«Un médecin peut être aussi efficace qu’un politicien ou qu’un avocat pour apporter des changements sociaux»
En 1993, Nelab Alingary arrivait au Canada à l’âge de 6 ans, en compagnie de ses parents et d’une plus jeune sœur, tous réfugiés politiques en provenance de l’Afghanistan. Elle a grandi dans un quartier de Toronto «à forte densité d’immigrants», entourée de familles pakistanaises, indiennes et afghanes. Elle a bien vu les défis auxquels sont confrontés de nombreux nouveaux arrivants qui refont leur vie dans un nouveau pays. Ce ne fut pas surprenant qu’elle suive 2 programmes d’études spécialisées durant sa première année à la University of Toronto en Ontario, notamment un cours prémédical en sciences et l’autre en sciences politiques.
«Malheureusement, je ne croyais pas pouvoir me consacrer à 100 % aux 2 programmes simultanément, raconte Dre Alingary. Il me fallait choisir et j’ai opté pour la médecine.» En abandonnant les sciences politiques, elle n’abdiquait pas pour autant son engagement profond envers la justice sociale. «Les gens sont les plus vulnérables lorsqu’ils sont malades, poursuit Dre Alingary. Un médecin peut être aussi efficace qu’un politicien ou qu’un avocat pour apporter des changements sociaux.»
Elle termine présentement sa résidence au Markham Stouffville Hospital, juste au nord de Toronto. L’établissement a adopté une approche multidisciplinaire en médecine familiale et offre aux résidents le soutien d’une diététicienne, de travailleurs sociaux et d’infirmières pour créer un environnement de soins plus holistique. Les résidents ont ainsi le luxe de passer plus de temps avec leurs patients, temps que Dre Alingary utilise pour explorer certains des facteurs reliés à la pauvreté, à la santé mentale et à la culture qui exacerbent les problèmes médicaux de ses patients.
« Vous avez la possibilité de découvrir chaque étape de leur vie »
Elle se souvient de l’une de ses premiers patients, une femme d’âge moyen, d’une obésité morbide et souffrant d’une maladie cardiaque et de diabète. «Malade comme elle était, elle s’évertuait quand même à joindre les 2 bouts comme caissière à temps partiel au salaire minimum, relate Dre Alingary. Même si elle avait de la peine à se tenir debout, elle était forcée de passer de longues heures dans cette position chaque jour.»
En plus de lui prodiguer des conseils médicaux, du counseling en alimentation et de lui proposer un programme d’exercices, Dre Alingary a aidé sa patiente à présenter une demande d’aide au Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, qu’elle a d’ailleurs obtenue. «La situation socioéconomique est un déterminant majeur de la santé et en assistant ma patiente de cette façon, elle a pu se concentrer davantage sur son état de santé, explique Dre Alingary. Aujourd’hui, elle a perdu 30 livres et elle n’est plus obligée de voir notre cardiologue local.»
«Comme résidents, nous ne passons que 2 ans tout au plus avec nos patients. Nous sommes donc pressés de voir des changements rapides», confie Dre Alingary. Toutefois, elle sait très bien que la médecine familiale est un marathon de toute une vie plutôt qu’un sprint. «C’est pourquoi les médecins de famille sont les mieux placés pour reconnaître et aborder les déterminants sociaux de la santé chez les patients», termine-t-elle.
Footnotes
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Dre Alingary est médecin de famille et termine sa résidence au Markham Stouffville Hospital à Markham, en Ontario.
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Photos: Laura Bombier, Toronto, Ont
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