Le Dr St Godard avance1 que le suicide médicalement assisté et l’euthanasie volontaire (SMAEV; j’éviterai toute suggestion d’euphémisme) ne sont pas dans le meilleur intérêt de qui que ce soit. En dernière analyse, ses arguments reposent sur une définition subjective du mot compassion, et sur un point de vue personnel quant au rôle de la médecine et de la souffrance. Je respecte son point de vue, mais je suis d’avis qu’il ne justifie pas l’interdiction sociétale du SMAEV.
En médecine, la compassion est une vertu fondamentale; cela dit, les opposants au SMAEV n’ont pas le monopole de la compassion, et les partisans de la légalisation ne sont pas simplement « trop occupés pour soigner1 » les patients. Je dirais même que les 84 % des patients qui appuient le SMAEV2 ne manquent pas de compassion pour eux-mêmes, et ils ne souhaitent pas faire en sorte qu’il soit plus facile pour les médecins de les « abandonner ». Ils donnent tout simplement un sens plus large au mot compassion, lequel respecte leur droit de décider jusqu’à quel point ils sont prêts à endurer la souffrance.
Tout comme le Dr St Godard, je pense que les soins de fin de vie sont trop médicalisés. Mais tous les traitements doivent être soupesés contre leur remplacement. Je trouve pénible l’idée qu’un patient se prévale du SMAEV, mais l’idée qu’il soit soumis à des souffrances non désirées et intolérables est encore plus pénible.
Je suis d’accord qu’une discussion sur les soins de fin de vie s’impose et nous devons nous efforcer d’éviter la mort « artificielle et désinfectée ». Moi aussi, j’ai été témoin de « résilience sans limite1 » et de réserves sans fin de « force intérieure jusque-là inconnue1 ». Bien que j’admire ces qualités, je ne les exige pas de mes patients et ne m’attends pas à ce qu’ils en fassent preuve. Certains conféreront une signification à leur souffrance, mais cela ne signifie pas que tous soient forcés à le faire. Nous avons tous été témoins de décès marqués par une souffrance humainement intolérable. Heureusement, ces décès se font rares, mais il est impossible de prédire qui en sera affecté.
Je reconnais que le Dr St Godard et moi avons des points de vue différents quant à la définition du mot compassion, et au rôle de la médecine et de la souffrance. Grâce à la Cour suprême du Canada3, lui et moi pouvons dormir tranquilles sachant que nos soins de fin de vie refléteront nos propres valeurs et non pas celles imposées par autrui.
Footnotes
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the April 2015 issue on page e174.
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Ces réfutations sont les réponses des auteurs des débats dans le numéro d’avril (Can Fam Physician 2015;61:314–8 [ang], 320–5 [fr]).
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Intérêts concurrents
Le Dr Downar est coprésident du Physicians Advisory Council of Dying with Dignity Canada, une organisation sans but lucratif qui préconise de meilleurs soins en fin de vie et le droit à une assistance médicale à mourir.
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