La bithérapie antiplaquettaire, composée d’acide acétylsalicylique (AAS) et d’un inhibiteur du récepteur P2Y12 (p. ex. clopidogrel, prasugrel ou ticagrelor) est recommandée après la pose d’un tuteur ou stent coronarien chez les patients souffrant d’un syndrome coronarien aigu (SCA)1. Ces 2 types d’antiplaquettaires fonctionnent selon des mécanismes différents pour inhiber l’agrégation de plaquettes et ainsi réduire le risque de thrombose. La durée habituelle de cette bithérapie après l’insertion d’un stent coronarien est de 12 mois1; par ailleurs, un certain nombre d’études récentes ont évalué si la prolongation du traitement au-delà de 1 an procurait des bienfaits additionnels2–5. Il a été démontré qu’une durée plus longue de la bithérapie réduisait le risque de thrombose de stent et d’un syndrome coronarien aigu se produisant en dehors du segment tuteuré en raison de la progression de la maladie3. Toutefois, ces bienfaits doivent être jaugés en fonction du risque de saignements majeurs associés à la bithérapie antiplaquettaire3.
Le présent article passera en revue les données probantes à l’appui d’une bithérapie antiplaquettaire prolongée après l’insertion d’un stent coronarien et répondra à des questions portant sur les bienfaits et les préjudices d’une thérapie prolongée, la reprise ou non de la bithérapie chez les patients qui ont des antécédents d’infarctus du myocarde, les antiplaquettaires à envisager dans un traitement de longue durée et les personnes qui ont besoin d’une protection gastrique.
M. C.P., un homme de 56 ans que vous connaissez, se présente à votre clinique pour vous poser des questions concernant un commentaire que lui a fait son cardiologue lors d’un récent rendez-vous de suivi. Il y a 15 mois, il a été admis à l’hôpital en raison d’un infarctus sans élévation du segment T. Il n’avait alors aucun antécédent de problèmes cardiaques et ne prenait pas de médicaments au moment de cet infarctus. Ses autres antécédents médicaux se limitaient à un ulcère gastrique causé par des anti-inflammatoires non stéroïdiens il y a plusieurs années, qui a été traité avec du pantoprazole pendant 8 semaines.
Durant son séjour à l’hôpital, on lui a implanté des stents pharmaco-actifs de deuxième génération (évérolimus) dans l’artère descendante antérieure gauche (les diamètres des 2 stents étaient > 3 mm). Après l’intervention, on lui a prescrit 75 mg/j de clopidogrel en combinaison avec 81 mg/j d’AAS entérosoluble, 10 mg/j de ramipril, 25 mg de métoprolol 2 fois par jour, 40 mg/j d’atorvastatine et 0,4 mg de nitroglycérine sublinguale en vaporisateur au besoin. On lui a dit de prendre le clopidogrel pendant 1 an et l’AAS le reste de sa vie. On a aussi recommencé son traitement au pantoprazole à raison de 40 mg/j en raison de ses antécédents d’ulcère gastrique.
Aujourd’hui, à l’examen physique, il n’a pas de détresse évidente. Sa pression artérielle est de 124/76 mm Hg et il pèse 85 kg. Il n’a pas eu d’épisode récurrent d’angine; une nouvelle épreuve d’effort sur tapis roulant a été effectuée et n’a révélé aucune anomalie, et sa fraction d’éjection se situait récemment à 55 %. Il se dit en bonne santé, mène une vie active et marche tous les jours. Les résultats de ses plus récents tests de laboratoire se sont tous révélés normaux, que ce soit au chapitre de la numération de la formule sanguine, des taux de glucose plasmique, de la fonction thyroïdienne et rénale ou des niveaux d’enzymes hépatiques. Les résultats de son bilan lipidique se lisent comme suit : cholestérol total de 2,64 mmol/l, taux de triglycérides de 1,04 mmol/l, taux de lipoprotéines de basse densité de 1,18 mmol/l et un taux de lipoprotéines de haute densité de 0,99 mmol/l. Il n’a pas eu de problème de saignement au cours des 15 derniers mois. Il ne fume pas et boit de 2 à 5 consommations d’alcool les fins de semaine. Il est marié, a 2 adolescents et travaille à plein temps dans un bureau.
