«Il y a la médecine, bien sûr, mais n’oublions pas qu’il y a aussi le médecin».
Né à deux pas du «Faubourg à la mélasse», en plein centre de Montréal, le Dr Lambert se rappelle avec enchantement de son enfance. À 4 ans, sa mère l’envoyait chez Da Giovanni — célèbre restaurant italien, rue Ste-Catherine — à deux coins de rue de la maison, chercher de la sauce à spaghetti. «Je revenais comme un grand avec le précieux mélange et la monnaie exacte: “ Dangereux, le centre-ville, me disait-on. Voyons-donc!”». Jeune, il a vite compris que le seul moyen de s’en sortir était d’étudier: «J’ai réalisé très tôt que l’éducation me permettrait de sortir de la pauvreté». Ce sont les dimensions humaines et communautaires qui l’ont amené à la médecine familiale.
Le Dr Lambert travaille presque uniquement en médecine de l’adolescence. Il est responsable des soins aux enfants et aux adolescents, de 3 à 18 ans, abandonnés ou victimes de divers sévices et d’abus. Plusieurs parmi les plus jeunes ont été sévèrement abusés; ils n’ont que 3 à 6 ans! Ils y sont référés par la Protection de la jeunesse ou pour des troubles du comportement. C’est un milieu difficile. Les problèmes sont flagrants et les ressources fort limitées. Au Québec, on préfère investir dans la construction de méga Centres hospitaliers sur spécialisés, dans les urgences et pour les personnes âgées plutôt que de considérer les problèmes des jeunes. «Pas surprenant, n’est-ce pas, puisque l’âge minimal pour voter est 18 ans! — il n’y a personne qui défend les jeunes».
Le Dr Lambert est un grand navigateur. Son premier bateau qu’il a nommé l’Air-eau-Tic — à prononcer à haute voix pour en comprendre le sens — donne une idée de l’homme et de son sens de l’humour. En 1995, il reçoit de son épouse un cadeau inusité: participer à la transat des Alizées qui lui fait vivre sa première traversée d’océan. Cela lui inspire cette réflexion: «Il y a plein de difficultés en mer, mais il y a aussi le plaisir d’être en mer; il y a les nuits de pleine lune; les nuits sans lune, mais constellées d’étoiles; il y a aussi des nuits noires… toutes-noires …». Depuis, il a vogué sur presque toutes les mers de la planète. À l’écouter parler de ses aventures, on a l’impression d’entendre le Capitaine Haddock nous relater ses exploits.
«C’est bien beau la médecine, mais au-delà de la profession, il y a autre chose: il y a d’abord et avant tout le médecin.» La maladie de Sachs — roman par Martin Winckler, lequel dépeint un médecin vu par ses clients, ses amis, ses proches et ses parents — existe bel et bien, dit-il. La médecine peut facilement devenir une maladie mortelle. Au Québec, cette année seulement, 12 médecins se sont suicidés. Toutes proportions gardées, c’est beaucoup plus que ce que l’on observe dans la population générale. Regardons les exigences de la médecine, regardons la pression que l’on exerce sur nous, les attentes que l’on pose aux médecins, c’est incroyable et souvent exagéré. Faisons attention à nous. Nous ne sommes pas immortels!
Footnotes
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