
Récemment, on m’a fait part de commentaires et de questions au sujet des soins hospitaliers en médecine familiale qui m’ont préoccupée. Des collègues m’avouent qu’ils doivent fonctionner à distance du système des soins de courte durée pour de multiples raisons, dans certains cas à cause de leurs propres circonstances, mais dans d’autres, à la suite de décisions administratives au sein de leur système hospitalier. On m’a à maintes reprises confrontée à la question suivante: Les médecins de famille peuvent-ils continuer à soigner des patients à l’hôpital tout en pratiquant en milieu communautaire?
Ce qui est encore plus troublant me vient d’un commentaire exprimé par un administrateur d’hôpital, qui m’a été rapporté par un collègue. L’administrateur a dit à mon confrère qu’il ne permettait plus à des «médecins transitoires d’admettre des patients dans son hôpital». Cette situation m’a attristée car elle ne concorde pas avec la façon dont je conçois les interactions des patients avec le système de santé. Je dirais même que pour la plupart de nos patients, c’est le contact avec le milieu des soins de courte durée qui constitue en réalité la partie transitoire de leurs soins de santé tout au long de leur vie.
L’hôpital peut être un endroit complexe et déroutant pour les patients et leur famille. En tant que professionnels de la santé formés dans cet environnement et qui interagissent régulièrement avec lui, nous pouvons perdre de vue cet aspect. C’est ce que ma mère m’a rappelé lorsqu’elle m’a parlé d’une amie qui a récemment fait un séjour prolongé et compliqué à l’hôpital. Elle m’a raconté, entre autres, que les membres du personnel qui changeaient constamment ne semblaient jamais avoir le temps de répondre à ses questions, qu’elle passait des tests sans en avoir les résultats et qu’elle ne savait même pas lequel des médecins qui venaient la voir était celui qui s’occupait d’elle en définitive, ni quand l’un d’entre eux reviendrait à son chevet. Même si j’ai donné à ma mère une explication du système à chacune de ces préoccupations, elle m’a répondu: «Même s’il y a une raison pour tout expliquer, mon amie ne se sent pas mieux ou ne sait pas plus ce qui se passe pour autant».
L’un des éléments importants du rôle de promoteur de la santé en médecine familiale est d’aider les patients à naviguer dans notre complexe système de santé. Beaucoup de gens compétents et qualifiés avaient participé aux soins dispensés à l’amie de ma mère, mais personne ne connaissait vraiment ses antécédents médicaux ni ne savait combien elle était en santé et indépendante quelques mois avant d’être hospitalisée. Il manquait quelqu’un qu’elle connaissait et en qui elle avait confiance pour s’asseoir avec elle et lui expliquer ce qui se passait.
J’ai un certain nombre d’amis et de collègues médecins de famille qui sont hospitalistes dans diverses régions du pays. Certains pratiquent comme membres d’une équipe, tandis que d’autres agissent comme médecins principalement responsable. Je respecte énormément le travail qu’ils font et reconnais le degré de complexité et d’acuité des problèmes des patients qu’ils soignent. Je suis également contente qu’ils appliquent les principes de la médecine familiale aux soins à leurs patients. Ce sont de précieux enseignants qui démontrent comment les 4 principes peuvent être intégrés dans des circonstances de soins ponctuels. Je connais aussi de nombreux médecins de famille au Canada qui offrent des soins efficaces et sécuritaires à leurs propres patients hospitalisés, parfois comme uniques médecins traitants dans la communauté ou encore avec le soutien de collègues et de consultants. Ce n’est pas toujours le travail le plus facile ni le plus simple, mais bon nombre d’entre eux disent que c’est un aspect important et gratifiant de leur pratique.
Dans une recherche documentaire sur les médecins de famille urbains dans les hôpitaux, j’ai trouvé peu d’articles comparant les médecins de famille en pratique communautaire avec ceux qui travaillent dans les hôpitaux. Dans ceux que j’ai trouvés, les chercheurs n’avaient pas constaté de différences considérables entre eux sur le plan de la durée du séjour, des coûts ou des réadmissions pour des groupes semblables de patients. Une recension portant sur l’expérience des patients lorsqu’ils étaient admis par des médecins de famille communautaires a cerné encore moins d’articles. Il semble y avoir un grand vide en matière de recherche sur les médecins de famille qui offrent des soins dans la communauté et à l’hôpital, pas seulement en fonction des paramètres étudiés jusqu’à présent, mais aussi en ce qui a trait à l’expérience et à la sécurité des patients.
Je soigne mes patients quand ils ont besoin d’être admis à l’hôpital et lorsque leurs besoins se situent dans le champ de mes compétences ou encore je les visite lorsqu’ils sont admis par d’autres médecins. Je peux le faire parce que je travaille avec une équipe de médecins et d’autres professionnels de la santé qui partagent mes convictions quant à l’importance de la continuité des soins à nos patients. Nous nous soutenons réciproquement dans la prestation de ces soins. J’espère pouvoir maintenir cet engagement et que le système de santé dans lequel nous pratiquons continuera à reconnaître la valeur des soins que nous dispensons avant, pendant et après l’admission. Je m’attends à ce que la bonne réponse à la question initiale dépende de la communauté et de l’individu en particulier, mais j’espère qu’il y aura toujours une place dans les hôpitaux pour les médecins qui s’occupent des patients pendant toute leur vie, sans obstacle et d’une manière sécuritaire et durable.
Footnotes
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This article is also in English on page 857.
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