Ses médicaments actuels demeurent inchangés, sauf pour le clopidogrel qui a été discontinué il y a 3 mois (1 an après la pose du stent). Le mois dernier, M. C.P. est allé à un rendez-vous de suivi avec son cardiologue. Durant cette visite, le cardiologue a mentionné que 1 an d’utilisation de clopidogrel était suffisant pour lui, mais il a fait allusion à de nouvelles données probantes en faveur d’une bithérapie plus longue. Le cardiologue a aussi fait référence à son « faible score » sur une sorte de calculateur. Aujourd’hui, M. C.P. aimerait savoir s’il devrait prendre à la fois de l’AAS et du clopidogrel, parce qu’il s’inquiète de subir un autre infarctus et que « 2 médicaments doivent être mieux que 1 seul ».
Les données probantes appliquées à la pratique
Plusieurs études récentes ont tenté de déterminer la durée idéale d’une bithérapie antiplaquettaire après l’implantation de stents coronariens2–12. Les durées évaluées étaient aussi courtes que 3 à 6 mois6–12,, surtout chez des patients ayant subi une intervention coronarienne percutanée élective sans SCA, et pouvaient s’échelonner jusqu’à 36 mois chez des patients souffrant du syndrome2–5. La durée idéale d’une bithérapie n’est toujours pas déterminée, mais la norme après une angioplastie demeure à 12 mois1,13. Pour plus de renseignements, consultez le bulletin de RxFiles et le graphique sur la bithérapie antiplaquettaire accessibles en anglais dans CFPlus*.
Après 12 mois, quels sont les avantages par rapport aux inconvénients d’une bithérapie?
Pendant des années, les comités de lignes directrices ont laissé entendre que la bithérapie pouvait se prolonger au-delà de 1 an chez les personnes à risque élevé de thrombose et à faible risque de saignements1,13–16. Toutefois, les personnes à risque élevé (p. ex. celles ayant subi un incident thrombotique durant l’année suivant l’insertion) ont été exclues des études qui évaluaient une plus longue durée de thérapie. Le Tableau 1 présente un résumé des études2–5,17–19. Quatre études randomisées contrôlées ouvertes comparaient la durée standard (12 mois) avec une durée prolongée de traitement (> 12 mois). Elles étaient toutes de conception semblable, en ce sens que seuls les patients qui n’avaient pas eu d’événement indésirable (p. ex. pas de récurrence d’infarctus, AVC, revascularisation répétée ou saignements majeurs) 1 an après la bithérapie étaient admissibles à la phase de prolongation2–5. Seule l’étude DAPT (Dual AntiPlatelet Therapy), la plus grande des 4, a fait valoir des bienfaits avec une bithérapie antiplaquettaire plus longue3. (Un résumé de l’étude DAPT se trouve en anglais dans CFPlus*). Les chercheurs ont conclu qu’une bithérapie de 30 mois après la pose d’un stent pharmaco-actif réduisait le risque d’une thrombose de stent (avec un nombre de patients à traiter [NPT] de 100) et d’incidents indésirables cardiovasculaires et cérébrovasculaires majeurs (NPT = 63), par rapport à 12 mois de thérapie3. Par ailleurs, la bithérapie prolongée augmentait le risque de saignements graves avec un nombre nécessaire pour nuire (NNN) de 1123. De plus, il y avait une tendance vers une mortalité toutes causes confondues plus élevée avec une bithérapie prolongée (rapport de risques de 1,36, IC à 95 % de 1,00 à 1,85)3.
Il importe de faire remarquer qu’environ le tiers des patients inscrits à l’étude DAPT avaient reçu un stent pharmaco-actif de première génération (p. ex. paclitaxel)3. Il est reconnu que les stents pharmaco-actifs de première génération posent plus de risques d’une thrombose de stent tardive (p. ex. une thrombose de stent qui se produit plus d’un an après la pose) par comparaison aux stents pharmaco-actifs plus récents (p. ex. évérolimus)20. Dans une analyse a posteriori de l’étude DAPT, qui excluait les personnes ayant reçu des stents avec paclitaxel, la différence sur le plan d’une thrombose de stent entre les groupes traités faiblissait (le NPT passait de 100 à 205)21. Les chercheurs de la DAPT ont rédigé un article distinct sur la bithérapie prolongée chez des personnes ayant reçu un stent en métal nu22. Ils n’ont pas été en mesure de démontrer des bienfaits avec un traitement plus long chez ces personnes, mais ont fait remarquer que l’étude manquait de puissance en raison des difficultés à recruter des patients22.
Les investigateurs de l’étude DAPT ont produit un calculateur de scores validé pour les décisions en matière de bithérapie (Tableau 2)23. Le score peut aider les spécialistes du cœur à identifier les patients susceptibles de bénéficier d’une bithérapie prolongée après qu’ils en aient suivi une pendant 12 mois. Le calculateur fait un juste équilibre entre le risque de thrombose et le risque de saignements; les variables qui étaient des facteurs de risque à la fois de thrombose et de saignements (p. ex. hypertension, néphropathie chronique et maladie artérielle périphérique) ont été exclues. L’âge est le seul facteur de risque inclus pour le risque de saignements. Les scores varient de -2 à 10 et les personnes ayant un score de 2 ou plus pourraient bénéficier de la prolongation de la bithérapie au-delà de 1 an23.
