Alors qu’il n’avait que 11 ans, Jean-Pierre se leva par un beau matin en urinant du sang. Son père, lui-même médecin, lui dit « Montre-moi ça !» Commença alors une histoire marquée de secondes chances.
« Ce n’était vraiment pas le bon moment pour tomber malade, puisque mon petit frère souffrait alors d’une leucémie, maladie qui devait l’emporter quelques mois plus tard. De mon côté, on allait découvrir que je souffrais de la maladie d’Alport. L’insuffisance rénale allait s’installer progressivement et inexorablement» .
Ignorant tout de ce qui l’attendait, il fit une demande pour entrer en médecine à l’Université de Montréal. Refusé au premier tour, on lui conseilla d’aller faire son bac en biologie puis de postuler à nouveau. Il prit alors une grande décision: tenter sa chance en France. L’initiative lui sourit puisqu’il fut admis à la Faculté de médecine de Nancy. Six ans plus tard, il allait devenir médecin français. Or, comme le mal du pays le tenaillait et que sa famille et ses amis lui manquaient, il tenta un retour au Québec. Encore une fois, la chance lui sourit puisque le doyen de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal accepta de le reprendre à l’externat, lui permettant ainsi de pratiquer au Québec.
Mais sa maladie continuait à faire des ravages. Il était de plus en plus fatigué. Impossible pour lui de faire des sports vigoureux. Même au golf, c’était l’enfer; rendu au 13e trou, il se contentait de conduire la voiturette pour rester avec ses amis. Et même cela lui demandait des efforts immenses. Difficile aussi d’exercer la médecine familiale: « Je me couchais le soir à 19 h 30 au bout de mon rouleau ». La dialyse et la greffe de rein constituaient ses seuls espoirs. En 1999, son épouse lui donna un rein. « Quelle décision difficile ce fut que d’accepter; je lui serai éternellement reconnaissant. J’ai ainsi recouvré la santé et la vitalité. Vous ne pouvez pas imaginer combien c’est merveilleux … c’est comme renaître ». Cela change notre échelle des valeurs et l’écoute à autrui.
« Si je n’avais qu’un seul conseil à vous donnez, ce serait le suivant: sensibilisez vos patients à la greffe d’organes. Vous ne pouvez pas imaginer ce que cela représente pour tous ceux qui attendent désespérément un souffle de vie, une lueur d’espoir .»
Quand Jean-Pierre prend congé, il se retire dans ses terres sur le bord d’un lac à St-Michel-des-Saints. Il paraît que le lac est rempli de truites grises, grosses comme cela, qu’il remet à l’eau. « Et ce ne sont pas des histoires de pêcheurs », m’assure-t-il. Comment ne pas le croire? Chanceux comme il est!
Footnotes
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