En 2015, le Programme éducatif canadien sur l’hypertension (PECH) a émis de nouvelles recommandations visant à améliorer la mesure de la pression artérielle (PA) et le diagnostic d’hypertension artérielle (HTA). Les recommandations et les données probantes à l’appui sont présentées ici.
Depuis que le PECH a commencé à émettre des recommandations annuelles sur le diagnostic et le traitement de l’HTA en 1998, le Canada s’est hissé en première place du meilleur traitement et de la meilleure maîtrise de l’HTA au monde1. Il reste cependant un nombre substantiel de patients qui ignorent être hypertendus, qui ont reçu un mauvais diagnostic ou dont le traitement est inadéquat.
Qualité des données
Une revue systématique remontant à août 2014 a été effectuée par un bibliothécaire de la Collaboration Cochrane dans les banques de données MEDLINE et PubMed. Les résultats de la recherche ont fait l’objet d’une évaluation crititque par le sous-comité du PECH sur la mesure de la PA et le diagnostic d’HTA, et les recommandations fondées sur les données probantes ont été soumises au Comité central d’examen du PECH aux fins d’examen indépendant et de classement. Finalement, les résultats et recommandations ont été présentés au Groupe de travail sur les recommandations aux fins de discussion, de débat, d’approbation et de vote. Les principales recommandations reposent sur des données probantes de niveau II.
Message principal
Nouvelles recommandations
Après une revue rigou-reuse et approfondie de la littérature médicale2, le PECH apporte en 2015 plusieurs changements aux recommandations portant sur la mesure de la PA et le diagnostic d’HTA1. Les nouvelles recommandations sont les suivantes :
La mesure de routine de la PA en clinique doit être faite à l’aide d’un appareil oscillométrique électronique (données de niveau II).
Si la PA d’un patient est élevée en clinique, il faut procéder à une série de mesures standardisées de la PA ambulatoires dans le but d’écarter le syndrome du sarrau blanc et d’identifier les patients qui sont réellement hypertendus (données de niveau II).
L’évaluation hors clinique doit de préférence être faite par monitorage ambulatoire de la PA (MAPA) sur 24 heures. Les mesures de la PA à domicile (MPAD) sont acceptables lorsque le MAPA est impossible ou n’est pas toléré par le patient (données de niveau II).
Si la PA moyenne ambulatoire est normale, il faut poser un diagnostic de syndrome du sarrau blanc. Les patients atteints de ce syndrome doivent subir une évaluation annuelle de la PA et ne doivent pas recevoir de traitement pharmacologique, quoiqu’un mode de vie sain doive toujours être encouragé (données de niveau II).
Un nouvel algorithme diagnostique (Figure 1)2 a été conçu pour refléter ces recommandations et il est distribué à tous les professionnels de la santé au Canada.
Mesure de la pression artérielle
À l’heure actuelle, il existe plusieurs méthodes de mesure de la PA. La mesure manuelle effectuée par un clinicien à l’aide d’un stéthoscope et d’un sphygmomanomètre au mercure ou anéroïde a été instituée en 1896 par Riva-Rocci. Sauf pour l’avènement du Velcro pour attacher le brassard, cette méthode n’a que très peu changé depuis 100 ans. Plusieurs études importantes menées dans les années 1940 et 1950 ont montré une corrélation étroite entre les mesures manuelles élevées de la PA, prises à l’aide de techniques standardisées soigneusement appliquées, et la hausse du risque cardiovasculaire. Malheureusement, plus de 30 études publiées depuis 30 ans ont montré encore et encore que ces techniques standardisées sont rarement suivies en pratique clinique de routine et qu’en conséquence, la plupart des mesures auscultatoires exécutées en pratique clinique sont inexactes3–6. Le plus souvent, ces mesures manuelles prises en clinique sont plus élevées, mais ce n’est pas toujours le cas. Pour ces raisons, le PECH recommande la mesure électronique de la PA comme méthode préférée d’évaluation de la PA en clinique.
La mesure électronique de la PA à l’aide d’une technique oscillométrique a été instituée dans les années 1960 et est maintenant omniprésente en pratique clinique. Plusieurs organisations ont créé des protocoles de validation visant à comparer ces appareils aux mesures manuelles standardisées dans le but d’en vérifier la précision7,8. Les appareils validés sont maintenant disponibles pour usage clinique et le MAPA sur 24 heures, de même que pour l’usage personnel des patients à domicile. Ces appareils éliminent bon nombre des erreurs liées aux mesures auscultatoires non standardisées (dégonflement rapide, arrondissement des résultats, etc.). Le principal avantage des appareils électroniques est que les mesures sont reproductibles et exactes lorsqu’elles sont validées.
