
En août dernier, j’ai assisté à l’Assemblée annuelle et au Conseil général de l’Association médicale canadienne (AMC). Durant cette rencontre, de nombreux sujets importants ont été discutés, mais pour la plupart des participants, la mort médicalement assistée et les soins en fin de vie se sont démarqués. Au cours de l’année écoulée, l’AMC a organisé un certain nombre d’assemblées publiques à l’intention des médecins et de la population de toutes les régions du pays et a produit un document de réflexion sur le sujet1. En juin, le CMFC a aussi tenu un symposium sur les soins en fin de vie, qui regroupait des médecins et d’autres experts, pour discuter de cet enjeu et aider à positionner notre Collège. De plus, Dre Lemire a écrit à ce propos dans sa Feuille sommaire du numéro de septembre2.
Lorsque j’écoute le récit d’expériences relatives aux soins en fin de vie vécues par des médecins, les commentaires des conférenciers et des délégués au Conseil général, et d’autres discussions sur le mourir, je suis toujours portée à réfléchir à mes propres expériences de la mort en tant que médecin. Il y en a eu beaucoup, mais certaines ressortent plus particulièrement.
Mes premières expériences du fait d’arriver aux derniers moments de la vie d’une personne et de partir peu après remontent à l’époque où j’étais étudiante et résidente de première année, dans un hôpital où j’étais membre, puis chef de l’équipe de réanimation. Je me souviens vivement aussi de la première fois où j’ai dû me rendre au domicile d’une personne pour y constater un décès imminent. Lorsque j’étais résidente de garde la nuit, je devais constater les décès à l’hôpital. Je me souviens de quelques visages mais, dans la plupart des cas, je n’étais que le médecin qui arrivait après le décès de la personne, sans avoir de liens particuliers avec le patient ou la famille.
Mon expérience en tant que médecin de famille en pratique active s’est révélée considérablement différente. Je me suis assise au chevet de mes patients tandis qu’ils décidaient avec leur famille de mettre un terme à toutes les interventions de maintien des fonctions vitales. J’étais auprès de nouveaux parents alors qu’ils faisaient face à la prématurité extrême et aux anomalies congénitales mortelles de leur nouveau-né. J’ai fait partie d’une équipe qui assistait les femmes dans l’accouchement de leur bébé mort-né. J’ai appelé les membres de la famille de mes patients pour qu’ils viennent à l’hôpital parce que leur proche était mourant et suis restée avec eux pour les soutenir dans leur deuil. J’ai aussi écouté mes patients me dire ce qu’ils souhaitaient pour le reste de leur vie et ce qu’ils espéraient pour leur famille après leur départ. De plus, j’ai eu la possibilité de faire partie du système de soins palliatifs dans ma communauté, qui répondait aux besoins de mes patients durant leurs derniers jours. Dans son allocution, au moment d’occuper ses nouvelles fonctions, Dr Chris Simpson, l’actuel président de l’AMC, a dit que la façon dont on meurt au Canada dépend de l’endroit où l’on vit3. Dans mon rôle de présidente, j’ai parlé à des médecins de tous les coins du pays au sujet des services de soins palliatifs dans leurs communautés et je corrobore cette affirmation.
Toutes ces réflexions me rappellent le privilège de faire partie de la vie de mes patients et de leur famille à cette étape cruciale. Joie, tristesse, peur, espoir, colère, acceptation, confusion, soulagement. Il y a tant d’émotions entremêlées et, pourtant, chaque personne et chaque famille ont une façon différente de confronter la mort. Chaque fois que meurt un de mes patients, je suis confrontée à mes propres croyances à propos de la vie et de la mort. Chaque décès m’a enseigné quelque chose à propos de l’humanité, de moi-même et de la signification d’être médecin.
Il reste beaucoup de discussions à avoir en tant que médecins et comme société à propos de la fin de la vie. Certains de ces débats pourraient être résolus par des lois ou des décisions des tribunaux qui auront un effet direct sur notre profession. Pour certains médecins, ces enjeux sont noirs et blancs tandis que pour d’autres, ils revêtent de nombreuses teintes de gris. Je ne crois pas qu’individuellement, nous partagions un jour les mêmes opinions sur les questions discutées comme entité professionnelle, mais je suis contente que nous ayons ces importantes conversations. Quelles que soient les décisions, j’espère qu’en tant que société, nos discussions sur la mort aideront nos patients à discuter des soins en fin de vie avec leurs proches et leurs professionnels de la santé. Même si nous, comme médecins, sommes façonnés par notre participation à la vie de nos patients, nous participons à la fin de leur vie parce nous avons été invités à travailler avec eux et non à décider pour eux.
Footnotes
-
This article is also in English on page 953.
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada