Les succédanés du sucre, aussi appelés édulcorants artificiels, sont une bonne alternative pour ceux qui cherchent à remplacer le glucose dans leur régime alimentaire. Compte tenu d’une prévalence accrue du diabète1 et d’autres maladies reliées à l’alimentation2, les substituts du sucre gagnent en popularité dans des denrées comme les aliments, les boissons, les produits pharmaceutiques et d’hygiène buccale. Le Règlement sur les aliments et drogues du Canada spécifie les façons dont les succédanés du sucre peuvent être utilisés dans les produits, ainsi que leurs quantités permises, et précise que l’utilisation des édulcorants artificiels non nutritifs suivants est autorisée: acésulfame potassium, aspartame, néotame, polydextrose, stévia, sucralose, polyalcools (connus sous le nom de polyols), saccharine et thaumatine3–5.
Santé Canada affirme que la consommation de succédanés du sucre durant la grossesse ne pose pas de risque pour la santé, mais le ministère recommande qu’ils soient utilisés en modération de manière à ne pas remplacer les nutriments nécessaires à une saine grossesse3. Dans les cas où les femmes enceintes ont besoin de substituts du sucre, il leur est conseillé de les consommer conformément à la dose journalière admissible (DJA).Les DJA ont été fixées par la Direction des aliments de Santé Canada et sont les mêmes que celles établies par le Comité mixte d’experts de l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation et l’Organisation mondiale de la Santé sur les additifs alimentaires6,7. Le Tableau 16–9 présente un résumé des DJA pour les succédanés du sucre communément utilisés et les quantités qui se trouvent dans les produits de consommation habituels.
Les DJA des succédanés courants du sucre et les quantités qui se trouvent dans les produits consommés habituellement
Dans une méta-analyse, on a signalé que les boissons à faible teneur calorique, approuvées par la Food and Drug Administration des États-Unis et consommées durant la grossesse, n’avaient pas d’effets sur les accouchements prématurés lorsque les issues de grossesses étaient comparées avec celles des femmes qui ne buvaient pas de boissons contenant des succédanés du sucre10.
Succédanés du sucre
Acésulfame potassium
L’acésulfame potassium est un édulcorant de haute intensité utilisé dans les aliments, les boissons, les produits d’hygiène buccale et un certain nombre de produits pharmaceutiques11. On a peu fait de recherche sur l’innocuité de l’acésulfame potassium durant la grossesse, mais des études ont permis de constater que l’édulcorant traverse le placenta11. Une étude chez les animaux a signalé que les fœtus exposés à l’acésulfame potassium à travers le liquide amniotique avaient une préférence accrue aux solutions sucrées et aux solutions d’acésulfame potassium à l’âge adulte par rapport au groupe témoin11. Toutefois, ces résultats sont rapportés pour des concentrations d’acésulfame potassium considérablement plus élevées que l’exposition habituelle chez l’humain.
Aspartame
L’aspartame est l’un des édulcorants artificiels les plus communément utilisés dans les aliments et boissons. Dans l’intestin grêle, l’aspartame se transforme en acide aspartique, en phénylalanine et en méthanol à des niveaux qui ne sont pas toxiques pour les adultes, les enfants et les fœtus12. Dans certaines études chez les animaux, on fait valoir que l’utilisation de l’aspartame durant la grossesse ne devrait pas soulever de préoccupations13. Des études chez l’humain ont conclu que les produits de la décomposition de l’aspartame traversent le placenta14. Cependant, une dose de 200 mg/kg d’aspartame (4 à 5 fois la DJA) n’a pas entraîné de toxicité, comme un empoisonnement au méthanol, ni d’augmentation des niveaux de phénylalanine dans le sang fœtal allant jusqu’aux taux associés avec le retard mental chez l’enfant14. Si l’on se fonde sur les données disponibles, la consommation d’aspartame durant la grossesse ne devrait pas poser d’inquiétudes si la femme respecte les limites quotidiennes acceptables15. Il importe de souligner que les femmes souffrant de phénylcétonurie devraient éviter l’aspartame en raison de sa décomposition en phénylalanine3.
Néotame
Le néotame est un dérivé chimique de l’aspartame peu utilisé et beaucoup plus sucré7. Jusqu’à présent, il n’y a que des données limitées sur les effets potentiels de la consommation de néotame durant la grossesse.
