À première vue, il n’y a pas grand-chose en commun entre des pneus de 10 plis pour un Ford F-350 Super Duty 4 roues motrices avec moteur au diesel et un rapport publié récemment intitulé « First Peoples, Second Class Treatment »1.
Posez la question à ce sujet au Dr John Pawlovich et il vous donnera une réponse éloquente à propos de la prestation des soins de santé dans les collectivités nordiques isolées des Premières Nations, dont l’état de santé compte parmi les pires au Canada. « Je suis souvent horrifié que des personnes dans ce pays vivent dans les conditions observées dans les réserves. Il est honteux que, dans un pays si riche, de telles disparités persistent. Passez une semaine dans une réserve et vous ne penserez plus jamais de la même façon. »
Selon Pawlovich, si on espère changer un système de santé de plus en plus documenté par les données probantes comme incapable de répondre aux besoins des peuples autochtones et de réduire considérablement les disparités sur le plan de la santé entre les Autochtones et les autres Canadiens, les médecins doivent radicalement repenser comment et où sont dispensés les soins de santé.
La nouvelle approche exigera probablement de gros camions munis de pneus adaptés aux plus rudes routes forestières de gravier.
Elle demandera aussi de revoir notre compréhension des peuples et des communautés autochtones, de même que reconnaître en premier lieu la résilience et les forces de peuples qui sont, selon Pawlovich, « le tissu de ce pays. Le Canada est fondé sur une relation avec les peuples autochtones. Nous en avons tant à apprendre ».
« Nous devons dispenser les soins de santé là où ils sont les plus nécessaires, observe Pawlovich, parce que les gens ont besoin de leur médecin de famille là où ils vivent. » Pour Pawlovich, qui exerce depuis plus de 2 décennies, si les soins de santé au Canada réussissent un jour à véritablement redresser les iniquités en santé dont souffrent les Premières Nations du pays, un changement de taille doit se produire dans la façon dont les peuples autochtones sont considérés et compris. « Parce que les frontières traditionnelles entre les personnes ne sont pas les mêmes dans les réserves et avec les Autochtones, les soins de santé doivent aussi prendre d’autres formes. »
Pawlovich réfléchit beaucoup aux évaluations plus critiques de la manière dont les peuples autochtones sont traités dans le système de santé au Canada et convient que « nous sommes encore témoins de questions condescendantes posées à des patients autochtones, de yeux levés au ciel, d’impatience, et nos étudiants en médecine imitent ces comportements ». Le changement, selon Pawlovich, se situe dans l’établissement de relations avec les peuples et les collectivités autochtones, d’un océan à l’autre : « Nous devons voir les peuples autochtones sous un angle différent, passer du temps avec eux, dans leurs maisons et leurs communautés, là où ils se présentent avec leurs symptômes. En participant à la vie de nos patients, en nous concentrant sur les relations longitudinales, nous comprenons et nous sommes compris sous un autre angle et nous pouvons pratiquer la médecine différemment. »
Participer différemment à la vie des Premières Nations isolées dans la région nordique de la Colombie-Britannique signifie aussi une pratique différente. Pawlovich passe 1 semaine par mois dans les communautés qu’il dessert. Le reste de sa pratique se fait par télémédecine, une façon de travailler, comme l’explique Pawlovich, « composée de messages textes, de téléphones, de vidéoconférences, permettant aux patients de parler avec un médecin en qui ils ont confiance, qu’importe là où ils sont. Les tenants de la médecine conventionnelle veulent « faire » de la médecine dans les limites des conventions classiques. Notre travail est de changer la prestation réelle des soins de santé et la télésanté doit faire partie de cet éventail de soins ».
