Dans une étude exploratoire pour le compte du Consortium national de formation en santé, nous avons exploré l’impact des barrières linguistiques perçu par des personnes âgées francophones vivant en Ontario dans 3 régions différentes et souffrant d’une ou de plusieurs maladies chroniques. Ce sous-groupe est tout particulièrement vulnérable; ayant le plus de comorbidités et faisant le plus grand usage des services de santé, il continue d’augmenter en nombre et en proportion1. Nous voulions savoir si le fait d’appartenir à une minorité linguistique (de langue officielle) influe sur la qualité des soins et comment les personnes âgées perçoivent cette situation.
Notre étude, basée sur des entrevues semi-dirigées auprès de 25 personnes âgées (13 hommes et 12 femmes) souffrant de maladies chroniques, nous a permis de cerner des impacts particuliers sur la perception de la qualité des soins reçus par cette population en rapport aux enjeux de langue et de littératie. Le concept de littératie s’est élargie pour englober une gamme de connaissances, de compétences et d’habiletés qui ont trait à la lecture, aux mathématiques, aux sciences et plus encore.
La bonne communication et la confiance envers les professionnels de la santé sont des enjeux centraux pour les personnes âgées. Elles affirment être plus à l’aise de s’exprimer en français quand il s’agit de santé et préfèrent que l’on s’adresse à elles en français; or, la question proprement linguistique revêt une réalité plus complexe. En effet, les personnes âgées sont plus susceptibles de voir leur communication entravée par divers aspects de nature psychosociale dont le niveau spécialisé du langage médical, l’insécurité de ne pas apparaître à la hauteur face aux difficultés de compréhension, le sentiment d’être pressées par le peu de temps alloué à la rencontre médecin-patient, la difficulté de comprendre et de s’exprimer en anglais, et la difficulté d’exprimer l’émotion et la douleur dans une langue seconde.
Par le passé, pour obtenir des services, l’usage de l’anglais devenait une nécessité. Quelques-unes des personnes âgées rencontrées ont exprimé cette réalité en affirmant qu’elles n’ont appris que les termes anglais associés à leur maladie. Toutes ces lacunes nous apparaissent inter-reliées et révélatrices d’un triple problème de littératie impliquant les compétences proprement linguistiques en français et en anglais, le niveau d’éducation et la compréhension du discours médical.
Malgré le caractère exploratoire de notre étude, nous aimerions avancer certaines recommandations qui pourraient améliorer l’expérience des personnes âgées francophones dans le système de santé et ainsi accroître la qualité des soins:
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L’offre active de services en français, y compris la documentation et l’affichage dans les institutions, démontrant l’égalité des deux langues officielles.
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La formation et le financement de « facilitateurs » pouvant offrir des services d’accompagnement et de traduction culturellement adaptés.
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La création, l’évaluation et l’adaptation d’outils de communication, écrits ou sur Internet, dans un langage adapté.
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Des services de proximité incluant (surtout pour les personnes âgées) des services à domicile coordonnés, intégrés, souples et linguistiquement adaptés.
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La formation d’intervenants sur les droits linguistiques et les différents contextes culturels et expérientiels des francophones minoritaires.
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Un lexique en ligne ou papier, d’usage facile, qui contiendrait des termes médicaux de maladies courantes chez les personnes âgées, en anglais et en français, avec une définition en langage clair et simple.
Acknowledgments
La réalisation de cette étude a été rendue possible grâce au financement du Consortium national de formation en santé—volet national et du Réseau de recherche interdisciplinaire sur la santé des francophones en situation minoritaire. Les auteurs remercient également Martin Desmeules et Elina Haynes.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles sont sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the December 2012 issue on page e686.
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