
Le gaspillage est pire que la perte. Le temps est proche où chaque personne se prétendant compétente aura toujours à l’esprit la question du gaspillage. L’envergure des économies est sans limite.
Thomas A. Edison (traduction libre)
Les coûts des soins de santé continuent de grimper au Canada. On estime que les dépenses par habitant en soins de santé s’élèvent à 5741 $ US et représentent environ 10,9 % du produit intérieur brut1. Les gouvernements provinciaux consacrent en moyenne quelque 40 % de leur budget aux soins de santé2. Les 3 principaux secteurs dans les dépenses en santé sont, dans l’ordre, les hôpitaux (30 % des coûts), les médicaments (16 %) et les services des médecins (15 %)2. Même si les coûts des soins de santé poursuivent leur ascension, leur taux d’augmentation a quelque peu ralenti depuis la décennie de 2000 à 20102. Contrairement à l’opinion populaire, le vieillissement de la population n’est pas la principale cause de la hausse des coûts. Dans l’ensemble, le vieillissement de la population est un modeste inducteur de coûts, estimé à environ 0,9 % par année. La part de l’argent dépensé par le secteur public en santé pour les aînés canadiens n’a pas considérablement changé au cours de la dernière décennie, passant de 44,6 % en 2002 à 45,2 % en 20122. Quoi qu’il en soit, les gouvernements se préoccupent de plus en plus de trouver des façons de freiner les coûts des soins de santé au Canada, tout en améliorant leur qualité.
Dans les stratégies de réduction des coûts et d’amélioration de la qualité, on a insisté sur les présumés points chauds ou super utilisateurs des ressources de la santé. Les super utilisateurs ont initialement été reconnus et décrits par un médecin de famille du New Jersey, le Dr Jeffery Brenner, qui a appliqué à la médecine les concepts du monde des forces de l’ordre, dont les points chauds de la forte criminalité3. Les super utilisateurs sont le 1 % des patients qui consomment entre 30 et 50 % des ressources et des coûts en santé. Aux États-Unis, certains ont préconisé comme solution une stratégie de réforme des soins primaires visant à réduire les coûts encourus pour les super utilisateurs et à améliorer leurs soins4. D’autres ont soutenu qu’une réforme des soins de santé axée sur les super utilisateurs serait probablement inefficace à long terme pour plusieurs raisons, dont l’une est la viabilité des projets d’amélioration à grande échelle éprouvés comme ayant réussi à influencer les super utilisateurs5.
Au Canada, un pays où les soins de santé à payeur unique et à couverture universelle et le filet de sécurité sociale atténuent certains des facteurs qui alimentent la super utilisation aux États-Unis, on s’est aussi intéressé à une stratégie visant les super utilisateurs comme façon de réduire les coûts6. Toutefois, les chercheurs qui ont étudié cette population ont indiqué qu’il fallait comprendre de manière plus approfondie ses besoins diversifiés en matière de santé et son utilisation des soins pour pouvoir apporter des améliorations7.
Une autre stratégie d’amélioration de la qualité et de réduction des coûts s’est penchée sur les 99 %. La plupart des Canadiens reçoivent leurs soins de santé primaires dans la communauté, habituellement de leur médecin de famille. Les médecins de famille (de fait, la majorité des médecins) reçoivent peu de formation durant leurs études de médecine ou postdoctorales sur les coûts des examens médicaux qu’ils prescrivent systématiquement et ils n’acquièrent pas plus de connaissances à ce sujet une fois en pratique8,9.
Dans le numéro de mars du Médecin de famille canadien, nous procédons au lancement d’une série continue d’articles « Choisir avec soin » et nous présentons un commentaire par Wintemute et ses collègues qui décrit les objectifs de cette campagne et son mandat d’aider les médecins de famille et les patients à entamer des discussions significatives et à prendre des décisions éclairées en ce qui concerne les examens inutiles et les traitements inappropriés (page 207)10. Dans le but de soutenir le rôle que peuvent jouer les médecins de famille en partenariat avec les patients pour mieux gérer les précieuses ressources en santé, tout en améliorant les soins et en réduisant les préjudices, Le Médecin de famille canadien présentera au cours des prochains mois une série d’entrevues avec des médecins de diverses régions du Canada, dont le premier est le Dr Anthony Train de Calgary, en Alberta, portant sur les façons dont ils ont mis en œuvre une recommandation de Choisir avec soin (page 233)11.
Dans ce numéro de la revue se trouve aussi une importante étude par Littman et Halil du Département de médecine familiale de l’Université d’Ottawa, en Ontario, qui démontre les économies potentielles à réaliser si, au Canada, on utilisait une approche plus rationnelle pour la prescription de médicaments (page e146)12. Des lectures tout aussi intéressantes les unes que les autres.
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