
Les professionnels qui oeuvrent en santé des enfants, en soins primaires, en santé mentale, dans les services sociaux et dans les forces de l’ordre contribuent tous à la reconnaissance de la maltraitance des enfants et à la réponse à ce problème. Dans tous les secteurs, les enfants qu’on soupçonne d’être mal traités ne sont pas assez signalés aux agences de protection de l’enfance. C’est parce qu’on ne sait pas comment reconnaître les signes de maltraitance des enfants et la rapporter, et qu’on a l’impression que le signalement fera plus de tort que de bien. Pour y remédier, il faudrait de la formation, des questionnaires à ce sujet destinés aux enfants et aux parents, et des lignes directrices fondées sur des données probantes pour identifier qui devrait être évalué1.
Les médecins de famille sont inévitablement confrontés à la douleur. Parfois, nous sommes personnellement affectés par ce que nous voyons et entendons, et cette souffrance nous cause de la détresse. Personne n’est immunisé, car c’est la réalité de nos relations avec nos patients. Nous devons être à l’affût des signes et encourager les récits difficiles par notre réceptivité. Nous ne devons pas oublier que notre propre histoire peut influer sur nos réactions et nous faire vivre les mêmes sentiments que nos patients.
Tous les récits de maltraitance nous émeuvent, surtout la violence sexuelle ou autre faite aux enfants. La détresse qu’ils suscitent en nous augmente la probabilité de nos interventions. Internet est un nouvel environnement propice aux comportements abusifs envers les enfants, alors que les pressions du système de santé réduisent le temps que nous pouvons consacrer aux patients pour explorer activement les facettes les plus douloureuses et souvent cachées de leur vie.
Qu’avons-nous comme ressources pour aborder ces situations? L’attention plus grande à la santé mentale, l’intégration des enseignants, des services sociaux et des psychologues, les soins partagés avec les psychiatres sont tous utiles, mais j’ai récemment pris connaissance d’une autre ressource nationale vitale : le Centre canadien de protection de l’enfance. Ce service, appuyé personnellement par la ministre de la Santé, a pour thème « Aider les familles. Protéger les enfants ». Les employés du Centre reçoivent les signalements d’exploitation sexuelle des enfants et acheminent les appels vers les sources d’aide ou d’information appropriées. Je les ai rencontrés ainsi que le personnel d’organisations homologues vouées à la lutte contre la maltraitance des enfants. Les statistiques qu’on m’a communiquées sont préoccupantes :1 enfant sur 10 sera abusé sexuellement avant l’âge de 18 ans, dont 1 fille sur 7 et 1 garçon sur 25; selon les estimés, 7 à 12 % des enfants sont victimes d’agressions sexuelles2. Selon Statistique Canada, 55 % des cas d’agression sexuelle signalés à la police en 2012 avaient pour cibles des enfants de moins de 18 ans, l’accusé étant dans la plupart des cas une connaissance (44 %) ou un membre de la famille (38 %)3. Selon Cybertip.ca, qui reçoit les dénonciations d’exploitation en ligne au Canada, 82 % des images montraient des moins de 12 ans, 57 % des moins de 8 ans, 35 % de toutes les photos dépeignaient des agressions graves et 83 % visaient des filles3.
Il n’est pas prouvé que les efforts de dépistage des abus sexuels réduisent les préjudices, mais les experts présents ont mentionné que ce pourrait être explicable par l’absence de programmes coordonnés d’intervention après la détection. Il est certainement approprié et impératif pour les médecins de famille de détecter les cas en se fondant sur leurs observations malgré le doute quant à la valeur du dépistage. Voici quelques ressources utiles pour ce faire :
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Les abus pédosexuels, ça vous concerne définit l’abus sexuel et les comportements afférents, donne des conseils sur la réduction du risque et la façon de répondre aux interactions bizarres avec des enfants. Il présente des exemples concrets de ce à quoi peut ressembler l’aveu d’un enfant2.
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Une trousse Priorité Jeunesse Sports destinée aux parents et aux organismes porte sur la protection des enfants dans les milieux sportifs et un autre programme de Priorité Jeunesse s’adresse aux organismes pour les aider à cerner et prévenir l’abus pédosexuel dans divers milieux (www.commit2kids.ca/app/fr/).
Certains signes révélateurs sont particulièrement pertinents pour les médecins de famille : aucune manifestation d’émotions, une tristesse ou une inquiétude excessive, une agressivité extrême ou des comportements à risque, une résistance soudaine à être seul avec une personne dont la compagnie était auparavant agréable, une hostilité inattendue envers les proches.
En plus du lien mentionné ci-haut à l’intention des parents et des organismes, en voici un autre susceptible d’intéresser les médecins de famille, qui mène aux ressources du Centre canadien pour la protection de l’enfance : www.kidsintheknow.ca/app/fr/index.
La vigilance dans nos pratiques est essentielle pour nos patients, leurs enfants et les nôtres, la santé et l’avenir de nos communautés. C’est un appel à la protection, à la défense des intérêts et à la responsabilité sociale envers les enfants. J’espère seulement que dans vos efforts cliniques de dépistage, il n’y ait rien à découvrir.
Footnotes
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This article is also in English on page 477.
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