La Dre Manca maintient que les dossiers médicaux électroniques (DME) ont eu des effets favorables sur les soins aux patients parce qu’ils permettent aux médecins de famille d’être mieux informés, qu’ils améliorent les relations avec les patients et le déroulement du travail1. Même si je ne suis pas en désaccord que les DME puissent avoir ces effets positifs, les données probantes au sujet des bienfaits de leur implantation demeurent conflictuelles et les améliorations aux DME ne se sont largement pas concrétisées. Avant tout, les données probantes étayant de manière constante qu’ils améliorent les résultats des patients se font rares2.
Je ne préconise certainement pas un retour aux dossiers en papier3. Il est essentiel d’avoir une infrastructure électronique d’information pour la transformation des soins primaires et de notre système de santé en général. J’ai insisté sur l’absence de bon nombre des soutiens appropriés pour actualiser une utilisation significative des DME de manière à ce qu’ils nous aident à dispenser de meilleurs soins, sur leur financement insuffisant et sur leur mise en œuvre limitée. Il semble que les mesures incitatives appropriées destinées aux fournisseurs, aux médecins et autres cliniciens, aux utilisateurs ultimes et aux organisations de santé sont inadéquates ou offertes de manière fragmentée et décousue d’une région à l’autre du pays. Les organisations qui offrent des services analytiques globaux centrés sur les DME, comme le Réseau canadien de surveillance sentinelle en soins primaires, jouent un rôle vital pour mesurer les progrès, mais elles sont sous-financées et n’ont pas assez de soutien à long terme. Les règlements régissant la protection des renseignements personnels, dont le but est d’assurer une intendance avisée des données, ne sont pas interprétés de la même façon selon la région, ce qui se traduit parfois pas une interdiction plutôt que par une intendance équilibrée4. Nos fournisseurs de DME ne se concurrencent pas entre eux sur la base de données probantes voulant que leur produit entraîne de meilleurs résultats chez les patients. Ils n’appuient pas non plus la recherche ni les initiatives stratégiques en soins primaires comme notre Centre de médecine de famille. Les fournisseurs de dossiers médicaux électroniques doivent être profitables pour survivre, mais la règlementation n’a pas associé leurs profits à des activités utiles comme la production de données pour appuyer l’amélioration de la qualité, la recherche ou la planification de programmes.
Les États-Unis se sont dotés d’une stratégie nationale pour promouvoir l’adoption de technologies de l’information sur la santé et leur utilisation judicieuse dans le cadre d’une loi appelée HITECH (Health Information Technology for Economic and Clinical Health), accompagnée d’un investissement fédéral considérable, le tout supervisé par un bureau de coordination nationale des technologies de l’information sur la santé. Il existe des normes qui définissent ce qu’est une utilisation significative et des mesures d’incitation pour s’y conformer. Le Canada n’a pas de telle loi. Inforoute Santé du Canada est financée pour faire des investissements utiles mais ponctuels dans les technologies de l’information sur la santé, mais n’a pas le mandat de faire respecter la conformité à des paramètres assurant une utilisation significative.
Les dossiers médicaux électroniques ne fonctionnent pas bien dans l’isolement. Jusqu’à ce qu’on convienne d’un meilleur système pour appuyer l’utilisation de l’information, qu’il soit financé et mis en œuvre, le vaste potentiel actuellement bloqué dans les DME demeurera inexploité.
Footnotes
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the October 2015 issue on page e436.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Ces réfutations sont les réponses des auteurs des débats dans le numéro d’octobre (Can Fam Physician 2015;61:846–9 [ang], 850–3 [fr]).
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