L’apprentissage expérientiel est une composante importante dans l’enseignement des habiletés cliniques et de la communication aux étudiants en médecine. Un rapport en provenance du Royaume-Uni signalait ce qui suit à propos du rôle des patients dans l’éducation médicale:
La participation des patients à l’éducation médicale pose un certain nombre de défis. Ils prennent diverses formes allant des considérations pratiques concernant l’organisation des affectations cliniques jusqu’aux préoccupations des patients à propos du consentement et de la confidentialité. Parce que bon nombre de ces problèmes sont la conséquence non intentionnelle de changements dans la formation médicale et la prestation des services de santé, ils exigeront des solutions flexibles et novatrices1.
Il est difficile pour les tuteurs de structurer des activités d’apprentissage avec des patients pour leurs étudiants. Nous avons plusieurs récits anecdotiques d’étudiants en médecine au niveau prédoctoral allant sur les étages sans supervision pour pratiquer leurs habiletés cliniques, une pratique qui n’est plus considérée éthique selon nos standards contemporains. Ainsi, le mandat de l’enseignant inclut désormais de savoir comment recruter différents patients comme ressources, d’être capable de le faire et d’être disponible pour enseigner aux étudiants et les évaluer.
Dans cet article, nous discutons de divers types de patients à titre de «ressources éducatives», y compris les patients standardisés (aussi appelés patients simulés), de vrais patients en milieu hospitalier ou en clinique, d’autres qui se portent volontaires à des fins éducatives et des patients virtuels. Il importe que les enseignants tout autant que les apprenants se rendent compte, qu’à l’exception des patients virtuels, ces ressources sont des êtres humains et qu’ils ne sont pas simplement des objets éducatifs2.
Patients standardisés et simulés
Dans le but de surmonter la difficulté de trouver de vrais patients pour l’enseignement à des étudiants en médecine sur une base constante et aussi pour créer un environnement d’apprentissage et d’évaluation équitable, Barrows a instauré le concept des patients simulés en 19633. Un patient simulé est habituellement une personne qu’on a soigneusement encadrée pour qu’elle fasse semblant d’être un vrai patient de manière à ce que cette simulation ne puisse pas être détectée par un clinicien compétent3. Les patients simulés peuvent être des patients réels à qui on enseigne comment modifier leurs symptômes, des bénévoles du grand public, des membres du corps professoral, des étudiants, des acteurs formés, des mannequins reproduits fidèlement et, plus récemment, des patients virtuels.
Les expressions patients simulés et patients standardisés sont souvent utilisés indifféremment; par ailleurs, pour les patients simulés, l’insistance est sur la représentation de signes et de symptômes de vrais patients, tandis que pour les patients standardisés, l’emphase est mise sur l’uniformité4. Aux fins de notre discussion, nous utiliserons l’expression patient standardisé (PS).
Il se peut qu’on ne puisse pas distinguer des patients standardisés des vrais patients quand ils sont envoyés incognito dans un milieu de pratique clinique5. Cependant, les étudiants sont bien au courant que ce ne sont pas de vrais patients lorsque des PS sont utilisés à des fins d’enseignement ou d’examen. Parce que l’uniformité importe lorsqu’on évalue des étudiants, les PS sont la norme dans tous les milieux d’examen en Amérique du Nord.
Vrais patients
Les médecins de famille ont accès à de vrais patients à leur cabinet, dans les cliniques ou sur les étages. Souvent, dans la formation préalable à la résidence, les unités de patients hospitalisés sont là où les étudiants rencontrent de vrais patients pour mettre en pratique leurs habiletés cliniques. Ces patients sont souvent très fragiles, il peut y avoir des barrières de langue ou encore, ils ne sont pas disponibles. Il est raisonnable de dire, à notre époque, que si un patient est assez bien pour endurer 1 à 2 heures d’entrevue et d’examen par un étudiant en médecine de première année, il est trop en santé pour être à l’hôpital. Lorsque les étudiants apprennent leurs habiletés cliniques dans des unités de patients hospitalisés, c’est aussi injuste pour eux que pour les patients parce que leur apprentissage devient une expérience sous-optimale car les patients sont peut-être trop épuisés pour que les étudiants terminent leurs évaluations. Par exemple, il se peut qu’un étudiant ne puisse pas faire l’examen musculosquelettique requis et observer la démarche du patient si ce dernier est trop malade.
