
Il n’y a jamais d’autres nouvelles modes que celles d’antan. (Traduction libre)
Geoffrey Chaucer
Le rapport de cas était autrefois un élément de base des revues médicales, mais jusqu’à récemment, il était enfoui au bas de l’échelle hiérarchique de la médecine factuelle dans une fausse commune. Le paradigme de la médecine fondée sur des données probantes a privilégié l’étude randomisée contrôlée (ERC) et sa cousine plus imposante, la méta-analyse, au détriment des formes «inférieures» de preuves cliniques comme le rapport de cas. On a traité ailleurs des motifs de l’ascension de l’ECR, de ses points forts et de ses limites1,2.
De même, on a bien étudié et décrit, les avantages et les inconvénients des rapports de cas3. Les lacunes des rapports de cas sont nombreuses et incluent l’impossibilité de les généraliser; leur incapacité à démontrer la causalité; le danger d’interpréter trop largement un cas unique ou même une série de cas (la soi-disant fausseté anecdotique); les biais de publication (comme avec les ERC, les revues médicales ont tendance à publier des rapports de cas dont l’issue est favorable) l’absence de critères explicites dans de nombreuses revues4; et le manque de pertinence ou un accent sur des choses rares. Le dernier défaut qui caractérisait particulièrement bon nombre des rapports de cas qu’a publiés Le Médecin de famille canadien par le passé se situe dans le fait que la plupart étaient présentés par des spécialistes qui se penchaient sur de rares présentations de problèmes peu observés en médecine familiale.
Au cours de la dernière décennie, le rapport de cas a refait surface, comme en témoigne le nombre des revues médicales exclusivement consacrées à la publication de rapports de cas. La première revue médicale internationale fichée dans PubMed qui ne publie que des rapports de cas a été lancée en 20075 et plusieurs autres ont suivi le pas depuis6.
Les rapports de cas éveillent encore un puissant écho chez les cliniciens en raison de leurs points forts. Les rapports de cas sont un outil scientifique fondamental pour détecter la nouveauté et poser des hypothèses. Le principal avantage des rapports de cas se situe probablement dans leur capacité à détecter les nouveautés. Le rapport de cas est le seul moyen par lequel les observations inhabituelles de symptômes incontrôlés, les constatations cliniques, l’évolution naturelle d’une maladie ou les complications de traitements et d’interventions, par exemple, peuvent être présentées aux lecteurs3. On compte de nombreux exemples de nouvelles découvertes et de progrès qui ont commencé par un rapport de cas ou, comme dans le cas de la découverte des anomalies congénitales causées par la thalidomide, par une lettre à la rédaction dans The Lancet en 19613.
Parmi les autres avantages, disons que les rapports de cas ou de séries de cas sont utiles lorsque d’autres formes de recherche sont impossibles; l’approche narrative des rapports de cas facilite une compréhension plus approfondie (certaines revues telles que BMJ Case Reports traitent aussi de l’expérience du patient); les rapports de cas ont une valeur éducative certaine (comment expliquer autrement la persistance des rapports de cas du Massachusetts General Massachusetts General Hospital publiés dans le New England Journal of Medicine?). Pour de nombreux médecins, surtout les médecins de famille, les rapports de cas ouvrent la voie vers la découverte et la recherche cliniques, comme l’a si éloquemment expliqué Ian McWhinney 7,8.
Reconnaissant la valeur constante des rapports de cas, Le Médecin de famille canadien procède à nouveau à leur lancement en 2015, en insistant cependant sur la perspective de la médecine familiale. Comme pourront le lire les lecteurs et les collaborateurs dans nos nouvelles directives (http://www.cfp.ca/site/Authors/Directives.xhtml), nous invitons les étudiants en médecine, les résidents en médecine familiale, les autres professionnels de la santé et les médecins de famille qui travaillent dans des milieux de médecine familiale à présenter des rapports de cas. Les rapports de cas peuvent être rédigés en collaboration avec des collègues spécialistes, mais l’auteur principal doit travailler dans un milieu de médecine familiale. Les cas peuvent porter sur des présentations inhabituelles ou imprévues de maladies courantes; de nouvelles associations ou variations dans les processus pathologiques; des présentations, le diagnostic ou la prise en charge de maladies nouvelles ou émergentes; un événement imprévu au cours du traitement ou de l’observation d’un patient; des effets secondaires ou des interactions médicamenteuses non rapportés ou inhabituels; une approche novatrice ou utile dans la prise en charge de patients atteints de problèmes chroniques complexes, pour citer quelques exemples. La pratique familiale est remplie de possibilités de découvertes et nous vous invitons à présenter des rapports de cas qui explorent ce terrain fertile.
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