiche, qui ont été apportées en décembre 2010.
Méthodologie
Des articles ont été identifiés dans Ovid MEDLINE à l’aide de 2 stratégies distinctes de recension. La première stratégie comportait de faire une recherche dans la base de données avec les mots clés en anglais mass screening, preventive medicine, adult complete health assessment et screening guidelines. On s’est limité aux lignes directrices canadiennes publiées après 20056. Une deuxième stratégie a été conçue pour tenter d’identifier des articles potentiels manqués durant la première recension. Pour ce faire, on a fait une recherche dans Ovid MEDLINE de lignes directrices et d’articles canadiens publiés après 2005 à l’aide des mots clés mass screening, physical examination, primary prevention et public health, ainsi que de divers sujets pertinents à un bilan de santé complet chez l’adulte comme vitamine D, diabète, dépression, obésité et ainsi de suite. On a utilisé environ 30 expressions de recherche différentes.
Une analyse des lignes directrices produites par un certain nombre d’organisations et de sociétés médicales a aussi été réalisée. Parmi ces organisations, on peut mentionner, entre autres, le CCNI, Santé Canada, la Société canadienne de cardiologie, (SCC), la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) et le Programme éducatif canadien en hypertension (PECH). On a fait une recherche dans les publications d’environ 18 sociétés et organisations canadiennes différentes. Les guides de pratique produits par des sociétés provinciales ont été exclus parce que la fiche a été élaborée pour un usage pancanadien.
Malheureusement, depuis la dernière mise à jour jusqu’au moment de cette étude, le GECSSP n’avait pas publié d’autres recommandations. Dans les mises à jour antérieures de la fiche, on classait les données probantes en fonction du système de classement du GECSSP. Parce que les recommandations pour cette version des fiches mises à jour provenaient de sources autres que le GECSSP, on a utilisé une variété de systèmes pour coter les données scientifiques. En raison de l’absence de continuité entre les divers systèmes de classement, les nouveaux ajouts à la fiche ne comportent pas de cote et leur texte apparaît en caractères normaux.
Résultats
Après un examen des ouvrages scientifiques récents sur la santé préventive, on a mis à jour la fiche pour tenir compte des données probantes actuelles (Tableau 1)7–17. Les recommandations incluaient de nouvelles lignes directrices sur les suppléments de vitamine D et de calcium, le dépistage de la dépression et les modifications au mode de vie chez les patients obèses, les objectifs de pression artérielle dans les cas d’hypertension et le dépistage de la dyslipidémie. Les nouvelles recommandations du CCNI sur l’immunisation incluaient le vaccin conjugué contre les méningocoques pour les sérogroupes A, C, Y et W-135 chez les patients à risque élevé, le vaccin polyosidique antipneumococcique 23-valent pour les itinérants et les utilisateurs de drogues injectées, le vaccin contre la grippe et le vaccin contre l’herpès zoster.
Recommandations de 2009 incluses dans Soins préventifs - Fiche de contrôle©
Suppléments de calcium et de vitamine D
La SOGC a publié une mise à jour sur la ménopause et l’ostéoporose en 200918. Cette mise à jour citait l’étude intitulée la Women’s Health Initiative7, qui démontrait une augmentation de 1,06 % dans la densité minérale osseuse de la hanche (P <,01) chez les patientes prenant 1 000 mg de calcium et 400 UI de vitamine D par rapport au placebo. Avant tout, dans le groupe fidèle au traitement, on a constaté une réduction statistiquement significative de 29 % dans les fractures de la hanche (ratio de risque 0,71, IC à 95 % de 0,52 à 0,97). De plus, il a été démontré que des doses de 800 UI de vitamine D par jour réduit le risque de chute de 49 % durant une période de traitement de 3 mois19. En se fondant sur ces données, le conseil de direction de la SOGC recommande de prendre 1 500 mg de calcium au total (de source alimentaires et en suppléments) et de 800 UI de supplément de vitamine D par jour chez les femmes post-ménopausées.
En 2010, la Société de l’ostéoporose du Canada (SOC) a publié un ensemble de lignes directrices pour le diagnostic et la prise en charge de l’ostéoporose. La SOC recommande que les adultes de moins de 50 ans consomment de 1 000 à 1 500 mg de calcium élémentaire par jour. Si cette quantité ne peut pas provenir seulement de source alimentaire (habituellement 3 portions ou plus de produits laitiers), il faut alors recommander un supplément de calcium. La SOC recommande de 400 à 1 000 UI (10 à 25 μg) de vitamine D par jour chez les patients à faible risque de carence en vitamine D et de 800 à 1 000 UI (20 à 25 μg) par jour si les patients ont 50 ans ou plus et à risque modéré de carence en vitamine D8. Les 2 recommandations concernant les suppléments de calcium et de vitamine D sont incluses dans la fiche.
