L’importance d’être différent, c’est de pouvoir ouvrir la voie.
Ian R. McWhinney (traduction libre)
Je suis rendu à l’âge où la nécrologie est la première rubrique du journal que je lis le matin. Le 1er octobre, c’est avec grande tristesse que j’ai appris le décès d’Ian McWhinney le 28 septembre. Je n’ai rencontré Dr McWhinney que 2 fois, mais ses écrits furent un phare dans ma carrière en tant que médecin de famille. Je l’ai vu pour la première fois il y a 10 ans environ, alors qu’il prononçait une allocution devant un groupe de collègues à Toronto, en Ontario, puis ensuite, brièvement, lors du Forum en médecine familiale. Je ne le connaissais pas très bien, mais à travers ses travaux et ses écrits, je crois l’avoir bien compris.
Nous pourrions qualifier ses contributions de bien des façons—en parlant de ses nombreux prix et distinctions, de ses qualités en tant que médecin ou de son manuel de fond A Textbook of Family Medicine1. En tant que rédacteur scientifique, je m’intéresse à ses contributions à des revues médicales. Au cours de sa carrière, Dr McWhinney a publié environ 110 articles fichés dans PubMed ou PubMed Central. L’examen de ce qu’il a publié et dans quelle publication représente l’une des façons de mesurer sa remarquable carrière.
Au nombre des 110 articles, 70 ont été publiés dans des revues de médecine familiale. (C’est avec grand plaisir que j’ai découvert que 33 de ses articles ont paru dans Le Médecin de famille canadien). Seulement 12 de ses articles ont paru dans des revues qui comptent aujourd’hui parmi celles ayant les facteurs d’impact les plus élevés: 6 dans The Lancet, 5 dans le BMJ, et 1 dans le New England Journal of Medicine. Neuf d’entre eux étaient ses études observationnelles publiées durant les années 1960. Seulement 28 de ses articles portaient sur de la recherche originale et il n’était l’auteur principal que dans 6 cas (37 et 15 respectivement, si nous incluons ses études cliniques observationnelles). Mesurée selon les standards actuels, sa productivité aurait été considérée faible. Durant sa décennie «de pointe», les années 1970, il publiait en moyenne 3,1 articles par année et durant sa décennie de «disette», les années 1960, ce chiffre se situait à 1,7. Dans l’ensemble, il a publié environ 2 articles par année, ce qui représente une constance remarquable.
Pour estimer les contributions de Dr McWhinney autrement qu’en fonction de sa «production», parlons maintenant de la qualité de son travail et des sujets sur lesquels il a écrit. Ses premiers articles fichés ont été publiés au début des années 1960, avant qu’il ne s’établisse au Canada et à l’University of Western Ontario, à London, pour fonder un nouveau département de médecine familiale, à l’âge d’environ 40 ans. Lorsqu’il vivait encore en Angleterre, où il travaillait comme omnipraticien, il a publié quelques études cliniques observationnelles sur les premiers signes de la maladie, qui sont devenus le sujet et le titre de son premier livre2. On trouve un exemplaire signé et dédicacé de The Early Signs of Illness à la bibliothèque du Collège des médecins de famille du Canada. C’est un classique qui reste toujours d’actualité et devrait être une lecture obligatoire pour les résidents en médecine familiale.
Durant les années 1980, Dr McWhinney et ses collaborateurs ont publié une série d’articles de recherche sur la méthode clinique centrée sur le patient3–5, qui améliore la santé et le bien-être du patient et sa perception des soins, selon ce qui a été démontré en définive6. Ce sont des travaux pivots dans les ouvrages sur la médecine familiale. Durant la même période, Dr McWhinney et Dr Martin Bass publiaient une série d’articles de recherche sur divers sujets cliniques, allant du rôle des médecins de famille dans les soins en fin de vie jusqu’aux effets de la mobilité de la population sur la continuité des soins en pratique familiale, des enjeux encore importants de nos jours.
Durant les 10 dernières années de sa vie, Dr McWhinney a laissé en héritage à la médecine familiale une série d’articles stimulant la réflexion à propos des raisons pour lesquelles nous faisons si peu de recherche clinique7–9. D’une certaine façon, il revenait à ses origines de jeune médecin de famille inquisiteur, de chercheur se questionnant sur les signes précurseurs de la maladie et la façon de les reconnaître. De tous ses travaux publiés, ce sont les articles mûrement réfléchis comme ceux-là qui, selon moi, ont et peuvent continuer d’avoir la plus grande influence. Mon favori était «The Importance of Being Different»10. Le cadre philosophique expliqué dans ce magnifique article est source d’inspiration et procure un angle sous lequel envisager toutes les facettes de mon travail en tant que médecin de famille— comme clinicien, enseignant, chercheur ou même rédacteur d’une revue médicale.
Quatre jours après le décès de Dr McWhinney, je supervisais dans ma clinique 2 résidents en médecine familiale brillants et enthousiastes et un stagiaire clinique intéressé à devenir médecin de famille. À la fin de la clinique, j’aime bien passer en revue avec eux un sujet de manière plus approfondie. Ce jour-là, j’ai simplement demandé ce qu’ils connaissaient des travaux de Dr Ian McWhinney. Son nom ne leur disait rien. Je ne sais pas si c’est le cas de la plupart des médecins de famille en formation, mais la médecine familiale et Dr McWhinney méritent grandement que nous gardions vivantes ses précieuses contributions. C’était notre Osler.
Pour ma prochaine clinique d’enseignement: La médecine familiale se distingue des autres spécialités de 4 façons. Veuillez élaborer.
Footnotes
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