Saccharine
Jusqu’à récemment, la saccharine était interdite comme édulcorant au Canada4,5. Le composé traverse le placenta humain à terme16. Dans une étude effectuée chez des singes rhésus, l’élimination fœtale de la saccharine était beaucoup plus lente que celle de la guenon, laissant présager qu’une ingestion répétée de saccharine par une mère pourrait entraîner une accumulation considérable de la substance dans le fœtus17. Par contre, les données sur les sujets animaux, qui concernent des doses de 100 à 400 fois plus élevées que la DJA chez l’humain, ne font pas valoir de risque de malformations18. Une étude cas-témoin n’a signalé aucun risque accru d’avortement spontané chez les femmes qui consomment de la saccharine19.
Stévia
Santé Canada a approuvé la stévia comme additif alimentaire en 20124. Elle gagne progressivement en popularité comme alternative naturelle aux édulcorants artificiels. Le composé est extrait des feuilles de la plante Stevia rebaudiana et est utilisé comme édulcorant sans calorie4. Dans les études sur des animaux, la stévia n’a pas augmenté la toxicité chez les embryons de rats et n’a pas non plus affecté la fertilité ou les issues de grossesse20. Par ailleurs, il n’existe pas de données sur les résultats de l’utilisation de la stévia durant la grossesse chez la femme.
Sucralose
Le sucralose est un autre édulcorant artificiel courant. Des études sur des animaux ne rapportent pas de risques accrus de malformations ou d’autres effets fœtaux indésirables à la suite d’une exposition à des fortes doses de sucralose durant la grossesse21.
Polyols et polydextrose
Les polyols sont des composés qui existent dans la nature mais qui sont fabriqués à des fins commerciales22. Le Règlement sur les aliments et drogues du Canada mentionne que l’utilisation des polyalcools suivants est autorisée: hydrolysat d’amidon hydrogéné, isomalt, lactitol, maltitol, sirop de maltitol, mannitol, sorbitol, sirop de sorbitol, xylitol et érythritol. Les données probantes sont peu nombreuses sur les effets des polyols durant la grossesse. Toutefois, étant donné la présence de polyols dans des échantillons maternels et fœtaux lors de grossesses normales23, il est probable que ces composés soient sécuritaires quand ils sont consommés en modération.
Le polydextrose est un autre composé approuvé comme additif alimentaire. Contrairement aux polyols, le polydextrose est un supplément qui ajoute de la texture aux aliments plutôt que de les rendre sucrés22. C’est un polymère synthétique indigestible du glucose et il est classé comme fibre alimentaire; il ne devrait donc pas soulever de préoccupations24.
Thaumatine
La thaumatine est une protéine sucrée dérivée de la plante Thaumatococcus daniellii7. Quoiqu’il y ait peu de données probantes sur les effets de la thaumatine durant la grossesse, la protéine est transformée dans le corps de manière semblable à celle d’autres protéines alimentaires7 et ne devrait donc pas avoir d’effets indésirables durant la grossesse.
Conclusion
Même s’il n’existe pas beaucoup de données concernant l’utilisation des succédanés du sucre durant la grossesse, celles-ci ne font pas valoir de risque accru de toxicité, d’issues de grossesse indésirables ou de problèmes néonatals. Il est recommandé qu’ils soient consommés en modération et que les femmes enceintes respectent les niveaux des DJA précisés dans les directives de la règlementation.
Notes
MOTHERISK
L’équipe de Motherisk au Hospital for Sick Children à Toronto, en Ontario, prépare les réponses aux questions à Motherisk. Mme Pope, actuellement étudiante à la McMaster University à Hamilton en Ontario, était membre de Motherisk au moment de la rédaction de cette mise à jour. Dr Koren est directeur et Mme Bozzo est directrice adjointe du Programme Motherisk. Dr Koren est financé par le Research Leadership for Better Pharmacotherapy during Pregnancy and Lactation.
Avez-vous des questions concernant les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les femmes enceintes ou qui allaitent? Nous vous invitons à les poser au Programme Motherisk par télécopieur au 416 813-7562; nous y répondrons dans de futures Mises à jour de Motherisk. Les Mises à jour de Motherisk publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca) et dans le site web de Motherisk (www.motherisk.org).
Footnotes
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Cet article donne droit à des crédits Mainpro-M1. Pour obtenir des crédits, allez à www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro.
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the November 2014 issue on page 1003.
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Intérêts concurrents
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