Les allergies alimentaires inquiètent considérablement les parents et les cliniciens qui s’occupent des enfants. L’incidence des allergies alimentaires a augmenté dramatiquement avec les années et elles touchent de 1 % à 10 % des enfants dans le monde1,2. Aux États-Unis, la prévalence des allergies alimentaires signalées chez des enfants de moins de 18 ans s’est accrue de 18 % (p<,01) et les visites en cliniques externes dues aux allergies alimentaires ont triplé entre 1993 et 2006 (p<,01)3. Au Canada, la prévalence des allergies alimentaires se situe à environ 7 % en se fondant sur des données signalées par les intéressés4. Les conséquences économiques de ce problème de santé sont considérables, étant donné que le diagnostic et la prise en charge des allergies alimentaires s’accompagnent de coûts pour les systèmes de santé.
Retarder l’introduction d’aliments
Pendant de nombreuses années, les conseils courants pour prévenir les allergies alimentaires chez les nourrissons à risque élevé (p. ex. ceux dont des parents du premier degré ont des problèmes d’allergie, comme la dermatite atopique, les allergies alimentaires, l’asthme ou la rhinite allergique) étaient de retarder l’introduction d’aliments au potentiel allergène (p. ex. ne pas donner d’arachides avant 3 ans)5. Toutefois, ce conseil reposait surtout sur l’opinion d’experts et n’était pas une recommandation fondée sur des données probantes. En dépit de la rareté des données probantes justifiant le report à plus tard d’une exposition aux aliments allergènes, les professionnels de la santé recommandent encore probablement d’attendre avant de donner certains aliments spécifiques. Une étude en 2012 qui avait recours à un questionnaire à 9 éléments en Colombie-Britannique a révélé que 20 pédiatres généraux sur les 93 qui ont répondu au sondage étaient susceptibles de recommander de retarder le lait de vache et encore plus enclins à conseiller de ne pas donner des arachides et des œufs avant 4 à 6 mois6.
Les recommandations antérieures concernant l’échéancier d’introduction des aliments conseillaient de ne pas donner de protéines de lait de vache avant 1 an, des œufs avant 2 ans et des arachides ou des fruits de mer avant 3 ans5. On croyait qu’une exposition intestinale précoce aux aliments allergènes cause-rait une sensibilisation et le développement subséquent d’une allergie. Plus récemment, «l’hypothèse de double exposition aux allergènes» laisse entendre que l’exposition cutanée précoce aux protéines alimentaires par l’intermédiaire d’une rupture d’obstacle cutané (p. ex. peau eczémateuse) serait ce qui entraîne une sensibilisation allergique. De plus, on croit que l’introduction précoce de certains aliments allergènes pourrait en réalité diminuer le risque d’un trouble atopique en favorisant la tolérance grâce aux voies des lymphocytes T régulateurs et minimiser la survenance d’une sensibilisation par la peau1.
Introduction précoce des aliments
De plus en plus de données probantes indiquent que l’introduction précoce d’aliments comme les arachides, le poisson et les œufs (à un âge approprié) pourrait en réalité être bénéfique pour prévenir les allergies alimentaires et que le report à plus tard de l’introduction d’aliments pourrait contribuer à des troubles allergiques. Dans une étude en 2008, on a comparé la prévalence des allergies aux arachides chez des enfants juifs au Royaume-Uni et en Israël. Au moyen d’un questionnaire, on a déterminé que la prévalence des allergies aux arachides chez des enfants âgés de 4 à 18 ans était de 1,85 % au Royaume-Uni par rapport à 0,17 % en Israël (p<,001)7. La principale différence dans l’alimentation était que les enfants israéliens consommaient des arachides plus tôt dans leur vie (commençant plus jeunes que 1 an), beaucoup plus fréquemment et en quantités considérablement plus grandes7. Une étude prospective suédoise auprès d’une cohorte de naissance de 4 089 enfants signalait que la consommation de poisson régulièrement avant 1 an était associée à un risque réduit de troubles allergiques et de sensibilisation aux allergènes alimentaires durant les 4 premières années de vie (rapport de cotes de 0,76, IC à 95 % de 0,61 à 0,94)8. Dans une étude australienne, l’introduction des œufs à l’âge de 12 mois était associée à un risque plus élevé d’allergies aux œufs par rapport à une introduction à l’âge de 4 à 6 mois (rapport de cotes de 3,4, IC à 95 % de 1,8 à 6,5)9. À l’heure actuelle, d’importantes études prospectives randomisées se déroulent depuis quelques années pour investiguer si l’introduction précoce et régulière des aliments prévient le développement d’allergies.
Recommandations actuelles
En 2008, la American Academy of Pediatrics a apporté des changements à ses recommandations antérieures en disant que si les aliments solides ne devraient pas être introduits avant l’âge de 4 à 6 mois, il n’y a pas de données convaincantes à l’effet que le report à plus tard de leur introduction au-delà de cet âge protégeait contre les allergies10. Ces conseils sont conformes avec les lignes directrices européennes11–13.
En 2013, la Société canadienne de pédiatrie et la Société canadienne d’allergie et d’immunologie clinique publiaient un document conjoint «L’exposition alimentaire et la prévention des allergies chez les nourrissons à haut risque» (Encadré 1)14. Cet énoncé de position fait valoir qu’il n’y a pas d’avantages à retarder l’introduction d’aliments potentiellement allergènes comme le lait, les œufs, les arachides ou le poisson au-delà de l’âge de 6 mois pour prévenir les allergies alimentaires14. Il ne conseille aucune restriction alimentaire de la mère durant la grossesse et l’allaitement, réitère l’importance de l’allaitement maternel et donne certains conseils aux mères qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas allaiter14.
Recommandations récentes de la SCP
Voici certaines des récentes recommandations de la SCP pour prévenir les allergies alimentaires :
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SCP—Société canadienne de pédiatrie, IgE—immunoglobuline E.
* La qualité de preuve indiquée dans les recommandations est définie à l’aide de l’évaluation des critères de données probantes énoncés par le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs.
Données tirées de Chan et collab.14
Conclusion
Pendant de nombreuses années, les conseils courants à donner aux parents concernant la prévention des allergies était de retarder l’introduction de certains aliments allergènes. Le consensus actuel est qu’il n’y a pas assez de données probantes justifiant de retarder l’introduction d’aliments pour prévenir le développement d’allergies alimentaires. Toutefois, les avantages protecteurs possibles d’une introduction d’aliments solides plus tôt dans la vie sont toujours à l’étude et cette pratique ne peut pas être systématiquement recommandée pour le moment.
Notes
Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver, en Colombie-Britannique. Dre Chin est membre du programme PRETx et travaille à la Division des allergies et de l’immunologie de la University of British Columbia. Dr Chan est membre et Dr Goldman est directeur du programme PRETx. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur au 604 875-2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca).
Footnotes
Cet article donne droit à des crédits Mainpro-M1. Pour obtenir des crédits, allez à www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the April 2014 issue on page 338.
Intérêts concurrents
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