De nombreuses méta-analyses ont été publiées à la suite de la diffusion des résultats des études qui évaluaient diverses durées de bithérapie après l’insertion d’un stent coronarien (Tableau 3)24–31. Les méta-analyses qui comparaient une durée standard (12 mois) avec une durée prolongée (jusqu’à 36 mois) de bithérapie antiplaquettaire ont conclu qu’un traitement plus long réduisait le risque d’infarctus et de thrombose de stent, mais augmentait le risque de saignements majeurs et, potentiellement, de mortalité toutes causes confondues24–28,30,31. L’une des méta-analyses concluait que pour chaque tranche de 1000 patients traités par année, une bithérapie prolongée se traduisait par 8 infarctus de moins, mais causait 6 cas de saignements majeurs de plus, et potentiellement 2 décès de plus, par rapport à une bithérapie plus courte29. La bithérapie prolongée n’a pas réduit le risque de décès de causes cardiovasculaires, d’AVC ou de revascularisation répétée24–28,30,31. Même si elles ne s’appliquent pas au cas de notre patient, les études qui comparaient la durée standard (12 mois) à une durée plus courte (de 3 à 6 mois) de bithérapie n’ont pas réussi à démontrer de bienfaits avec la durée normale; par contre, il importe de signaler que la plupart des patients inscrits dans ces études étaient à faible risque (p. ex. absence de syndrome coronarien aigu)24–28,30,31.
Vous expliquez à M. C.P. que, selon des méta-analyses, les bienfaits de prolonger la bithérapie antiplaquettaire au-delà de 12 mois pourraient être éclipsés par le risque accru de problèmes. Vous utilisez aussi le calculateur de scores de l’étude DAPT (Tableau 2)23 pour répondre à sa question concernant le commentaire du cardiologue sur son « faible score ». Vous calculez un score de 1 (infarctus à la présentation) et, par conséquent, son risque élevé de saignements (NNN = 64) avec une bithérapie antiplaquettaire prolongée surpasse la réduction de son risque de thrombose (NPT = 153)23. Comme il est mentionné précédemment, le seul facteur de risque de saignements inclus dans le score de l’étude DAPT est l’âge; le score de M. C.P. ne tient donc pas compte de son risque accru de saignements gastrointestinaux (GI) dû à ses antécédents d’ulcère gastrique.
Devrait-on reprendre une bithérapie antiplaquettaire chez les personnes ayant des antécédents d’infarctus?
Ceux qui préconisent une bithérapie plaquettaire prolongée maintiennent qu’en plus des données à l’appui d’une réduction des thromboses de stent, il existe aussi des données probantes à l’effet qu’elle prévient les événements indésirables dus à une rupture de plaque à des endroits éloignés du segment tuteuré3,19. Dans l’étude DAPT, le taux d’infarctus non liés au stent était plus faible de manière statistiquement significative avec une bithérapie prolongée, et l’on faisait valoir que, pour chaque tranche de 91 patients traités pendant 30 mois avec une bithérapie, 1 patient de moins aurait un infarctus éloigné de l’emplacement du stent3.
L’étude CHARISMA (Clopidogrel for High Atherothrombotic Risk and Ischemic, Stabilization, Management and Avoidance) comparait 75 mg/j de clopidogrel plus 75 à 162 mg/j d’AAS avec de l’AAS seulement pendant 28 mois chez des patients ayant ou non un risque de maladie cardiovasculaire17. Dans l’ensemble, la bithérapie ne s’est pas révélée plus bénéfique que l’AAS17. Par ailleurs, dans une analyse a posteriori d’un sous-groupe de personnes ayant des antécédents d’infarctus, des patients classés aléatoirement dans un groupe suivant la bithérapie avaient un plus faible taux des principaux paramètres (comprenant le décès de causes cardiovasculaires, l’infarctus ou un AVC)18. Cela dit, l’étude n’avait pas la puissance voulue pour démontrer une différence au sein de ce sous-groupe de patients18.
