Le Collège des médecins de famille du Canada a accepté la recommandation du Groupe de travail sur la révision du cursus postdoctoral de la Section des enseignants selon laquelle les programmes de formation en résidence devraient élaborer et appliquer un cursus axé sur le développement des compétences visant des soins
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complets et globaux;
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orientés sur la continuité pédagogique et la continuité des soins, et
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centrés sur la médecine familiale.
Ensemble, ces recommandations forment le Cursus Triple C axé sur le développement des compétences (cursus Triple C)1. Le présent article s’inscrit dans le cadre d’une série qui fait le point sur cette initiative2–5. Il examine la place qu’occupe l’éducation axée sur le développement des compétences au cœur de cette initiative et présente des raisons pédagogiques solides, une approche organisée et une série de stratégies pratiques qui permettront de mieux atteindre les buts de la formation en résidence, à savoir « développer la compétence professionnelle jusqu’au niveau d’un médecin de famille prêt à commencer l’exercice dans la spécialité de médecine familiale6.»
Modèles de formation axée sur les compétences par opposition aux modèles traditionnels
Fournir à la société d’excellents nouveaux médecins est un élément central de la mission pédagogique du Collège des médecins de famille du Canada. Le système d’éducation actuel a toujours valorisé la démonstration des connaissances, des habiletés et des attitudes. Toutefois, les méthodes d’évaluation curriculaires traditionnelles mettent l’accent sur l’acquisition des connaissances et accordent très peu d’importance à l’évaluation des autres compétences requises7–9. Or, l’éducation médicale axée sur le développement des compétences :
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propose aux résidents, au corps professoral et au monde extérieur un produit défini
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mesure si ces finalités ont été atteintes, et
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présente une meilleure façon de repérer les résidents en difficultés et de leur offrir un plan de remédiation.
L’approche traditionnelle à la formation en résidence, par contraste, est basée sur la durée de la résidence. Elle mise sur « l’infusion » des connaissances, en supposant que tout résident qui évolue dans un contexte clinique pendant une période déterminée devrait en « savoir assez » au terme de cette période10. C’est donc dire que la formation en résidence est perçue comme une série de stages fixes et que l’on « ajoute » de nouvelles connaissances à chaque étape. Une évaluation intuitive globale de la performance clinique comparée aux pairs (un système d’évaluation sommative et normative) à la fin du stage permet de mesurer l’acquisition des connaissances et des habiletés. Ce système a ses limites : les résidents n’apprennent pas tous au même rythme; on ne peut pas garantir que les connaissances, habiletés et attitudes seront acquises par l’exposition à un milieu clinique seulement; les fiches d’évaluation de fin du stage sont de bien piètres prédicteurs de la véritable performance. Le Tableau 1 compare le cursus traditionnel basé sur les stages au cursus axé sur le développement des compétences1.
Approche axée sur le développement des compétences
La compétence est la capacité de faire la bonne chose, au bon moment, de la bonne façon, dans un contexte professionnel complexe particulier11. Elle requiert la capacité de faire des choix et d’utiliser à bon escient ses connaissances, ses habiletés, ses attitudes, son jugement et ses valeurs dans un contexte actuel. Elle sous-entend également une certaine autoévaluation qui permet de puiser à même les ressources externes requises, dont le patient ou sa famille, un autre professionnel ou des ressources d’apprentissage12,13. La compétence, c’est aussi la capacité de résoudre des problèmes et de prendre des décisions avec rigueur, c’est l’analyse critique, la créativité et l’autonomie. Elle est « multidimensionnelle et dynamique. Elle évolue au fil du temps, selon l’expérience et le contexte14. » Elle dépend de l’adoption d’une attitude réflexive, est liée au développement d’une identité professionnelle et s’accompagne d’un engagement à l’égard de l’apprentissage continu10.
Chaque futur médecin de famille développe sa propre compétence professionnelle progressivement, en passant d’un stade de compétence à l’autre15–18. Cette transition est graduelle et souvent, elle diffère d’un domaine à l’autre et d’une personne à l’autre. Une fois que les résidents auront fait l’expérience de la variété et la complexité de cas que l’on rencontre généralement en médecine de famille, qu’ils auront acquis suffisamment de confiance en soi et d’autonomie et qu’ils auront démontré les compétences attendues, ils seront réputés être prêts pour exercer de façon autonome16. C’est le but de la formation en résidence.
Plus de temps et de travail sont requis après le début de la pratique afin d’atteindre les stades d’expertise et de maîtrise17. « L’expert …. peut agir immédiatement dans la majorité des rencontres cliniques…, est conscient de ses limites » et est capable d’aborder des cas complexes15. Pour tout médecin, le maintien de la compétence dépend de stratégies d’apprentissage au long cours, de l’autoréflexion et de l’occasion d’exercer. Toutefois, l’expertise se perd si l’on ne pose pas les gestes requis pour maintenir la compétence globale ou les compétences observables particulières17. Obtenir et maintenir la compétence en tant que médecin de famille est un développement au long cours.
Importance du contexte
Deux importantes conséquences sont au cœur de l’approche axée sur le développement des compétences : la reconnaissance de l’apprenant en tant que participant actif dans l’apprentissage et l’évaluation7,8 et l’importance d’un contexte d’apprentissage authentique.
De récentes études pédagogiques ont démontré que le contexte d’apprentissage a autant d’influence sur ce qui est appris que la matière enseignée19,20. Dès le premier jour de leur formation, les résidents en médecine familiale doivent apprendre des schémas cognitifs précis et les combinaisons de compétences uniques utilisées dans une série d’activités données qui ont trait à leur contexte professionnel. Ils ont aussi besoin de modèles de rôles qui représenteront leur culture professionnelle et les inciteront à adopter ses comportements, croyances, valeurs et relations partagés. De cette façon, les contextes d’apprentissage pertinents contribuent énormément à la socialisation professionnelle favorable des médecins de famille en développement.
Résumé
L’éducation axée sur le développement des compétences semble particulièrement propice à la formation des futurs médecins de famille. Elle reconnaît la complexité de l’exercice professionnel12. Elle tient compte de la nécessité de devenir un praticien réflexif, met l’accent sur l’apprentissage continu, et contribue directement au développement d’une identité professionnelle solide21. La conception d’un cursus axé sur le développement des compétences organise de façon optimale un système d’éducation où les résidents sont appelés à s’adapter à des contextes cliniques qui évoluent continuellement, et ce au sein de contextes complexes. En fait, elle aide les résidents à assimiler progressivement les diverses bribes de connaissances et d’habiletés pendant chaque activité d’apprentissage jusqu’à ce qu’elles se fusionnent et deviennent une partie de leur compétence globale.
Le cursus Triple C décrit les éléments uniques d’un programme axé sur le développement des connaissances tels qu’ils s’appliquent au contexte précis de la résidence en médecine familiale. Ces éléments représentent les stratégies qui conviennent le mieux à la formation de futurs médecins de famille compétents. Le passage à un cursus Triple C semble la façon la plus appropriée de préparer les futurs médecins de famille à la lumière des tendances pédagogiques internationales et des attentes sociétales7.
Footnotes
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the June 2012 issue on page 707.
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Intérêts concurrent
Aucun déclaré
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