
En 35 ans et plus de relations avec le Collège, je n’ai jamais vu un climat posant autant de défis à notre discipline. Durant la première partie de ma présidence, j’ai eu le privilège de rencontrer des enseignants, des doyens et des chefs de département, des représentants de ministères et d’organisations de la santé, des membres du public et de nombreux médecins de famille.
Plusieurs thèmes récurrents méritent réflexion. Certains sont controversés, mais tous exigent votre sagesse. Ils gravitent autour des changements systémiques rapides, du vieillissement des patients, des réductions budgétaires, des attentes grandissantes du public, de la complexité médicale, de la surveillance règlementaire et de la difficulté à suivre ce rythme. Des pressions semblables à celles de la pratique, comme la transition des soins, la connaissance des populations desservies, l’accès aux ressources et l’amélioration de la qualité, se retrouvent aussi en médecine familiale universitaire aux prises avec la transition des résidents, les apprentissages spécifiques aux populations, la formation interdisciplinaire et l’acquisition des compétences. Les frontières entre la médecine familiale clinique et universitaire se chevauchent de plus en plus à mesure que l’enseignement devient la norme et l’apprentissage continu, une exigence. Les distinctions ont maintenant peu de pertinence.
Je vous propose ici certains des thèmes susceptibles de susciter des questions concernant l’évolution de notre discipline :
La médecine familiale doit être rentable. Nous comptons parmi les divers professionnels de la santé, et la valeur que nous apportons doit être claire et bien comprise. Nous devons définir expressément notre discipline ainsi que la formation et le développement professionnel continu qui la soutiennent.
Collectivement, nous devons viser des « soins complets », épouser les modèles d’accès anticipé et autres efficiences, sans pour autant empêcher les pratiques ciblées. Les collègues qui ont de telles pratiques doivent être intégrés dans les milieux qui dispensent des soins complets pour que cette plénitude réponde aux besoins de la communauté. Il se peut que les pratiques ciblées deviennent une étape ultérieure d’un continuum professionnel : commencer par se mouiller dans les soins complets, faire le « dur labeur » en offrant tous les services et enfin, mais pas nécessairement, cibler la pratique en fonction des besoins ou des intérêts. Nous devons répondre aux besoins en soins primaires de toutes les communautés, et en soins secondaires et parfois tertiaires dans certaines collectivités. Ce serait une réplique convaincante aux gouvernements qui imposent des exigences aux médecins de famille.
Notre cursus et notre formation doivent s’harmoniser globalement avec les besoins sociétaux et spécifiquement avec les besoins communautaires. Beaucoup m’ont parlé d’un manque possible de connexion entre le modèle universitaire et les besoins en services de santé. Certains s’inquiètent que les compétences cliniques acquises ne préparent pas adéquatement les résidents pour la pratique et que la médecine rurale, de plus en plus impliquée dans l’enseignement, soit sous-représentée dans l’infrastructure universitaire et la conception du cursus. Les départements de médecine familiale sont mis au défi de répondre à ces préoccupations, mais les solutions pourraient ne pas être de leur ressort immédiat.
L’accès à une 3e année de formation avancée directement après la résidence, sans avoir consolidé ses compétences par la pratique et sans que soit cerné un besoin précis permettant de justifier la formation additionnelle, en inquiète plusieurs. On préconise de plus en plus de faciliter plutôt le retour aux études en fonction des besoins de la communauté et de la pratique. De plus, certains nouveaux diplômés se sentent anxieux de quitter leur milieu pour affronter un monde de complexité médicale et de surveillance professionnelle accrues. Faudrait-il une résidence plus longue pour rassurer les diplômés quant à leur état de préparation à la pratique complète, tout en facilitant davantage le retour aux études en fonction des besoins communautaires?
De meilleurs paramètres nous permettraient de mesurer notre travail, sa valeur et ses contextes. Nos homologues américains ont tiré profit de telles mesures qui les ont mieux préparés à négocier avec les gouvernements et les sources de financement et pour ajuster leur formation.
Étant donné que c’est dans les provinces que tout se joue, les relations avec nos sections provinciales doivent être dynamiques et se renforcer mutuellement.
Ces thèmes m’interpellent personnellement. Nous les ignorons à notre propre péril. Nous devons délibérer, décider et agir. Les changements récents au CMFC nous préparent à ces décisions difficiles : la structure de gouvernance proposée qui nous permettrait de consulter nos membres et d’agir, et le projet de Comité de la spécialité de la médecine familiale pour de meilleurs liens entre le monde universitaire et les réalités de la pratique. Plus que jamais, nous avons besoin de la sagesse de nos membres, actualisée par notre personnel, nos sections et nos comités dévoués.
Ces propos s’inspirent de ma présentation à l’assemblée du conseil en mai. Le lendemain, le conseil, accompagné d’invités du Collège royal et des ordres de médecins canadiens, a entrepris de définir une vision de la médecine familiale en 2025. L’exercice a produit des idées audacieuses et des orientations visant une médecine familiale forte, pertinente et influente. Aucune décision n’a été prise. Je vous communiquerai ces idées sous peu et solliciterai vos réflexions et votre rétroaction.
Footnotes
This article is also in English on page 645.
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