Je suis médecin de famille et, depuis 8 ans, je vis avec la sclérose amyotrophique latérale, une maladie neurologique dégénérative terminale.
J’ai reçu ce diagnostic alors que j’étais un homme actif de 41 ans. Maintenant, 8 ans plus tard, je ne peux pas bouger les bras et je peux à peine allonger les jambes. Je ne peux pas marcher, manger, boire ou parler. Je peux penser, de même qu’écrire, communiquer et explorer le monde en bougeant les yeux et à l’aide d’un autre appareil de suppléance à la communication.
L’an dernier en août, j’ai eu une possibilité de choisir la vie plutôt que la mort, car j’ai décidé de subir une trachéotomie et de me servir d’un ventilateur à temps plein. J’ai décidé de vivre dans les confins terriblement restrictifs de ma maladie.
Je suis vraiment chanceux de pouvoir vivre avec la sclérose amyotrophique latérale; cette chance vient d’une épouse aimante qui m’apporte son soutien et m’accompagne dans ce cheminement. J’ai les ressources financières pour faire vivre ma famille. Je n’ai pas de dettes et mes ressources financières permettent que ma vie ne soit pas un fardeau pour ma famille. J’ai des amis qui me traitent comme si je n’étais pas malade; ma sphère sociale est aussi vaste que je l’ai choisi. Je n’ai pas les maladies mentales que les personnes associent avec mon degré d’invalidité.
C’est un luxe que les circonstances de ma vie me permettent de choisir de vivre. Rares sont ceux qui ont des circonstances semblables. D’autres personnes aux prises avec une maladie dégénérative ou un diagnostic terminal devront voir leur famille endurer les difficultés associées avec leur mourir. Même si j’ai choisi de vivre, je reconnais la capacité d’autrui de prendre ses propres décisions quant à la vie et à la mort.
Je félicite la Cour suprême du Canada de sa décision d’abolir l’interdiction de l’aide médicale à mourir1. Il est maintenant temps que les médecins apportent leur contribution en exerçant leur leadership dans l’élaboration de protocoles permettant que l’aide médicale à mourir devienne une réalité au Canada. Il faut aussi reconnaître et légitimer la nécessité de protéger les médecins qui s’y opposent par principe moral.
La protection des personnes qui ne sont pas mentalement aptes doit aussi faire partie des protocoles établis.
Je ne considère pas que cette décision rende illégitime mon choix de vivre.
J’ai suivi des familles de la naissance à la mort. J’aime croire que mes interventions en soins palliatifs ont aidé à atténuer la souffrance de mes patients. Si j’exerçais encore la médecine, je ne sais pas si je serais capable d’apporter une aide médicale à mourir. Par ailleurs, lorsque j’étais actif et en santé, je n’aurais jamais pensé que je vivrais aujourd’hui avec les limites auxquelles je suis confiné. Je crois que les opinions changent avec le temps. Le serment d’Hippocrate que nous avons tous prêté à la collation des grades nous dicte de ne pas causer de tort à nos patients. Je crois que, parfois, ne pas agir devant les souffrances d’un patient en phase terminale est inacceptable.
Je trouve réconfort dans le fait que je puisse maintenant choisir une mort douce et humaine, entouré de mes proches, à mes propres conditions, dans l’éventualité où ma condition changerait.
Footnotes
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the February 2016 issue on page 115.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Référence
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