L’Organisation mondiale de la Santé célèbre chaque année la Journée mondiale de la Santé en mettant l’accent sur un important problème mondial de santé. Le thème de la Journée mondiale de la Santé 2013 porte sur l’hypertension1. Le choix de cette thématique se fonde sur des études récentes parrainées par l’Organisation mondiale de la Santé qui ont fait valoir qu’une pression artérielle plus élevée joue un rôle critique et grandissant dans la mortalité et l’incapacité à l’échelle mondiale2.
On attribue à l’augmentation de la pression artérielle 13 % de tous les décès (9,4 millions annuellement) et 7 % des incapacités, des hausses considérables par rapport aux dernières estimations en 19902. Environ la moitié des maladies reliées à l’hypertension se produisent chez des personnes ayant une pression artérielle à la hausse mais toujours considérée «normale» («pression élevée normale» ou «pré-hypertension») et l’autre moitié, chez ceux qui répondent aux critères cliniques de l’hypertension3. La thématique de l’hypertension choisie pour la Journée mondiale de la Santé a pour but de:
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sensibiliser aux causes et aux conséquences de l’hypertension;
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renseigner sur les façons d’éviter l’hypertension et les complications qu’elle peut engendrer;
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encourager les adultes à vérifier leur pression artérielle et à suivre les conseils des professionnels de la santé;
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favoriser l’autogestion de la santé pour prévenir l’hypertension;
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rendre abordables pour tout le monde les moyens de mesurer la pression artérielle;
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inciter les autorités nationales et locales à créer des environnements favorables à des comportements sains1.
Célébrer les réussites
Le fardeau de l’hypertension au Canada n’est pas aussi élevé que dans de nombreux autres pays. Le taux canadien d’hypertension ajusté selon l’âge chez les adultes est d’environ 20 % et reste constant depuis 3 décennies. En comparaison, le taux dans beaucoup de pays est supérieur à 30 %. Les taux nationaux de traitement (80 %) et de contrôle (66 %) de l’hypertension sont les plus élevés au Canada et le taux d’hypertension non diagnostiquée (17 %) y est faible4,5. Bon nombre des réussites au Canada ont été attribuées au Programme d’éducation canadien sur l’hypertension, qui élabore des recommandations fondées sur des données probantes et du matériel éducatif à l’intention des professionnels de la santé et du grand public. De solides partenariats formés d’organisations gouvernementales et non gouvernementales se sont concentrés sur la prévention et le contrôle de l’hypertension6. De plus, le Canada a pu compter sur l’appui d’une série de plans stratégiques et de cadres de travail nationaux7. On a créé un comité national d’organisations scientifiques et de la santé (Comité consultatif du Programme d’éducation canadien sur l’hypertension), composé d’un large éventail de groupes de professionnels de la santé, dont un représentant du Collège des médecins de famille du Canada, dans le but d’orienter et de diriger la mise en œuvre du cadre de travail sur l’hypertension.
Plus à faire encore
Selon les résultats de récents efforts nationaux de surveillance, il reste encore beaucoup de travail à faire au Canada. Environ 7,4 millions de Canadiens adultes font présentement de l’hypertension, et les Canadiens qui ont une longévité moyenne ont 90 % de probabilités de développer de l’hypertension8,9. Les populations vulnérables, comme les membres des Premières Nations, les nouveaux immigrants, diverses minorités ethniques, et les personnes à faibles revenus et moins scolarisées, ont plus de risques de développer de l’hypertension, et il est plus probable que les gens qui habitent les territoires ne soient pas traités lorsqu’ils ont un diagnostic d’hypertension. Près de 1 Canadien sur 3 qui fait de l’hypertension a une pression artérielle non contrôlée (principalement de l’hypertension systolique) et l’absence de contrôle est plus fréquente chez les femmes plus âgées10. Les Canadiens moins âgés, en particulier les jeunes hommes, ne sont souvent pas au courant qu’ils sont hypertensifs. C’est probablement parce que les milieux de travail canadiens n’ont habituellement pas de programmes de dépistage et de santé efficaces visant cette population10.