Des programmes de patients ambulatoires bénévoles font leur apparition partout au Canada (p. ex. le programme où les patients jouent un rôle d’acteur à la Mississauga Academy of Medicine de la University of Toronto6). L’organisation et le maintien de tels programmes peuvent se révéler difficiles et exigent des ressources administratives. L’enseignement d’examens intimes exige des patientes partenaires ou associées spécialisées et de nombreuses facultés travaillent en collaboration avec de tels programmes. L’accès à de telles ressources pédagogiques pourrait se trouver par l’intermédiaire de programmes de PS ou de sages-femmes. L’enseignement par une combinaison hybride de PS et de modèles pelviens à des fins de formation est de plus en plus courant.
Patients virtuels
Les patients virtuels dans les outils en ligne sont aussi utilisés dans la formation médicale en habiletés cliniques. On utilise souvent des approches mixtes avec des patients servant de ressources, comme combiner la visite à un vrai patient avec des outils en ligne d’information clinique; par exemple, l’étudiant peut examiner le cœur d’un patient, puis parfaire son apprentissage par la suite grâce à des modules en ligne sur l’auscultation.
Comparaison des types de patients
Des études ont démontré que les étudiants en médecine ont généralement un degré de satisfaction élevé à travailler avec différents types de patients. Toutefois, ce genre de recherche comporte des difficultés. La plupart des études qui ont examiné l’équivalence entre des PS et de vrais patients pour l’enseignement n’avaient pas d’outils d’évaluation standardisés et se fondaient sur des sondages concernant l’attitude ou la satisfaction conçus pour chaque étude individuelle4. Les critères relatifs au signalement manquaient aussi d’uniformité, comme l’a démontré une synthèse qui examinait spécifiquement la qualité de la recherche sur les PS; dans cette révision, on a choisi au hasard 21 articles sur un total de 177 publiés de 1993 à 2005 et on n’a pas trouvé de critères définis exigeant le signalement de l’utilisation des PS dans la recherche7. On trouve au Tableau 1 certains exemples des études tirées de la recherche documentaire8–13.
Les ouvrages spécialisés sont favorables à l’utilisation des PS pour l’enseignement aux étudiants en médecine des techniques d’entrevue, le perfectionnement des habiletés en communication et l’exécution des examens physiques; par ailleurs, la supériorité des PS ou des vrais patients n’est pas démontrée de manière constante. L’utilisation de PS dans la formation médicale ne semble pas avoir d’influence sur le rendement des étudiants et les perceptions des étudiants et du corps professoral ne sont pas cohérentes. Comme l’ont démontré certaines études inédites récentes, il n’existe pas de données probantes qui appuient le recours à de vrais patients comme ressources éducatives14.
Utiliser les patients comme ressources
La disponibilité de patients comme ressources varie selon la région, la faculté de médecine et les programmes pédagogiques. La personne qui enseigne les habiletés cliniques doit être au courant des options qui existent dans sa communauté. Les patients simulés coûtent de l’argent, mais les patients bénévoles ou les patients réels aussi, en ce sens que la présentation de programmes dans lesquels on utilise ces ressources exige de la coordination et du temps de la part du bureau de l’éducation médicale.
Le choix de patients réels et de patients bénévoles, l’obtention de leur consentement et leur préparation sont essentiels à la réussite d’une séance d’enseignement. Au contraire des PS, les patients réels ou les patients bénévoles n’ont pas reçu de formation pour jouer un rôle spécifique aux fins de l’enseignement. Les patients pourraient avoir leur propre opinion personnelle sur la meilleure façon d’enseigner aux étudiants en médecine. Ils pourraient révéler trop de renseignements, ce qui serait trop facile pour les étudiants ou encore ne pas tout dire, pour leur compliquer la tâche. Par exemple, un patient zélé pourrait révéler ses antécédents médicaux durant les 5 premières minutes, réduisant ainsi la possibilité que l’étudiant pratique ses techniques de questionnement. Les patients pourraient se sentir obligés de se porter volontaires pour plaire à leur médecin personnel. De vrais patients rehaussent l’authenticité de la situation, ce qui peut être préférable pour certains types de séances d’enseignement, comme la démonstration de la palpation d’un foie hypertrophié. De plus, certains patients réels ou patients bénévoles sont réceptifs à un encadrement. On peut suggérer au patient quelle partie de son histoire révéler ou taire jusqu’à ce qu’on lui pose la bonne question.
Les patients standardisés sont souvent formés pour offrir une rétroaction constructive aux étudiants à propos de leurs habiletés en communication et de leur comportement. Les patients réels ou bénévoles apprécient souvent se faire demander leurs commentaires. Parfois, les patients donnent de la rétroaction non sollicitée concernant l’habillement ou le comportement de l’étudiant, ce qui peut entraîner d’utiles discussions. Des commentaires à propos du programme des PS servent à maintenir un rendement de grande qualité; par exemple, le PS peut avoir oublié de jouer une partie importante de l’histoire qui est essentielle au diagnostic. Les cliniciens enseignants travailleront probablement avec tous les genres de patients. Par conséquent, être au courant des diverses ressources de patients et bien les connaître serviront à améliorer leurs compétences en enseignement. À l’Encadré 1, nous discutons des facteurs dont il faut tenir compte quand on travaille avec les divers types de patients.