Plus récemment, l’étude PEGASUS-TIMI 54 (Prevention of Cardiovascular Events in Patients with Prior Heart Attack Using Ticagrelor Compared to Placebo on a Background of Aspirin–Thrombolysis in Myocardial Infarction 54) évaluait les effets d’une bithérapie antiplaquettaire prolongée sur l’évolution naturelle de l’athérosclérose19. (Un résumé de l’étude PEGASUS se trouve en anglais dans CFPlus*.) Les patients ayant subi un infarctus de 1 à 3 ans avant le recrutement ont été choisis aléatoirement pour recevoir 60 ou 90 mg de ticagrelor 2 fois par jour ou un placebo, en plus de l’AAS19. Même s’il n’y avait pas de comparaison entre les 2 posologies de ticagrelor, la dose de 60 mg de ticagrelor 2 fois par jour a entraîné la plus grande réduction dans les principaux paramètres (décès de causes cardiovasculaires, infarctus ou AVC) et moins de saignements majeurs19. Par rapport au placebo, une dose 60 mg de ticagrelor 2 fois par jour pendant 3 ans a réduit le risque de décès de causes cardiovasculaires, les infarctus du myocarde et les AVC avec un NPT de 79, mais a augmenté le risque de saignements majeurs (NNN = 81)19. Il s’est déroulé en moyenne 1,7 an entre l’infarctus établissant l’admissibilité et le recrutement dans l’étude19. Les chercheurs ont publié un article additionnel sur l’évaluation des effets d’une interruption de la bithérapie sur l’efficacité ultérieure du ticagrelor32. L’interruption du traitement s’est faite selon trois modèles : 30 jours ou moins, 31 jours à 1 an ou plus de 1 an32. Les personnes qui avaient arrêté leur thérapie pendant plus de 1 mois n’ont tiré aucun bienfait en recommençant la bithérapie avec le ticagrelor32. Environ le tiers des participants à l’étude n’ont pas cessé leur bithérapie (p. ex. ont suivi la bithérapie antiplaquettaire pendant 12 mois, puis ont immédiatement été recrutés dans l’étude PEGASUS) ou ont repris la bithérapie dans les 30 jours après; ces personnes pourraient avoir bénéficié d’une réduction dans les événements cardiovasculaires indésirables avec 3 ans additionnels de ticagrelor, mais l’étude n’avait pas la puissance voulue pour détecter une différence dans ce sous-groupe32.
Vous expliquez à M. C.P. qu’il n’a pas suivi de bithérapie antiplaquettaire depuis 3 mois maintenant et que les données probantes à l’appui de bienfaits à tirer s’il recommence à prendre un deuxième agent antiplaquettaire sont limités. Vous insistez sur l’importance de continuer à prendre son AAS à faible dose, ce qui réduira son risque d’événement ultérieur.
Quels sont les agents antiplaquettaires à utiliser dans une bithérapie prolongée?
La majorité des données probantes concernant une bithérapie prolongée après l’insertion d’un stent coronarien portent sur des patients ayant reçu un stent pharmaco-actif qui prenaient du clopidogrel et de l’AAS2–5,19. Comme il est mentionné précédemment, l’étude PEGASUS était de grande envergure (N = 21 162) et concernait le ticagrelor pendant 3 ans après la période initiale de 12 mois de bithérapie après un infarctus19. Toutefois, seulement 7181 patients inscrits dans le groupe prenant du ticagrelor n’avaient eu aucune interruption de la bithérapie ou l’avaient reprise dans les 30 jours (le seul groupe à avoir tiré des bienfaits)32. Fait à signaler, 94 % des sujets de l’étude PEGASUS avaient pris du clopidogrel pendant les 12 premiers mois de bithérapie après leur infarctus32.
Quels sont les patients qui devraient recevoir une protection gastrique?
Les bienfaits d’une bithérapie antiplaquettaire prolongée doivent être jaugés en fonction du risque de saignements majeurs qui, lui, accroît le risque de morbidité et de mortalité. En plus des hémorragies mortelles, les saignements mineurs peuvent influencer négativement la conformité des patients au traitement et se traduire par une discontinuation prématurée, ce qui augmente le risque de thrombose de stent, potentiellement fatale33. Il n’existe malheureusement pas d’outil validé pour évaluer le risque de saignements d’une personne lorsqu’une bithérapie est amorcée. Comme il est expliqué précédemment, si une bithérapie doit être prolongée au-delà de 1 an, le calculateur de scores de l’étude DAPT peut servir à comparer le risque de thrombose au risque de saignements23.