Dépistage de la dépression et modifications au mode de vie chez les patients obèses
De récents ouvrages scientifiques ont cerné un lien entre l’obésité et la dépression20,21. Cette relation a aussi été reconnue par Obésité Canada, aussi connue sous le nom de Réseau Canadien Obésité22. Le guide canadien de pratique clinique de 2006 sur la prise en charge et la prévention de l’obésité chez l’adulte et l’enfant suggérait de dépister chez tous les patients obèses et ayant un surpoids la possibilité de troubles de l’alimentation, de dépression et de problèmes psychiatriques, le cas échéant23. Les auteurs ont relevé des données probantes en faveur de l’utilisation de techniques de modification du comportement, de la thérapie comportementale cognitive, de l’augmentation de l’activité physique et du counseling alimentaire dans la prise en charge des patients obèses24–27. Le guide de pratique clinique recommandait de réduire l’ingestion calorique de 500 à 1 000 kcal par jour et de commencer à faire 30 minutes d’exercices d’intensité modérée de 3 à 5 fois par semaine. La durée de l’activité physique devrait être augmentée lentement à 60 minutes ou plus la plupart des journées et le programme devrait inclure de l’entraînement d’endurance. L’objectif de perte de poids visé est de 5 % à 10 % du poids corporel ou de 0,5 à 1 kg par semaine pendant 6 mois10.
Le revenu et la situation sociale comme déterminants de la santé
L’Agence de la santé publique du Canada inclut l’éducation, le revenu et la situation sociale au nombre des importants déterminants de la santé. Ceux qui ont vécu la pauvreté sont plus susceptibles de souffrir de maladies et d’avoir une moins longue espérance de vie quels que soient l’âge, la race, le sexe ou le lieu de résidence. Les personnes illettrées sont aussi plus fréquemment sans emploi, sont en moins bonne santé et meurent plus jeunes que les personnes alphabétisées28. Quoique Santé Canada ait publié les déterminants de la santé en 2003, on a jugé nécessaire de les inclure dans la présente version de la fiche en raison de leur pertinence aux soins de santé préventifs.
Objectifs de pression artérielle pour les personnes ayant le diabète et une néphropathie chronique
Des études démontrent qu’un traitement vigoureux de l’hypertension chez les personnes diabétiques se traduit par une réduction des décès, des incidents cardiovasculaires et de la progression de la rétinopathie et des néphropathies diabétiques29–33. En 2009, le PECH a publié un ensemble de recommandations qui insistaient sur un contrôle plus rigoureux de l’hypertension chez les personnes atteintes de diabète et d’insuffisance rénale chronique11. Il recommandait un objectif de pression artérielle de moins de 130/80 mm Hg chez les personnes ayant le diabète ou une insuffisance rénale chronique12. Pour les personnes qui ne souffrent pas de ces 2 affections, le PECH recommandait un objectif de moins de 140/90 mm Hg12.
Dépistage de la dyslipidémie
À la fin de 2009, la SCC a publié un ensemble de lignes directrices pour le dépistage de la dyslipidémie chez les adultes. En plus d’avoir identifié antérieurement les groupes à risque élevé nécessitant un dépistage de la dyslipidémie, la SCC a ajouté à ces groupes les patients atteints du VIH traités avec une thérapie antirétrovirale hautement active.
La SCC recommande aussi le recours à une épreuve de dépistage de la protéine C-réactive à haute sensibilité chez les hommes de plus de 50 ans et les femmes de plus de 60 ans qui courent un risque modéré de maladies cardiovasculaires (mesuré à l’aide de l’échelle du risque de Framingham) et dont le cholestérol de lipoprotéines de faible densité est de moins de 3,5 mmol/l. Il faut prélever 2 échantillons de protéines C-réactive de haute sensibilité à au moins 2 semaines d’intervalle chez un patient qui ne souffre pas de maladie aiguë. Si la plus basse des 2 valeurs excède 2,0 mg/l, les personnes pourraient bénéficier d’une pharmacothérapie. La SCC recommande aussi l’utilisation de l’apolipoprotéine B comme autre marqueur dans le dépistage et le traitement de la dyslipidémie13.
