Les patients aux prises avec de nombreuses maladies présentent un défi considérable pour les médecins de famille. Il existe très peu de recherche sur les soins dispensés à ce type de patients bien qu’ils représentent plus de 50 % de la charge professionnelle des médecins de famille1,2. Les études cliniques se concentrent habituellement sur une seule maladie et excluent souvent les patients qui souffrent de maladies multiples, ce qui complique la prise de décisions concernant les soins à ce type de patients2. La plupart des lignes directrices publiées traitent d’une maladie spécifique, et peu d’entre elles se penchent sur les soins aux patients ayant des maladies concomitantes3,4. Les médecins de famille n’ont pas la possibilité de pratiquer en fonction d’une seule maladie et doivent élaborer une approche pour prendre en charge des patients aux prises avec plusieurs problèmes de santé.
Plus le nombre de patients atteints de comorbidités multiples augmente, plus il est nécessaire que la formation médicale traite de ces problèmes. Certains ont fait valoir que la durée des programmes de résidence en médecine familiale devra passer de 2 ans à 3 ans afin de mieux préparer les stagiaires à soigner les patients ayant plusieurs maladies chroniques5. Une évaluation préliminaire d’un sondage que nous avons distribué aux directeurs canadiens de stages cliniques en médecine familiale suggère que la plupart des cursus des programmes ne comportent pas d’objectifs d’apprentissage reliés aux comorbidités multiples (W.E. Osmun, G.P. Kim, E.R. Harrison, L. Boisvert, données non publiées, 2014).
Nous avons conçu une méthode simple pour enseigner aux étudiants en médecine et aux résidents l’approche à adopter avec les patients souffrant de plusieurs maladies. Notre méthode est très simple sur le plan technologique, ne nécessitant que des bouts de papier et quelques sacs. Ainsi, elle peut être utilisée pratiquement partout.
Les précepteurs ou les étudiants écrivent le nom de maladies chroniques sur des bouts de papier. Ces derniers sont placés dans un sac sur lequel est inscrit chroniques. Les précepteurs ou les étudiants écrivent ensuite le nom de maladies aiguës courantes sur des bouts de papier qu’ils déposent dans un sac sur lequel est inscrit aiguës. On divise ensuite tableau blanc, un tableau noir ou une feuille de papier format légal en colonnes intitulées diagnostics, investigations, traitement, consultations, professionnels de la santé, surveillance, autres diagnostics et famille. Les étudiants pigent un diagnostic dans le sac intitulé chroniques (p. ex. diabète de type 2). Les étudiants écrivent le diagnostic et remplissent les colonnes suivantes, qui portent sur ses implications pour le patient, les autres professionnels de la santé et le médecin. En ayant à prendre en compte toutes les ramifications que la maladie impose au patient, l’étudiant ne doit pas seulement évaluer les possibilités pharmaceutiques, mais également les mesures de soutien offertes dans la communauté; les consultations, si nécessaires, à considérer; les investigations en laboratoire qui s’imposent et leur fréquence; et, ce qui est très important, mais souvent négligé, les répercussions de la maladie sur le patient et sa famille. Une fois ce processus complété, on pige une autre maladie dans le sac (p. ex. la dépression) et l’exercice est répété, mais à la lumière de la maladie initiale. Après avoir pigé 3 ou 4 maladies chroniques et avoir pris en considération les conséquences multiples, le précepteur peut piger dans le sac intitulé aiguës et ajouter, par exemple, un infarctus aigu du myocarde au mélange. Les soins du patient deviennent rapidement très compliqués, reflétant ainsi la réalité*.
Ces séances ont été très bien accueillies par les résidents, les étudiants et les autres professionnels de la santé. Elles sont très interactives, et nous faisons un tour de table pour demander à tous leurs commentaires—étudiants, professionnels de la santé et médecins membres du personnel. L’utilisation de toutes les formes de technologies est permise, qu’il s’agisse de manuels ou d’Internet. Nous avons constaté que des questions non anticipées surgissaient lors de telles séances (p. ex. la validité des lignes directrices). Étant donné l’accessibilité de plusieurs sites web présentant différents points de vue, nous devons nous attaquer aux controverses en matière de soins. De plus, et d’importance égale, cette méthode nous permet aussi d’explorer les ramifications des soins selon le point de vue du patient—par exemple la dépression comme résultat d’une maladie chronique, ses effets sur les soins et les ressources disponibles pour le patient dans la communauté. La surveillance est un aspect des soins pour maladies chroniques dont on fait souvent abstraction, et cette méthode d’enseignement nous a permis d’aborder des questions importantes, par exemple la fréquence de surveillance des niveaux de potassium et de créatinine lorsqu’un patient prend des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, les recommandations à cet égard, leur adaptation selon l’âge du patient et les données probantes, le cas échéant, qui appuient les recommandations.
Nous avons trouvé qu’il s’agit là d’un excellent outil d’enseignement, nécessitant peu de préparation de la part du précepteur ou de l’étudiant, et il a engendré des apprentissages et des discussions parmi les plus dynamiques que nous ayons connus lors des séances que nous avons animées. Nous encourageons les précepteurs en médecine familiale à en faire l’essai. Ce qui est fascinant avec cette méthode, c’est qu’on peut l’utiliser à maintes reprises, et chaque séance sera complètement différente!
Notes
CONSEILS POUR L’ENSEIGNEMENT
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Nous présentons ici une méthode simple pour enseigner aux étudiants en médecine et aux résidents l’approche à adopter avec les patients souffrant de maladies multiples. Des maladies aiguës et chroniques sont choisies au hasard et les étudiants doivent prendre en considération les conséquences multiples de la maladie pour le patient, le médecin et les autres professionnels de la santé. La méthode est simple sur le plan technologique puisqu’elle ne nécessite que des bouts de papiers et quelques sacs. Ainsi, elle peut être utilisée pratiquement partout.
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Parce qu’il doit tenir compte de toutes les incidences de la maladie sur le patient, l’étudiant n’évaluera pas seulement les possibilités pharmaceutiques, mais aussi les mesures de soutien offertes dans la communauté; les consultations, si nécessaires, à envisager; les investigations en laboratoire qui s’imposent et leur fréquence; et, ce qui est très important, mais souvent négligé, les répercussions de la maladie sur le patient et sa famille.
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Il s’agit là d’un excellent outil d’enseignement, qui requiert peu de préparation de la part du précepteur ou de l’étudiant, mais qui a engendré des apprentissages et des discussions parmi les plus dynamiques que les auteurs aient animés.
Occasion d’enseignement est une série trimestrielle publiée dans Le Médecin de famille canadien, coordonnée par la Section des enseignants du Collège des médecins de famille du Canada. La série porte sur des sujets pratiques et s’adresse à tous les enseignants en médecine familiale, en mettant l’accent sur les données probantes et les pratiques exemplaires. Veuillez faire parvenir vos idées, vos demandes ou vos présentations à Dre Miriam Lacasse, coordonnatrice d’Occasion d’enseignement, à Miriam.Lacasse{at}fmed.ulaval.ca.
Footnotes
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This article is also in English on page 378.
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↵* Un exemple des résultats de ce type de séance est disponible en anglais à www.cfp.ca. Consultez l’article intégral en ligne et cliquez sur CFPlus dans le menu qui se trouve dans le coin supérieur droit de la page.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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