Le travail de Pawlovich en laisse encore des sceptiques : ceux qui s’inquiètent que des patients soient oubliés ou, pire encore, maltraités, forçant ainsi d’autres à combler les lacunes causées par un médecin de famille qui dispense la plupart de ses soins virtuellement. « Tout est possible, admet Pawlovich, mais maintenant, nous rencontrons les gens là où ils sont, ce qui est synonyme de responsabilité sociale et de services pour eux. Si un aîné tombe malade, les gens de la collectivité savent à qui faire appel et c’est une personne qu’ils connaissent et en qui ils ont confiance. »
Il n’y a pas eu de moment tournant où le Dr John, comme l’appelle la population dans les 5 petites réserves isolées, dispersées sur 200 000 km2 dans la région centre-nord de la Colombie-Britannique, a décidé de pratiquer la médecine familiale différemment et de consacrer entièrement sa pratique aux collectivités marginalisées des Premières Nations. Il travaille avec divers collaborateurs et moyens, qu’il s’agisse d’équipes d’infirmières praticiennes ou de Skype, de spécialistes qui voyagent dans ses camions à 4 roues motrices, en passant par des étudiants en médecine qui se rendent en hélicoptère à travers le brouillard et la neige pour visiter les communautés où il aime jouer au basketball.
« En cours de route, une graine a été semée. À mesure que j’ai pris de la maturité, je me suis rendu compte que le sens de la médecine est de faire une différence. Avant, j’aimais les « trucs sexy », un tas de procédures. Maintenant, je sens que ma boussole se tourne vers des aspects comme [les déterminants de la santé] les relations avec les patients, l’amélioration des points d’accès aux soins, vers de petites différences apportées dans les grandes vies des personnes habitant les endroits isolés de notre pays. »
PHOTO D’ARRIÈRE-PLAN : Old Fort durant l’été.
PHOTOS (EN HAUT, DE GAUCHE À DROITE) : Le Dr Pawlovich arborant un touladi du lac Takla.
Des enfants de Takla avec de jeunes médecins en formation : (de gauche à droite) Kenlynn West (en avant), Noah Abraham, Elissa Abraham, Nathan Teegee, Tamica West et le Dr Peter Eppinga.
Le Dr Pawlovich en compagnie de Jason Balczer jr et Gentry Balczer lors de la Journée des rivières de la Colombie-Britannique 2015 à Fort Babine.
PHOTOS (EN BAS, DE GAUCHE À DROITE) : Trista Joseph, une jeune « MD » de la Première Nation de Yekooche.
La Dre Erin Knight, Cynthia Munger et le Dr Pawlovich dans le jardin communautaire de Stellaquo.
Le Dr Pawlovich devant une cabine des aînés de Takla, à Hogum en C.-B.
Le Dr Pawlovich en compagnie de Julie Jacques et son bannock tout frais.
PHOTOS (DE HAUT EN BAS) : Le Dr Pawlovich et la Dre Bria Sharkey avec des joueurs de tambours et des danseurs de Tachet : Vaughan Michell, Summer Michell, Christian Issack, Jordan Johnson, Anthony George, Harley George et Caroline Michell.
Gloria Michell dans le fumoir de Tachet et Victor Tom utilisant l’équipement de télésanté.
La route du lac Babine.
PHOTOS (À DROITE)
Takla Landing en hiver.
La Clinique médicale de Yekooche.
PHOTOGRAPHES
Photo de la page couverture par la Dre Bria Sharkey.
Les autres photos ont été offertes par le Dr Pawlovich avec l’assistance généreuse de nombreux étudiants et résidents.
Le Dr Pawlovich souhaite remercier tous ceux qui apparaissent dans ces photos de leur contribution additionnelle à la richesse du récit.
Footnotes
Le Dr Pawlovich travaille auprès de la Régie de la santé du Nord de la Colombie-Britannique, avec l’appui des Services à la famille de Sekani, une organisation guidées par des aînés et vouée à la guérison et à la responsabilisation des familles autochtones qui résident dans le territoire de Carrier et Sekani.
Le Projet de la page couverture Le projet les visages de la médecine familiale a évolué pour passer du profil individuel de médecins de famille au Canada à un portrait de communautés des diverses régions du pays aux prises avec des iniquités et des défis omniprésents dans la société. Nous espérons qu’avec le temps, cette collection de pages couvertures et de récits nous aidera à améliorer nos relations avec nos patients dans nos propres communautés.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the January 2016 issue on page 68.
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada
Référence
- 1.↵