Il est important d’envisager une protection gastrique à l’aide d’un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) 1 fois par jour, parce que la bithérapie double ou triple le risque de saignements GI par rapport à l’AAS seulement34. Les lignes directrices de la Société européenne de cardiologie de 2015 sur la prise en charge d’un syndrome coronarien aigu sans élévation du segment T recommandent un IPP pour les personnes qui suivent une bithérapie antiplaquettaire et ont un risque plus élevé que la moyenne de saignements GI (recommandation de classe 1 et niveau B de données probantes)14. Les facteurs de risque des patients chez qui envisager une protection gastrique avec un IPP sont indiqués à l’Encadré 114,34. Si un IPP est amorcé parce qu’un patient suit une bithérapie et a un risque élevé de saignements GI, il y a lieu de réévaluer l’utilisation de l’IPP lorsque la bithérapie est terminée.
M. C.P. avait recommencé à prendre un IPP lorsqu’il a amorcé sa bithérapie en raison de ses antécédents lointains d’ulcère gastrique et il continue d’en prendre. Il aimerait maintenant arrêter de prendre du pantoprazole pour réduire son schéma pharmacologique. Vous lui expliquez qu’il court encore un risque accru d’ulcère ou de saignements GI en raison de sa faible dose continue d’AAS, mais ce risque est moins grand qu’avec une bithérapie. Il préfère quand même arrêter l’IPP, parce que son ulcère s’est produit il y a longtemps et, à ce moment, il avait été guéri après un traitement de 8 semaines. Il accepte d’éviter tous les autres antiinflammatoires non stéroïdiens, y compris les produits en vente libre, et de signaler tout signe ou symptôme d’ulcère ou de saignements GI.
Après avoir discuté avec vous, il se sent rassuré de ne prendre qu’un seul médicament antiplaquettaire. Vous l’encouragez aussi à continuer à marcher chaque jour et à s’alimenter sainement. Ces pratiques, combinées au contrôle de la tension artérielle et des lipides, aideront à réduire son risque d’un incident cardiaque subséquent.
Facteurs de risque des patients chez qui envisager une protection gastrique avec un IPP
Prescrire des IPP aux patients qui suivent une bithérapie antiplaquettaire et ont des facteurs de risque de saignements GI
≥ 1 des facteurs de risque de saignements GI suivants :
-Antécédents d’ulcère ou de saignements GI
-Utilisation d’un traitement anticoagulant
-Utilisation chronique d’AINS ou d’un traitement aux corticostéroïdes
≥ 2 des facteurs de risque de saignements GI suivants :
-65 ans ou plus
-Dyspepsie
-Reflux gastroœsophagien
-Infection à helicobacter pylori
-Consommation chronique d’alcool
GI—gastro-intestinal, AINS—anti-inflammatoire non stéroïdien, IPP—inhibiteur de la pompe à protons. Données tirées de Roffi et coll.14 et d’Abraham et coll34.
Conclusion
Pour les patients qui ne subissent pas d’incidents thrombotiques durant les 12 premiers mois d’une bithérapie antiplaquettaire après l’insertion d’un stent coronarien, il y a lieu de pondérer la réduction potentielle des thromboses au moyen de la prolongation de la bithérapie au-delà de 1 an en fonction des risques potentiels accrus de saignements. Par exemple, pour chaque tranche de 1000 patients traités par année, une bithérapie prolongée se traduit par 8 infarctus de moins, mais 6 cas de saignements majeurs de plus et, potentiellement 2 décès de plus, par rapport à une bithérapie plus courte29. Si le spécialiste en cardiologie décide de prolonger la bithérapie au-delà de 12 mois, la décision doit être prise 1 an après l’insertion d’un stent au lieu de la prendre au moment de l’intervention coronarienne percutanée. La plupart des données probantes en faveur d’une bithérapie prolongée concernent les patients qui ont reçu un stent pharmaco-actif et prenaient du clopidogrel avec de l’AAS2–5. Les patients qui sont à risque élevé de saignements GI devraient recevoir une protection gastrique à l’aide d’un IPP; cette pratique devrait être réévaluée lorsque la bithérapie est terminée.
Remerciements
Nous remercions la Dre Tessa Laubscher, professeure agrégée de médecine familiale à l’Université de la Saskatchewan, de ses contributions à cet article.
Footnotes
Cet article donne droit à des crédits d’autoapprentissage certifié Mainpro+. Pour obtenir des crédits, rendez-vous sur www.cfp.ca et cliquez sur le lien Mainpro+.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the November 2016 issue on page 905.
Intérêts concurrents
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↵* Le bulletin de RxFiles et le graphique sur la durée d’une bithérapie et d’une trithérapie antiplaquettaire pour des indications cardiovasculaires et cérébrovasculaires, de même que les résumés des études DAPT et PEGASUS, se trouvent en anglais à www.cfp.ca. Rendez-vous au texte intégral de cet article en ligne et cliquez sur CFPlus dans le menu du coin supérieur droit de la page.
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