Facteurs à prendre en compte dans le travail avec tous les types de patients
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PS—patient standardisé.
Enseigner aux apprenants
L’enseignant doit être bien préparé en ce qui a trait aux objectifs, au contenu et au rôle du patient dans chaque séance d’enseignement des habiletés cliniques. Par exemple, une séance d’enseignement sur la façon «d’annoncer de mauvaises nouvelles» mettrait à contribution un PS qui offrirait aux apprenants un environnement «sécuritaire» pour les aider à mettre au point leur approche avant de faire face aux circonstances de la vraie vie. Par ailleurs, l’apprentissage de faire l’anamnèse du patient pourrait être plus approprié avec un vrai patient.
L’utilisation de patients comme ressources pour enseigner aux apprenants les habiletés cliniques présente aussi une occasion en or pour les enseignants de servir de modèles de comportement respectueux face au patient, qu’il soit un vrai patient, un bénévole ou un PS, parce qu’il est essentiellement la représentation de la voix du vrai patient dans la réalité. Les étudiants remarquent rapidement ce comportement respectueux; il est essentiel que le tuteur remercie et parle directement au patient bénévole, au vrai patient ou au PS lorsqu’il sert de modèle à imiter.
Quand l’enseignant et les étudiants parlent de la santé du patient devant ce dernier durant une séance d’enseignement, ils peuvent sans le vouloir causer de l’anxiété au patient, ce qui mériterait une visite médicale de suivi pour répondre à ses préoccupations. Idéalement, lorsque c’est possible, l’enseignant doit observer la rencontre entre le patient et l’étudiant et donner immédiatement une rétroaction précise. Les programmes de patients standardisés devraient offrir des suggestions et des séances de formation aux membres du corps professoral sur la façon d’améliorer la qualité des activités d’enseignement faites avec des PS4. À l’Encadré 2, nous présentons des facteurs à prendre en compte lorsqu’on utilise des patients comme ressources pour enseigner les habiletés cliniques.
Facteurs à prendre en compte dans l’utilisation de patients comme ressources pour enseigner les habiletés cliniques aux apprenants
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PS—patient standardisé.
Conclusion
Des études ont démontré que des patients réels tout autant que des PS sont appropriés pour faciliter la formation des étudiants en médecine dans le domaine des habiletés cliniques. Les données ne permettent pas d’affirmer qu’un type de patient est supérieur à un autre dans l’enseignement des habiletés cliniques aux étudiants en médecine de niveau prédoctoral. Ce sont plutôt l’expertise et les circonstances locales qui orienteront en définitive la sélection des patients pour les séances de formation. Des facteurs comme les connaissances ou l’habileté qui sont enseignées ou évaluées, la disponibilité de vrais patients et les coûts en cause avec des PS ou des patients bénévoles influenceront le choix des patients comme ressources.
Acknowledgments
Nous remercions Diana Tabak de son aide dans la rédaction de cet article.
Notes
CONSEILS POUR L’ENSEIGNEMENT
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Tant les patients standardisés (PS) que les vrais patients sont des ressources qu’il est approprié d’utiliser pour enseigner les habiletés cliniques. Dans le choix du type de patient à utiliser, tenez compte des ressources disponibles dans votre établissement, des coûts et de la logistique.
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Harmonisez le type de patient avec les objectifs de la séance d’enseignement; par exemple, si la séance porte sur les communications difficiles, il peut être préférable d’utiliser un PS.
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Les cliniciens enseignants servent de modèles de rôles et doivent faire preuve d’un comportement professionnel envers tous les patients, quel que soit leur type (p. ex. PS, patient réel ou patient bénévole).
Occasion d’enseignement est une série trimestrielle publiée dans Le Médecin de famille canadien et coordonnée par la Section des enseignants du Collège des médecins de famille du Canada. La série porte sur des sujets pratiques et s’adresse à tous les enseignants en médecine familiale, en insistant sur les données probantes et les pratiques exemplaires. Veuillez faire parvenir vos idées, vos demandes ou vos présentations à Dre Miriam Lacasse, coordonnatrice d’Occasion d’enseignement, à Miriam.Lacasse{at}fmed.ulaval.ca.
Footnotes
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the July 2014 issue on page 674.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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