L’hypertension est causée par une combinaison de pré-dispositions génétiques et de mauvaises habitudes alimentaires, comme des aliments riches en gras saturés, en acide gras trans, en sucres libres et en sodium (Tableau 1). Il devient de plus en plus évident que la génération actuelle d’enfants au Canada pourrait vivre moins longtemps et en moins bonne santé par rapport aux générations antérieures, en raison principalement des facteurs liés au mode de vie. Le Comité consultatif du Programme d’éducation canadien sur l’hypertension a fait de la prévention de l’hypertension une priorité au moyen de représentations auprès de tous les paliers de gouvernement afin de mettre en œuvre des politiques qui pourraient contribuer à réduire considérablement la prévalence de l’hypertension, à améliorer les taux de contrôle de l’hypertension et à atténuer les effets dévastateurs d’une hypertension non contrôlée sur les personnes et leur famille.
Modes de vie causant une hausse de la pression artérielle
Les Canadiens devraient célébrer nos réussites nationales qui ont réduit le fardeau que représente l’hypertension. Toutefois, la Journée mondiale de la Santé nous rappelle aussi ce qui suit:
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l’hypertension est largement évitable et demeure une menace constante pour la santé de notre société;
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il existe des politiques efficaces pour aider les Canadiens à faire des choix santé qui, lorsqu’elles sont mises en œuvre, peuvent considérablement prévenir le développement de l’hypertension;
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l’hypertension est facile à dépister;
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des modifications au mode de vie et des pharmacothérapies efficaces sont à la portée des gens, et elles pourraient contrôler l’hypertension chez presque tous les Canadiens.
Les médecins de famille canadiens dans divers milieux partout au pays ont joué un rôle essentiel dans la réussite canadienne sur le plan de l’hypertension, tant comme leaders dans l’élaboration de programmes qu’en tant que médecins de soins primaires dans la mise en œuvre des recommandations fondées sur des données probantes. L’instauration du processus d’élaboration des recommandations du Programme d’éducation canadien sur l’hypertension a eu pour résultat direct une baisse substantielle des taux d’infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux11. Nul doute que cette réduction est largement attribuable à la vigilance accrue des médecins de soins primaires à l’égard des dangers de l’hypertension.
Comme nous le rappelle la Journée mondiale de la Santé, il reste encore beaucoup de travail à faire. Les médecins de famille, de concert avec d’autres professionnels de la santé, joueront un rôle encore plus grand pour assurer que les Canadiens jouissent à l’avenir des bienfaits que procurent des niveaux optimaux de pression artérielle. Étant donné le vieillissement de la population et l’épidémie d’obésité, la prévalence de l’hypertension augmentera. Nous devons redoubler d’efforts pour prévenir l’hypertension en faisant des représentations auprès des gouvernements pour que soient instaurées des politiques publiques favorables à la santé et en encourageant nos patients à vivre plus sainement, à faire régulièrement de l’activité physique, à maintenir un poids idéal, à éviter ou à cesser de fumer, à avoir une alimentation équilibrée et à teneur réduite en sodium, à éviter de boire de l’alcool et des boissons sucrées à l’excès. Grâce à un dépistage rigoureux, à des efforts diagnostiques et au recours judicieux à des antihypertenseurs au besoin, nous continuerons à réduire l’incidence des infarctus du myocarde, des accidents vasculaires cérébraux, de l’insuffisance cardiaque et de certaines formes de déclin cognitif, de sorte que nos patients puissent profiter plus pleinement de la vie à un âge avancé.
Footnotes
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This article is also in English on page 341.
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Intérêts concurrents
Dr Campbell a reçu des frais de déplacement de Novartis (Russie) en 2012. Dr Gelfer a reçu des honoraires de consultation de Microlife et PharmaSmart en 2012 et 2013.
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Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles sont sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
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