Vaccin conjugué contre les méningocoques des sérogroupes A, C, Y et W-135
Menactra et Menveo sont des vaccins conjugués polyosidiques quadrivalents qui procurent une protection contre les sous-types de méningocoques A, C, Y et W-135 (Men ACYW-135). La Neisseria meningitidis est endémique au Canada et sa prévalence s’est élevée à 1,1 cas ou moins par 100 000 habitants par année entre 1995 et 2004. Par conséquent, le CCNI recommande l’utilisation de Men ACYW-135 chez les personnes à risque élevé de 2 à 55 ans. Parmi elles figurent les personnes ayant une asplénie, un déficit en complément, en properdine ou en facteur D, les voyageurs vers des régions endémiques, le personnel clinique, de recherche et de laboratoires industriels exposés au N meningitidis, ainsi que les recrues militaires. De plus, le CCNI recommande le Men ACYW-135 pour les personnes atteintes du VIH et en contact étroit avec des personnes souffrant d’une infection invasive à méningocoques causée par les sérotypes A, Y ou W-135.14
Vaccin polyosidique antipneumococcique 23-valent pour les itinérants et les utilisateurs de drogues injectées
Les recommandations antérieures du CCNI encourageaient la vaccination des personnes à risque élevé. On désignait par personnes à risque élevé celles ayant une anémie falciforme, une asplénie, une infection au VIH, d’autres états d’immunodéficience, une pneumopathie, le diabète, une cirrhose, une néphropathie chronique, une fuite de liquide céphalorachidien, ou un implant cochléaire. De récentes études ont démontré que les itinérants sont à risque accru de contracter une pneumonie à pneumocoques dans une proportion de 266,7 personnes-années sur 100 000 chez les sansabri, par rapport à 9,7 par 100 000 années-personnes dans la population en général34. Le taux de pneumonie à pneumocoques semble aussi être à la hausse chez les utilisateurs de drogues injectées35,36. Se fondant sur ces données, le CCNI recommande maintenant aussi la vaccination des itinérants et des utilisateurs de drogues injectées avec le vaccin polyosidique antipneumococcique 23-valent15.
Groupes à risque élevé de grippe
Des études ont démontré que le taux d’hospitalisation due à la grippe est élevé chez les femmes enceintes à leur troisième trimestre37,38. Par conséquent, le CCNI recommande que les femmes enceintes soient considérées à risque élevé de complications liées à la grippe et reçoivent le vaccin antigrippal. Les recommandations du CCNI ont aussi été mises à jour pour inclure la vaccination des personnes qui s’occupent d’enfants de moins de 24 mois, des personnes ayant une obésité morbide (index de masse corporelle de ≥ 40), des Autochtones et des enfants en santé de 2 à 4 ans16.
Vaccin contre l’herpès zoster pour les aînés
Le Zostavax est un vaccin vivant atténué contre l’herpès zoster autorisé au Canada pour la prévention du zona chez les adultes de 60 ans et plus. Selon l’étude, la prévalence du zona varie de 1,9 à 8,1 par 1 000 adultes et l’âge des personnes à l’étude39–40. La recherche démontre aussi une incidence croissante du zona avec l’âge, notamment de 2,6 par 1 000 adultes âgés de 20 à 64 ans et de 7,0 par 1 000 adultes de plus de 65 ans41. L’efficacité du vaccin vivant atténué injectable a été démontrée dans une importante étude randomisée contrôlée en trois étapes, la Shingles Prevention Study. Cette étude a démontré une réduction statistiquement significative de la cote de gravité du zona, soit de 5,68 dans le groupe prenant un placebo à 2,21 dans le groupe des personnes vaccinées (P < ,001). L’incidence du zona a été réduite de 11,12 par 1 000 personnesannées à 5,42 par 1 000 personnes-années avec l’utilisation du vaccin contre l’herpès zona par rapport à un placebo. L’incidence de l’algie post-zostérienne a aussi été réduite, avec une incidence de 1,38 cas par 1 000 personnes-années dans le groupe avec placebo par rapport à 0,46 cas par 1 000 personnes-années dans le groupe vacciné42. En se fondant sur ces données, le CCNI recommande maintenant l’utilisation du Zostavax pour la prévention du zona et de ses complications pour les personnes de 60 ans et plus chez qui le vaccin n’est pas contre-indiqué17.
Conclusion
Soins préventifs - Fiche de contrôle a été mis à jour pour inclure les nouvelles lignes directrices fondées sur des données probantes concernant les interventions en soins de santé préventifs. La fiche a pour but d’offrir aux médecins de famille un outil clinique concis pour les aider dans leur pratique de la médecine préventive, sans être un outil rigide dans les soins aux patients. Elle devrait plutôt servir d’aide-mémoire et d’aide à la documentation pour les interventions en santé préventive. Les médecins sont encouragés à utiliser leur jugement clinique quand ils décident des interventions nécessaires pour chaque patient.
Footnotes
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Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
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Cet article donne droit à des crédits Mainpro-M1. Pour obtenir des crédits, allez à www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro.
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This article is also in English on page 43.
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Le document Soins préventifs - Fiche de contrôle est accessible à www.cfp.ca. Allez au texte intégral de l’article et cliquez sur CFPlus dans le menu dans le coin supérieur droit de la page.
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Intérêts concurrents
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