
Je suis Le Lorax. Je hurlerai pour réclamer les bonnes choses sur terre qui sont en voie de disparaître!
Dr Seuss, The Lorax (traduction libre)
On a qualifié le changement climatique planétaire d’enjeu déterminant pour la santé au XXIe siècle1. Ses effets indésirables actuels et potentiels sur la santé ont été bien décrits et s’échelonnent des modifications à la sécurité alimentaire et de l’eau aux effets néfastes pour la santé directs et indirects qu’engendre la dégradation de la qualité de l’air causée par les gaz à effet de serre2.
Les médecins de famille sont en position idéale pour intervenir en réponse au changement climatique mondial. Grant Blashki et ses collègues ont présenté de manière convaincante l’argument suivant:
L’expérience privilégiée et la façon généraliste de penser peuvent apporter de précieuses contributions lorsqu’elles sont appliquées à des solutions au changement climatique. Cela comprend toute une vie d’expérience, de réflexion et d’application épistémologique des principes dictant avant tout ne pas causer de tort, de gérer l’incertitude, d’être capables de prendre les décisions nécessaires sans avoir toute l’information, de savoir apprécier des systèmes adaptatifs complexes, de préserver l’homéostasie, d’être à l’affût des conséquences non intentionnelles et de reconnaître l’importance de la transdisciplinarité et de l’interprofessionnalisme3.
Comment peut-on mettre en action cette perspective généraliste pour changer les choses? Gill maintient que nous n’avons actuellement pas les attitudes, le vocabulaire et le cadre conceptuel avec lesquels on peut s’attaquer au changement climatique mondial dans l’environnement clinique4. Nous pouvons tirer des parallèles, dit-il, entre la lutte contre le tabagisme et celle contre le changement climatique mondial; par ailleurs, nous devons d’abord reconnaître que notre mode de vie hautement dépendant du carbone est bel et bien une dépendance potentiellement plus destructrice et irréversible que celle au tabac. En reconnaissant que notre mode de vie axé sur le carbone est une dépendance, nous pouvons mettre en œuvre les mêmes outils qui nous ont mené à la réussite dans notre combat contre le tabac.
Nous commençons par reconnaître notre propre dépendance et notre responsabilité. Griffiths et ses collaborateurs ont relevé 10 mesures pratiques que peuvent prendre les médecins pour lutter contre le changement climatique1. Entre autres, nous pouvons nous renseigner sur les sciences fondamentales liées au changement climatique, et sur les avantages pour la santé d’agir et l’urgence de le faire. Nous devons aussi nous responsabiliser personnellement en ce qui a trait à la réduction de notre utilisation de l’énergie en conduisant moins, en prenant moins l’avion, en mangeant moins de viande et en choisissant des produits cultivés localement, en marchant, en faisant du vélo ou en utilisant les transports publics plus souvent. Nous devons aussi conseiller à nos patients d’en faire autant, parce que ces changements non seulement réduiront leurs émissions de carbone, mais ils amélioreront aussi leur santé. Griffiths et ses collègues ont aussi recommandé des mesures telles que nous faire les champions de la cause en mettant le changement climatique à l’ordre du jour de toutes les réunions ou en favorisant la stabilisation de la population mondiale par la littéracie et l’accès à la contraception1.
Ce numéro du Médecin de famille canadien présente un important commentaire par Abelsohn, Rachlis et Vakil (page 482), dans lequel ils nous rappellent que les médecins de famille et les organisations qui les représentent doivent accorder plus d’attention au changement climatique planétaire comme étant un problème de santé et au rôle primordial que les médecins de famille peuvent jouer pour le combattre5. Se fondant sur les 4 principes de la médecine familiale—que nous sommes des cliniciens compétents, que nous sommes une discipline communautaire, que nous agissons comme une ressource auprès d’une population définie et que la relation médecin-patient est au cœur de tout ce que nous faisons— ils proposent à la fois un cadre théorique et un guide pratique pour agir. Deux autres commentaires, l’un sur les effets de l’extraction de l’uranium sur la santé (page e215)6 et l’autre sur les effets indésirables possibles des éoliennes sur la santé (page e218)7, ainsi qu’un article de révision clinique sur les maladies reliées aux loisirs aquatiques (page e225), qui font partie de notre série sur l’environnement et la santé, paraissent aussi dans ce numéro8.
Pendant de nombreuses années, entre le début d’avril et la fin d’octobre, j’allais souvent travailler à vélo et faisais même des visites à domicile de temps à autres à bicyclette. J’aimais pratiquer cet exercice et c’était ma petite contribution pour réduire mon empreinte carbone. Puis, un matin de printemps, il y a 9 ans, alors que je me rendais au bureau, j’ai été frappé par derrière par un automobiliste distrait. Heureusement, j’ai seulement été éjecté du vélo et ni la bicyclette ni moi n’avons subi de dommages. Mais j’étais alors père d’une jeune famille et cet incident m’a fait peur. Depuis, je ne suis allé travailler à vélo que rarement et, maintenant, j’y vais surtout en auto (quoique je fasse du covoiturage). Peut-être est-ce le temps de reprendre l’engagement d’aller travailler chaque jour à bicyclette. Dans la lutte contre le changement climatique planétaire, aucun d’entre nous ne peut se permettre d’être éjecté de son vélo.
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada