Le virus du papillome humain (VPH) est un virus à ADN dont certaines souches causent les verrues anogénitales, de même que les cancers du col, du vagin, de la vulve, de l’anus, du pénis, de la cavité buccale et de l’oropharynx (niveau II)1. Incidemment, le VPH est l’une des infections transmises sexuellement les plus prévalentes chez les Canadiennes, les études ayant estimé sa prévalence à entre 16,8 et 21,4 % (niveau II)2,3. Les données épidémiologiques sur la prévalence générale du VPH chez les Canadiens sont limitées. Chez les femmes, le risque d’infection au VPH atteint un sommet dans les 10 ans suivant le premier contact sexuel, et un deuxième sommet, moins élevé celui-là, après 45 ans (niveau I)4. Aucun sommet n’a pu être déterminé chez les hommes (niveau I)5.
Les cancers attribuables au VPH sont lourds de conséquences sur la santé des Canadiennes, le cancer du col étant le plus fréquent (incidence annuelle de 10,1 par 100 000 Canadiennes). Le virus du papillome humain est aussi la cause de 90 % des cancers de l’anus, de 40 % des cancers du vagin et de la vulve, de 50 % des cancers du pénis et de 35 % des cancers de l’oropharynx. La plupart de ces cancers sont attribuables aux types 16 et 18 du VPH (niveau II)1. En outre, les types 6 et 11 du VPH causent 90 % des verrues génitales (niveau II)1. Ces données épidémiologiques indiquent qu’un programme efficace d’immunisation aurait le potentiel d’alléger le fardeau des maladies liées au VPH.
Jusqu’à l’homologation récente du vaccin 9-valent contre le VPH (dirigé contre les types 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58 du VPH), les vaccins pour la prévention du VPH homologués au Canada étaient le vaccin bivalent (dirigé contre les types 16 et 18 du VPH) et le vaccin quadrivalent (dirigé contre les types 6, 11, 16 et 18 du VPH)1. Tous les provinces et territoires ont inclus le vaccin quadrivalent contre le VPH dans leur calendrier d’immunisation de routine pour les adolescentes6. Certaines provinces ont aussi mis en place un programme d’immunisation à l’intention des garçons1.
Dans les essais cliniques, le vaccin quadrivalent contre le VPH s’est avéré sûr et efficace (niveau I)7. Les programmes d’immunisation contre le VPH ont déjà fait leurs preuves pour la santé de la population sous forme d’incidence réduite des infections à VPH, des verrues génitales et des lésions précancéreuses attribuables au VPH (niveau II)8–13. Par exemple, une étude de cohorte ayant évalué l’efficacité du programme danois d’immunisation national contre le VPH a révélé que le risque d’apparition d’une dysplasie cervicale (néoplasies intraépithéliales cervicales de grades 2/3 et 3) était réduit de jusqu’à 80 % dans la cohorte immunisée, par rapport à la cohorte non immunisée (niveau II)8. Il est cependant trop tôt pour étudier les effets de l’immunisation sur le taux de cancer du col de l’utérus, puisqu’il faut des décennies avant que l’infection à VPH progresse vers un cancer du col invasif. S’appuyant sur les résultats positifs obtenus par l’immunisation contre le VPH, le nouveau vaccin 9-valent contre le VPH a été mis au point pour intensifier la protection contre 5 souches additionnelles (soit les types 31, 33, 45, 52 et 58 du VPH), pour un total de 9 souches de VPH14. Un vaccin comme celui-là a le potentiel de protéger contre environ 90 % des cas de cancer du col de l’utérus, par rapport à une protection de 70 % offerte par le vaccin quadrivalent (niveau II)14–16. La composition du vaccin 9-valent contre le VPH est comparable à celle du vaccin quadrivalent en ce sens que le vaccin a recours à des particules apparentées au virus pour provoquer une réponse immunitaire14.
Qualité des données
Une recherche d’articles pertinents a été effectuée sur PubMed jusqu’en mai 2015 à l’aide des mots-clés anglais suivants : HPV vaccine, HPV9, Gardasil, Gardasil 9, nonavalent HPV et 9-valent HPV. Les articles qui portaient sur les essais cliniques randomisés, les révisions systématiques, les études épidémiologiques et les examens de l’innocuité ont reçu une attention particulière. La plupart des données citées sont de niveau I (essais randomisés et contrôlés et méta-analyses) ou de niveau II (études transversales, cas-témoins et épidémiologiques). Des rapports gouvernementaux publiés par les organismes de santé du Canada ont aussi étés examinés.