Un type précis de mesure de la PA en clinique, connu sous le nom de mesures de la PA en clinique oscillométrique en série (MPAC-OS), utilise un appareil oscillométrique électronique qui est préprogrammé pour prendre automatiquement une série de mesures (3 à 6 mesures sur 4 à 7 minutes) et d’en calculer la moyenne. Lorsque cette technique est appliquée correctement, le patient est laissé seul dans la pièce. Il a été démontré que cette technique réduit significativement le syndrome du sarrau blanc (p < 0,001)9 et est plus étroitement corrélée au critère standard de la moyenne diurne de la PA ambulatoire sur 24 heures qui, à son tour, est positivement corrélée au risque d’événements cardiovasculaires indésirables9–11.
Les grandes différences entre ces 2 méthodes de mesure de la PA en clinique sont la présence ou l’absence du professionnel de la santé dans la pièce où se trouve le patient durant les mesures automatisées ou non de la PA en clinique, et la prise automatique de plusieurs mesures et le calcul de la moyenne (mesure automatisée) ou non (mesure de la PA en clinique). La limite supérieure de la moyenne des mesures automatisées de la PA est de 135 mm Hg pour la PA systolique et de 85 mm Hg pour la PA diastolique; la limite supérieure de la mesure de la PA en clinique est de 140 mm Hg pour la PA systolique et de 90 mm Hg pour la PA diastolique.
Syndrome du sarrau blanc
Le syndrome du sarrau blanc survient lorsque la PA des patients est élevée en clinique, mais normale hors clinique. Plusieurs études et méta-analyses des données tirées de ces études ont montré que le risque cardiovasculaire des patients atteints du syndrome du sarrau blanc est comparable à celui des patients normotendus12,13. Certains patients atteints du syndrome du sarrau blanc avéré seront atteints d’HTA réelle quelques années plus tard, mais beaucoup d’autres demeureront normotendus14,15. Les lignes directrices du PECH recommandent que les patients atteints du syndrome du sarrau blanc ne soient pas traités avec des médicaments16; mais leur PA doit être mesurée tous les ans et ils doivent être encouragés à adopter un mode de vie sain lorsque c’est cliniquement approprié.
Mesures ambulatoires
Au cours des dernières décennies, des dizaines d’études ont tenté de déterminer quelle méthode de mesure de la PA est le plus fortement corrélée aux résultats cliniques. La mesure ambulatoire de la PA s’est hissée au titre de méthode de choix17 en raison des nombreuses mesures prises dans l’environnement normal du patient, de même que de sa capacité unique de mesurer la PA durant le sommeil18–21. Une certaine expertise technique est nécessaire pour veiller à ce que le bon brassard soit placé correctement, la première mesure soit vérifiée et le rapport soit généré. Les patients doivent se présenter pendant 2 jours consécutifs pour installer et enlever l’équipement. Finalement, les cliniciens doivent être formés pour interpréter le rapport.
Exécutée correctement, la MPAD est une autre méthode d’évaluation de la PA chez un patient hors clinique lorsque le MAPA est inaccessible ou n’est pas toléré par le patient22–24. À cette fin, le PECH recommande une série de 2 mesures prises le matin et de 2 mesures prises le soir pendant 7 jours (soit 28 mesures au total). Il faut ignorer les mesures du premier jour et calculer la moyenne des mesures des jours 2 à 7. La limite supérieure de la normale pour la moyenne des MPAD est de 135 mm Hg pour la PA systolique et de 85 mm Hg pour la PA diastolique. Il est essentiel d’expliquer aux patients la bonne technique de mesure de la PA, dont s’asseoir sur un siège doté d’un dossier, jambes décroisées, les pieds au sol et le bras appuyé pour que le brassard soit au niveau du cœur. Une difficulté importante liée à la MPAD est que les patients font parfois des erreurs lorsqu’ils font rapport de leurs résultats. Il est donc important d’indiquer aux patients de rapporter toutes les mesures sans les modifier25. À cette fin, les appareils de MPAD avec mémoire et capacité d’impression ou de télémonitorage sont encouragés. Les professionnels de la santé jouent un rôle important dans l’éducation des patients. Du matériel de soutien créé par le PECH se trouve à l’adresse www.hypertension.ca/fr/.
