
La médecine suppose la vie et la mort et nous sommes formés pour faire face au décès de patients. Sommes-nous préparés à affronter la mort d'un collègue, ne réalisant peut-être pas que nous ne sommes pas immunisés contre l'appel de l'au-delà?
Aucune immunité
La plupart des médecins appartiennent à la catégorie de personnalité de type A, visant la perfection et déçus d'être le deuxième meilleur. J'aimerais mieux un A+ qu'un A, mais la mort sert de rappel que la vie est un cadeau en soi et que nous ne devrions jamais oublier d'être reconnaissants de ce qui nous est donné.
Durant mes études de médecine, je me sentais au septième ciel. Je poursuivais la profession de mes rêves. À l'approche de la graduation, ce que nous avions principalement en tête était le choix de notre spécialité. Mais durant ma dernière année, un de mes confrères est décédé à la suite d'un accident de ski-jet et ma façon de voir les choses a changé. Qu'importaient nos pré-occupations et nos soucis du monde, la lumière s'était éteinte pour l'un d'entre nous. C'était un étudiant de l'étranger qui avait quitté ses proches pour venir étudier la médecine dans un autre pays. Ses parents devaient attendre avec impatience le jour où il reviendrait, médecin, et avaient probablement prévu des festivités en son honneur. Maintenant, ils s'apprêtaient à recevoir un corps sans vie, à préparer ses funérailles.
Récemment, j'ai aussi entendu parler de 2 étudiants en médecine prometteurs, décédés dans un accident de la route. Je ne les connaissais pas, mais c'était un rappel qu'au beau milieu de ma jeunesse, plein d'optimisme et malgré mes accomplissements, la mort pouvait frapper n'importe quand.
Un mentor et ami
Dr David McCann était un médecin de famille et spécialiste de la médecine des désastres reconnu. Il a reçu de nombreux hommages en reconnaissance de son travail (y compris une reconnaissance de son équipe dans le rapport du président américain sur l'ouragan Katrina). David était l'un de mes superviseurs et mentors en médecine familiale au Centre de santé familiale Stonechurch à Hamilton, en Ontario. Sa carrure imposante de plus de 6 pieds, sa personnalité chaleureuse et ferme à la fois, sa façon de dire les choses sans détour, concordaient parfaitement avec son rôle en médecine des désastres. David n'était pas mon principal superviseur, mais j'ai développé et grandement apprécié ma relation profes sionnelle et personnelle avec lui. Nous avions un certain nombre d'intérêts en commun: la médecine familiale, la santé publique et la médecine de l'espace.
Chaque fois que vous passiez à côté de David, il vous rendait votre sourire avec l'air de dire: « Ne lâche pas; c'est follement occupé ici, mais tu fais du bon travail!»
Un jour, à la clinique, alors que la plupart d'entre nous étaient sortis pour le repas du midi (les vendredis, notre équipe se retrouvait pour un dim sum), David était encore à l'ordinateur à passer en revue les dossiers de ses patients et j'étais la seule personne à ses côtés, car j'attendais des résultats de laboratoire. David s'est tourné vers moi et m'a demandé: «Farhan, que voulez-vous faire plus tard dans votre carrière?»
Je lui ai répondu: «Poursuivre plus tard une possibilité en santé mondiale».
Il a hoché de la tête et dit: «Bon, c'est ce que vous devriez faire. Je pense que vous allez faire de grandes choses et ne vous contentez de rien d'autre».
C'était fantastique et inspirant d'entendre ces paroles d'une personne qui avait tant accompli en santé mondiale. J'ai été encore plus honoré lorsque David et 2 autres de mes mentors en médecine familiale, Drs Ainsley Moore et Keyna Bracken, m'ont proposé pour recevoir le Prix du leadership du CMFC pour les résidents en médecine familiale. À peu près au même moment, j'ai appris qu'on m'offrait une nomination comme directeur en devenir au Département de la médecine spatiale à la International Space University. Ce à quoi David a répondu:
Il est évident que le Programme spatial a reconnu en vous ce que nous 3, qui vous avons proposé pour recevoir le Prix du leadership, avons aussi constaté: vous êtes un leader-né et de grandes choses vous attendent. Ce fut un privilège de travailler avec vous et je vous souhaite la meilleure des réussites dans votre trajectoire Ad Astra. Appelez-nous quand vous serez à bord de la station spatiale internationale! J'accepterai les frais virés!
Apprendre la nouvelle
C'était le dernier jour de mon stage à plein temps et j'étais tout content à mon arrivée à la clinique. En voyant l'expression consternée sur les visages du personnel, je savais que quelque chose n'allait pas. On m'a appris que David était gravement malade. C'était dur à avaler: un homme qui en avait tant fait, qui avait traversé de multiples catastrophes, tremblements de terre et oura gans, et qui en était revenu sain et sauf, cette personne était maintenant en phase terminale?
Fort jusqu'à la fin
La fin de David était diffcile à comprendre, non seulement pour moi, mais aussi pour tous ceux qui le connaissaient. C'est peut-être David qui nous a rendu la situation plus supportable. Après avoir eu le verdict, il a continué à être constamment positif; sa foi et sa famille l'ont soutenu, l'ont renforcé, ce qui nous a tous rendus plus forts. La dernière fois que je l'ai vu, c'était un mois avant qu'il nous quitte. Il était le même David McCann, émotionnellement fort, que je connaissais. Nous avons bavardé et prié ensemble. Un ami résident, Augie, a dit une prière selon sa foi catholique et celle de David, puis David m'a demandé de dire une prière selon ma foi, l'Islam.
Prendre le temps
Avant d'apprendre la maladie de David, j'avais entendu parler d'un prix qui concordait avec ses réalisations. La mise en candidature n'était pas prévue avant 8 mois, mais j'ai immédiatement communiqué avec des collègues et des résidents de David pour proposer sa mise en nomination. Quelques jours plus tard, j'avais reçu plusieurs lettres de soutien, et tout ce qu'il fallait pour suggérer sa nomination était prêt, lorsque le temps serait venu. Hélas, il était trop tard. David nous a quittés avant même que le processus soit ouvert.
Mon empressement à suggérer sa nomination pour rendre hommage à un mentor et un ami me laisse désormais avec un vide, comme si j'avais raté la possibilité de le remercier et de l'honorer pendant qu'il était en vie. Je pense encore soumettre la demande à titre posthume. Peut-être le ferai-je, en hommage à son souvenir, mais ce n'est pas la même chose que s'il était là pour recevoir le prix.
Je suis content et chanceux d'avoir parlé à David de ce projet de mise en nomination avant qu'il meure et de lui avoir montré les lettres d'appui démontrant combien il était estimé. David était content juste de voir les lettres et d'entendre parler du projet de mise en nomination qui importait pour lui plus encore que de recevoir le prix. Nous devons toujours saisir la possibilité de reconnaître et d'apprécier toutes les personnes et les choses qui nous entoure, ne reportant jamais rien à demain. Demain pourrait ne jamais venir.
Footnotes
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Intérêts concurrents: Aucun déclaré
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the February 2013 issue on page e116.
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