Le virus de l’hépatite E (VHE) est un agent infectieux émergent qui cause des hépatites virales aiguës partout dans le monde1. Chaque année, on estime que plus de 20 millions de cas d’infections au VHE sont déclarés chaque année à l’échelle mondiale, causant environ 70 000 décès1. Le virus de l’hépatite E a été observé pour la première fois en 1978 durant une épidémie dans la vallée du Cachemire, au nord de l’Inde, alors que 52 000 cas d’hépatite ont causé 17 000 décès2.
L’hépatite E est un virus à ARN monocaténaire ayant 4 génotypes, dont les génotypes 1 et 2 infectent exclusivement les humains et peuvent mener à des VHE endémiques ou à des épidémies dans les pays ayant des systèmes sanitaires médiocres. Les génotypes 3 et 4 peuvent infecter les humains, les porcs et d’autres animaux et causer des infections sporadiques autant dans les pays développés que dans les pays en développement3. La distribution du VHE est dispersée partout sur la planète. Le génotype 1 est plus commun en Asie, en Afrique et en Amérique latine, tandis que le génotype 2 est plus commun en Afrique subsaharienne et au Mexique. Les génotypes 3 et 4 peuvent infecter autant les populations médicalement vulnérables que celles en santé et sont, la plupart du temps, détectés lors de cas sporadiques dans des pays développés4,5.
De plus en plus de données probantes démontrent que le VHE est un important facteur de morbidité et de mortalité maternelles en Asie du Sud-Est, particulièrement si l’infection se produit durant le troisième trimestre et qu’elle est de génotype 16,7.
L’hépatite E est un pathogène présent dans l’eau qui se transmet par voie oro-fécale, principalement par l’ingestion d’eau contaminée par des matières fécales. La transmission directe d’une personne à une autre est peu commune8. La période d’incubation se situe entre 15 et 64 jours avec une moyenne de 6 semaines9. Le virus a un taux de transmission verticale de 50 %7,10.
Durant la grossesse
L’infection à l’hépatite E durant la grossesse, lors du troisième trimestre et particulièrement avec le génotype 1, est associée à une infection plus sévère et peut mener à une insuffisance hépatique fulminante et au décès maternel11–13. Même si le mécanisme de la lésion hépatique n’a pas encore été élucidé, il est possible qu’une interaction de changements hormonaux et immunologiques durant la grossesse, en plus d’une charge virale élevée de VHE, rendent la mère plus vulnérable14. Les changements immunologiques durant la grossesse favorisent le maintien du fœtus dans l’environnement maternel par la suppression de l’immunité induite par les lymphocytes T, ce qui rend la femme enceinte plus susceptible de contracter des infections virales telles que le VHE. Durant la grossesse, les taux de progestérone, d’œstrogène et de gonadotrophine chorionique humaine augmentent au fur et à mesure que la grossesse progresse. Ces hormones jouent un rôle considérable dans l’altération de la régulation immunitaire et dans l’augmentation des réplications virales15.
Une infection à l’hépatite E de génotype 1 durant le troisième trimestre peut mener à la mortalité maternelle dans 15 à 25 % des cas16. La plupart des études qui démontrent des taux élevés de mortalité maternelle proviennent de l’Inde, où l’infection a tendance à se transformer en épidémie. Il y a un risque très élevé de transmission verticale du VHE de la mère au fœtus. Durant une épidémie à Delhi, une étude effectuée en milieu hospitalier a révélé que l’infection au VHE était associée avec les fausses couches, la mortalité à la naissance ou les décès néonataux chez 56 % des nourrissons6. Une étude récente1 révèle que l’infection au VHE pourrait être responsable de 2400 à 3000 décès à la naissance chaque année dans les pays en développement. Il y a aussi plusieurs décès fœtaux liés aux décès maternels prénataux11. Il existe un risque très élevé d’accouchement prématuré dont les taux de survie néonataux sont très faibles chez les enfants de femmes enceintes qui ont le VHE11,17. Deux études distinctes effectuées en Inde ont démontré que de 15 à 50 % des enfants nés vivants de mères porteuses du VHE sont décédés durant la semaine suivant leur naissance11,18. Durant une épidémie au Soudan de 2010 à 2011, parmi 39 femmes enceintes porteuses du VHE, 14 d’entre elles ont vécu des décès intra-utérins et 9 d’entre elles des accouchements prématurés19.
Allaitement
L’allaitement est considéré comme sécuritaire pour les femmes asymptomatiques infectées par le VHE malgré la présence d’anticorps anti-VHE et de VHEARN dans le colostrum. Par ailleurs, il est considéré comme non sécuritaire si la mère a une maladie hépatique aiguë ou une augmentation de la charge virale. Dans ces cas, les préparations de lait maternisé sont recommandées puisqu’il y a une possibilité de transmission par le lait maternel ou par les lésions des mamelons lors de la succion20,21.
Prévention
Actuellement, il n’existe aucun vaccin contre le VHE disponible sur le marché en Amérique du Nord. Un vaccin contre l’hépatite E utilisant des protéines de capsides de recombinaison a été reconnu comme étant sécuritaire et efficace pour la population adulte générale lors des étapes 2 et 3 des essais cliniques22,23. Le vaccin recombinant contre l’hépatite E, soit le premier vaccin prophylactique contre le VHE, a été approuvé en Chine en décembre 201124. Les femmes qui voyagent dans des pays où le VHE est endémique devraient suivre attentivement les consignes sur les aliments et sur l’eau, telles que ne boire que de l’eau en bouteille, ne pas utiliser de glaçons, éviter les fruits et les légumes non pelés et laver leurs mains, les fruits et les légumes vigoureusement avec de l’eau potable avant de manger25.
Conclusion
L’hépatite E résulte d’une mauvaise hygiène et peut être prévenue en ayant de bonnes pratiques d’hygiène, en manipulant les aliments de façon appropriée et en buvant de l’eau potable. L’infection à l’hépatite E durant la grossesse, particulièrement durant le troisième trimestre et de génotype 1, a des issues plus graves qui peuvent mener à une hépatite fulminante et augmenter les risques de mortalité maternelle et fœtale. Il est relativement sécuritaire pour les femmes porteuses de l’hépatite E d’allaiter, sauf celles qui présentent des symptômes, à qui on conseille de ne pas allaiter.
Notes
MOTHERISK
L’équipe de Motherisk au Hospital for Sick Children à Toronto, en Ontario, prépare les réponses aux questions à Motherisk. La Dre Chaudhry est titulaire d’une bourse de recherche en pharmacologie clinique et en toxicologie au Programme Motherisk. Le Dr Verma était un observateur au Programme Motherisk. Le Dr Koren est fondateur du Programme Motherisk.
Avez-vous des questions concernant les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les femmes enceintes ou qui allaitent? Nous vous invitons à les poser au Programme Motherisk par télécopieur au 416 813–7562; nous y répondrons dans de futures Mises à jour de Motherisk. Les Mises à jour de Motherisk publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca) et dans le site web de Motherisk (www.motherisk.org).
Footnotes
Cet article donne droit à des crédits Mainpro-M1. Pour obtenir des crédits, allez à www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the July 2015 issue on page 607.
Intérêts concurrents
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