
Une seule journée avec un bon professeur vaut plus qu’un millier de journées d’étude diligente.
(Proverbe japonais)
Nous nous souvenons probablement tous d’un professeur spécial qui nous a inspirés et influencés au point de changer notre vie, de nous ouvrir à de nouvelles connaissances et à des cheminements jamais envisagés auparavant. Cet apprentissage transformateur nous aide à comprendre le monde sous un nouvel angle et change notre façon de vivre et de nous comporter dans cet univers.
Comment ce phénomène se produit-il? Qu’y a-t-il à propos de ce professeur qui stimule la passion de l’étudiant? Est-ce la passion de l’enseignant lui-même? L’amour de ce qu’il fait? La parole à l’acte? Le partage de son feu intérieur? En médecine spécifiquement, y a-t-il une connexion avec la motivation de l’étudiant à choisir la médecine qui allume le désir ardent de poursuivre des études ou des cheminements professionnels autrement improbables?
Maintes et maintes fois dans ma carrière, en tant qu’apprenant permanent et médecin de famille, j’ai entendu mes professeurs, mes mentors, mes modèles de rôles, mes collègues, mes résidents et mes étudiants me parler d’enseignants en particulier qui avaient profondément influencé leurs points de vue, leurs présomptions, leurs interprétations et, de ce fait, leurs choix. Beaucoup m’ont dit que durant leur formation médicale, ces enseignants les avaient connectés avec quelque chose de plus profond, de plus convaincant et significatif, qui les avait poussés à aller en médecine familiale. Alors que nous réfléchissons au jumelage du SCJR de 2012, qui révèle que de plus en plus d’étudiants choisissent la médecine familiale pour les nombreux motifs que nous, en tant que communauté de médecins de famille, avons depuis longtemps faits nôtres, demandons-nous dans quelle mesure l’excellence, l’authenticité et la capacité d’inspirer du professeur en médecine familiale sont essentiels pour influencer les choix de nos étudiants.
Nous oublions souvent ce facteur quand nous cherchons à comprendre les choix de nos apprenants non seulement d’aller en médecine familiale, mais aussi de choisir le genre, la portée et l’emplacement de leur pratique. Il nous incombe donc tous, si nous voulons atteindre un nombre et une répartition appropriés de médecins de famille, de soutenir et de reconnaître le rôle vital que jouent les enseignants en médecine familiale pour influencer le choix de pratique et l’orientation de carrière, et aussi de comprendre les traits de caractère très personnels sous-jacents des enseignants qui ont l’influence la plus profonde.
L’éducateur P. J. Palmer écrit que les bons professeurs sont authentiquement présents, ce qui signifie qu’un fort sentiment d’identité personnelle et d’intégrité oriente leur travail1. C’est ce que nous sommes en tant qu’enseignants - un bon enseignement vient du fait que nous sommes de bonnes personnes et (dans notre cas) de bons médecins de famille, dévoués envers nos patients, nos communautés, notre profession et l’excellence des soins. Une forte conviction de notre propre identité en tant que médecins de famille, professionnels respectueux de l’éthique et engagés, effectuant un travail incroyablement important, satisfaisant et significatif, transmet un message convaincant à l’apprenant impressionnable. Ce pourrait donc être notre meilleure stratégie pour inciter les étudiants en médecine à s’engager dans une pratique familiale globale, complète et continue, surtout en milieu rural et éloigné, et auprès des populations vulnérables.
Étant donné que les attitudes des apprenants peuvent être influencées positivement ou négativement selon l’attitude et l’approche de l’enseignant, il est essentiel que les médecins de famille qui adorent ce qu’ils font conçoivent et organisent des expériences d’apprentissage qui non seulement témoignent de leur passion, mais rendent explicites le sens humanitaire qui sous-tend ce qu’ils font.
Les exemples d’enseignants authentiques et de programmes pour répondre aux besoins des Canadiens vulnérables et qui ont un impact sur la pratique des étudiants et des résidents et sur leurs choix professionnels se multiplient. Parmi eux, il y a Dr Ryan Meili, médecin de famille à Saskatoon, qui a fondé en 2005 avec d’autres médecins Making the Links (MTL) à l’University of Saskatchewan pour enseigner aux étudiants en médecine l’imputabilité sociale de la médecine familiale au moyen d’un apprentissage par le service. Même si de nombreux étudiants étudient la médecine pour des motifs philanthropiques, rares sont ceux qui maintiennent cet altruisme dans la pratique. Par conséquent, certaines communautés rurales, éloignées et autochtones, les populations de quartiers défavorisés et de pays en développement ainsi que d’autres groupes vulnérables n’ont pas un accès adéquat à des médecins de famille. Le projet MTL comporte une expérience, en milieu nordique rural et éloigné, de travail auprès de collectivités des Premières Nations, une clinique dirigée par les étudiants dans un quartier urbain mal desservi et une expérience internationale au Mozambique, tous sous la direction de médecins de famille qui prêchent par l’exemple. Un récent article explorait les réflexions des étudiants sur leur expérience2. Plusieurs ont mentionné que MTL avait changé ou encouragé leur choix de carrière. Certains, qui n’auraient jamais envisagé la médecine familiale, en particulier en milieu rural et éloigné, sont devenus complètement engagés. Leurs modèles de rôles avaient mis en évidence le travail important qu’ils accomplissent, montrant aux étudiants comment eux aussi pouvaient avoir des carrières satisfaisantes en médecine familiale.
Le mot docteur vient du verbe latin docēre, qui signifie enseigner. Notre identité en tant qu’enseignants est donc historiquement connectée à ce que nous sommes et en fait partie intégrante. Le pouvoir des grands professeurs en médecine ne se situe pas dans ce qu’ils enseignent, mais dans leur capacité de faire prendre conscience à l’apprenant l’essence d’être médecin. Comme médecins de famille, nous devrions nous engager à faire connaître cette essence à ceux qui sont notre avenir, en n’oubliant jamais l’effet que nos professeurs ont eu sur nous.
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