Recommandations dans d’autres pays
Le groupe de travail du PECH n’est pas le seul à faire ces recommandations. En 2011, le National Institute for Health and Care Excellence du Royaume-Uni a recommandé le MAPA pour tous les patients chez qui l’HTA est soupçonnée afin de confirmer le diagnostic26. En décembre 2014, le Preventive Services Task Force des États-Unis a émis la même recommandation27. Ces agences ont effectué des recherches documentaires approfondies sur l’efficacité et le rapport coût-efficacité de cette approche. Au Canada, la Colombie-Britannique a publié récemment des lignes directrices de pratique clinique sur le traitement de l’HTA, lesquelles recommandent le MAPA pour confirmer le diagnostic d’HTA28.
Rôle du médecin de famille
C’est aux médecins de famille canadiens que revient en grande partie le mérite du taux élevé de traitement et de maîtrise de l’HTA au Canada. Il est crucial d’améliorer la précision du diagnostic afin d’optimiser encore plus la prise en charge de l’HTA, ce qui serait impossible sans l’engagement des omnipraticiens. Jusqu’à maintenant, l’adoption des appareils oscillométriques automatisés de mesure de la PA dans les pratiques canadiennes de soins primaires est relativement élevée; on ignore cependant si ces appareils sont utilisés de manière optimale. La disponibilité du MAPA est limitée en raison du coût lié à cette méthode et de l’absence de remboursement dans plusieurs provinces.
Afin d’atteindre notre objectif qui consiste à mieux diagnostiquer et maîtriser l’HTA, on encourage les médecins de famille à investir dans des appareils de mesure automatisée de la PA en clinique et de MAPA, et de les utiliser systématiquement et correctement en pratique clinique. Certains régimes provinciaux de santé remboursent déjà les appareils de MAPA, et d’autres provinces travaillent à établir de nouveaux codes de facturation. Un tableau des « pratiques exemplaires » a été créé par le PECH pour aider les fournisseurs de soins à exécuter et à interpréter le MAPA (Encadré 1)2, tout comme des tableaux semblables pour les mesures de la PA en clinique, la mesure automatisée de la PA en clinique et la MPAD, disponibles à www.hypertension.ca/fr/. Dans de nombreuses pratiques, la mesure de la PA, l’éducation des patients sur la MPAD et l’administration du MAPA sont assurées par le personnel infirmier et les pharmaciens; voilà une autre bonne raison d’appuyer la transition à des centres de médecine de famille dotés d’équipes médicales.
Protocole standardisé du MAPA :Les recommandations sont de grade D (fondées sur des études de piètre qualité ou l’opinion des experts)
Le Programme éducatif canadien sur l’hypertension émet les recommandations suivantes en matière de MAPA pour 2015.
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MAPA—monitorage ambulatoire de la PA, PA—pression artérielle, PAS—PA systolique.
Reproduit avec permission de Daskalopoulou et coll.2
Conclusion
Les médecins de famille et leur équipe ont un rôle important à jouer dans le dépistage et la prise en charge de l’HTA. Les recommandations 2015 du PECH veillent à ce que les médecins de famille continuent de recevoir de l’information à jour fondée sur les données probantes pour éclairer leur pratique clinique.
Notes
POINTS DE REPÈRE DU RÉDACTEUR
Chaque année, le Programme éducatif canadien sur l’hypertension (PECH) examine minutieusement la littérature médicale dans le but d’effectuer des mises à jour annuelles fondées sur les données probantes de ses lignes directrices sur l’hypertension artérielle afin que les praticiens disposent de renseignements actuels étayant la prise de décision clinique.
En 2015, le PECH émet 4 nouvelles recommandations portant sur la mesure de la pression artérielle (PA) et le diagnostic d’hypertension artérielle. Les recommandations touchent les évaluations en clinique et hors clinique, y compris la mesure ambulatoire de la PA et le monitorage de la PA à domicile.
Un algorithme diagnostique conçu par le PECH afin de refléter ces recommandations est fourni.
Footnotes
Cet article donne droit à des crédits Mainpro-M1. Pour obtenir des crédits, allez à www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro.
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
This English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the November 2015 issue on page 957.
Collaborateurs
Tous les auteurs ont contribué à la formulation des recommandations et à la préparation du manuscrit aux fins de soumission.
Intérêts concurrents
Le Dr Gelfer a déjà reçu des honoraires de consultation de BpTRU, Microlife et PharmaSmart. Le Dr Dawes a reçu des subventions de recherche d’AstraZeneca, de Pfizer, de Janssen, de Merck, de Roche et de GlaxoSmithKline. Aucun financement n’a été reçu pour la préparation de cet article.
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