La marche est le meilleur exercice qui soit. Habituezvous à marcher très loin.
Thomas Jefferson (traduction libre)
Les enfants et les adolescents sont affectés de manière disproportionnée par l’épidémie mondiale d’obésité, qui mène à une vie adulte compromise par l’apparition précoce du diabète, de maladies cardiovasculaires et de l’arthrite dégénérative1. Quand j’étais résident en médecine familiale, au début des années 1990, on n’entendait jamais parler d’un adolescent se présentant avec un diabète de type 2, qu’on avait l’habitude d’appeler le diabète de l’adulte, mais je vis maintenant cette expérience dans ma pratique et c’est profondément alarmant. Dans les pays industrialisés, pour la première fois depuis plus d’un siècle, l’espérance de vie des jeunes pourrait être moins longue que celle de leurs parents. Nous croyons que le soi-disant tsunami argenté des baby boomers vieillissants présente un défi pour notre système de santé, mais nous n’avons encore rien vu.
Il y a une épidémie d’obésité chez nos jeunes, mais il y a aussi une épidémie parallèle d’inactivité. Santé Canada recommande que les enfants et les adolescents participent à des activités d’assez forte intensité pendant une heure ou plus chaque jour pour rester en bonne santé2. La plupart des enfants canadiens sont bien loin d’atteindre ce but. Un rapport de 20103 a démontré que seulement 1 garçon sur 6 et 1 fille sur 20 atteignaient cet objectif, et en 2012, une étude faisait valoir que dans le système scolaire à Saskatoon, seulement 9 % des garçons et 6 % des filles le réalisaient4. Les statistiques sont semblables aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie.
Comment nos enfants sont-ils devenus aussi sédentaires? Plusieurs blâment le temps passé à l’écran, que ce soit à la télévision, à l’ordinateur ou à des jeux vidéo. Bien que ces activités aient un rôle à jouer, il y a plus. L’endoctrinement à ce mode de vie sédentaire débute tôt, habituellement quand nous commençons l’école, vers l’âge de 4 ou 5 ans. Tout le système scolaire est basé sur le fait d’être assis devant un enseignant, un tableau ou un ordinateur pendant environ 6 heures par jour. Il n’y a pas assez d’éducation physique dans les écoles. Les récréations, l’une de ces brèves périodes de la journée pendant lesquelles les enfants sont libérés de leur position assise, sont bien trop courtes et dans des pays nordiques comme le nôtre, si on soustrait le temps que les enfants prennent à mettre et à enlever leurs habits d’hiver, il n’en reste pas beaucoup pour courir. Quand j’étais enfant, les cours d’éducation physique d’une heure 3 fois par semaine étaient obligatoires, même au secondaire. Maintenant, l’éducation physique au niveau secondaire est optionnelle et lorsqu’ils en sont aux 2 dernières années de ces études, la plupart des enfants ne font aucune activité physique à l’école. Bien des enfants se font conduire à l’aller et au retour de l’école, même s’ils n’habitent qu’à quelques pâtés de maisons. Chez les filles, d’autres pressions puissantes interviennent. La recherche démontre que la forte pression exercée par les pairs influence les filles de manière disproportionnée, de sorte qu’un nombre encore moins grand d’entre elles sont actives ou s’adonnent à des sports organisés.
On a remarqué que les médecins et d’autres professionnels de la santé sont potentiellement de puissants agents de changement dans la promotion de l’activité physique, mais la plupart d’entre eux n’exercent pas ce rôle dans leurs pratiques. Une étude américaine a démontré que moins du tiers d’un échantillon d’adultes avaient signalé avoir reçu des conseils de leur médecin au sujet de l’activité physique et, parmi ceux qui en avaient eus, moins de la moitié ont dit avoir obtenu de l’aide du médecin pour établir un plan ou obtenir un soutien de suivi5. Il est déplorable de constater que la plupart des médecins n’ont pas la formation, les connaissances et souvent le temps voulus pour bien s’acquitter de cette tâche. C’est peut-être pourquoi, en dépit des recommandations, les médecins ne passent pas moins de temps à offrir à leurs patients des tests de dépistage et des examens physiques et plus de temps à promouvoir l’activité physique. Les ouvrages médicaux démontrent que les conseils donnés par les médecins à l’égard de l’exercice ne sont pas très efficaces pour changer les comportements6.
Si les médecins n’arrivent pas à renverser cette marée d’inactivité, qui le peut? La réponse est de notre côté, en particulier dans nos communautés et nos écoles. Des chercheurs renommés croient que la façon la plus efficace de faire bouger nos enfants et de les garder actifs se situe dans nos interventions en milieu scolaire et communautaire7.
J’en ai d’ailleurs un exemple convaincant près de chez moi. Dans mon quartier, un parent bénévole dévoué, Brent Lockridge, a approché le professeur d’éducation physique John Ellis pour lui proposer de commencer un programme de course de cross-country pour les enfants de la première à la huitième année. En 2 ans, plus de 300 enfants, presque la moitié de l’école, couraient de 3 à 5 matins par semaine lors de rencontres locales et régionales. Je me demandais comment ils avaient réussi, alors j’ai posé la question à Brent. Il a insisté sur 4 facteurs: rendre l’activité simple et accessible à tous; la rendre équitable, c’est-à-dire que les enfants qui viennent s’entraîner courent, quelles que soient leurs habiletés; gérer les attentes des parents — John et lui ont passé plus de temps à encadrer les parents, afin qu’ils se concentrent sur la participation plutôt que sur le podium, qu’à entraîner les enfants à la course; et la rendre congruente aux valeurs de la communauté. Le programme dure depuis plus d’une décennie maintenant et chaque automne, durant les premières semaines d’école, des douzaines d’enfants de tous âges, et de toutes tailles, formes et couleurs commencent à passer devant chez moi et à sillonner un parc avoisinant pour leur course matinale.
Footnotes
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