Message principal
Efficacité
En raison de sa capacité accrue de protéger contre les souches du VPH, le vaccin 9-valent peut potentiellement faire reculer encore plus l’incidence des infections à VPH. Une étude transversale sur la contribution relative des types 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58 du VPH au cancer du col de l’utérus et aux lésions précancéreuses a montré que 95,5 % de toutes les lésions cervicales en Amérique du Nord étaient attribuables à ces 9 types du virus. Les types 31, 33, 45, 52 et 58 du virus du papillome humain causaient 16,9 % de toutes les lésions (niveau II)16. Une évaluation effectuée aux États-Unis des types de VPH dans les cancers a montré qu’entre 4,2 et 18,3 % des néoplasies du col, du vagin, de la vulve, de l’anus, du pénis, de la cavité buccale et de l’oropharynx étaient attribuables à ces 5 types du virus. L’évaluation estime que le vaccin 9-valent fera passer de 63,4 à 73,5 % le pourcentage de cancers liés au VPH pouvant être prévenus, si l’on tient pour acquis que la couverture et l’efficacité sont de 100 % (niveau II)17. Ces études indiquent qu’un vaccin efficace contre les 9 types de VPH susmentionnés fournira une protection accrue contre divers cancers liés au VPH en plus de la protection actuelle procurée par le vaccin quadrivalent.
Santé Canada a récemment homologué le vaccin 9-valent contre le VPH pour les femmes de 9 à 45 ans et les hommes de 9 à 26 ans18. Dans le cadre d’un essai clinique à méthodologie de phase II/III, il a été démontré que le vaccin 9-valent offrait une protection efficace contre les types 31, 33, 45, 52 et 58 du VPH, et a généré une réponse anticorps non inférieure contre les types 6, 11, 16 et 18 du VPH, comparativement au vaccin quadrivalent (niveau I)14. Cette étude à double insu et à répartition aléatoire comptait plus de 14 000 femmes âgées de 16 à 26 ans, provenant du monde entier qui avaient reçu 3 doses du vaccin 9-valent ou du vaccin quadrivalent contre le VPH. Des échantillons de tissu génito-urinaire ont été prélevés par coton-tige à intervalles réguliers pendant jusqu’à 54 mois et ont été analysés pour dépister une infection au VPH. La proportion de néoplasies et de cancers de haut grade du col de l’utérus, de la vulve et du vagin liés aux 5 types additionnels du VPH était de 0,1 par 1000 années-personnes dans la population traitée selon le protocole (à l’aide du vaccin 9-valent) comparativement à 1,6 par 1000 années-personnes dans le groupe sous vaccin quadrivalent (niveau I)14. Ce résultat se traduit par une efficacité de 96,7 % (IC à 95 % : 80,9 à 99,8 %). L’incidence d’infection au VPH persistante liée à ces 5 types additionnels du VPH était de 2,1 par 1000 années-personnes dans la population traitée selon le protocole et de 52,4 par 1000 années-personnes dans le groupe sous vaccin quadrivalent. Les taux d’ensemble de néoplasies ou de cancers du col, de la vulve ou du vagin, sans égard au type de VPH, étaient de 2,4 par 1000 années-personnes dans le groupe sous vaccin 9-valent et de 4,2 par 1000 années-personnes dans le groupe sous vaccin quadrivalent (niveau I)14. La moyenne géométrique des titres (MGT) contre les 4 types de VPH communs aux 2 vaccins n’était pas inférieure à celle du vaccin quadrivalent dans le groupe vaccin 9-valent (niveau I)14.
En outre, des études d’immunogénicité ont été effectuées pour évaluer l’efficacité du vaccin chez les adolescents (puisque la population à l’étude était plus âgée que la population ciblée). On a constaté que le vaccin 9-valent contre le VPH pouvait générer une MGT non inférieure chez les filles et les garçons de 9 à 15 ans (niveau I)19–21. Une autre étude a révélé que le vaccin 9-valent était également efficace chez les jeunes hommes de 16 à 26 ans (niveau I)22. La MGT du vaccin 9-valent n’a pas été modifiée par l’administration concomitante d’un vaccin polysaccharidique contre le méningocoque (groupes A, C, Y et W-135) conjugué à l’anatoxine diphtérique et d’un vaccin antitétanique, antidiphtérique et anticoquelucheux acellulaire (niveau I)23. Ces résultats indiquent que le vaccin 9-valent est efficace auprès de la population ciblée d’hommes et de femmes et n’est pas perturbé par l’inoculation concomitante d’autres vaccins.
Innocuité
Les effets indésirables liés au vaccin 9-valent sont la douleur au point d’injection, l’enflure et de l’érythème. Les personnes qui reçoivent le vaccin 9-valent sont légèrement plus à risque de manifester ces effets indésirables que les personnes qui reçoivent le vaccin quadrivalent (90,7 c. 84,9 %), possiblement en raison du plus grand nombre de particules apparentées au virus et des adjuvants présents dans le vaccin 9-valent. Le taux d’événements systémiques, telles les céphalées, la pyrexie, la nausée et la fatigue, étaient comparables dans les 2 groupes (55,8 % pour le vaccin 9-valent contre le VPH c. 54,9 % pour le vaccin quadrivalent contre le VPH). Les issues de grossesse et les anomalies congénitales étaient aussi comparables (niveau I)14. Sur plus de 14 000 sujets ayant reçu le vaccin, seuls 2 sujets de chaque groupe ont présenté une manifestation indésirable grave liée au vaccin. Cinq décès ont été relevés dans chaque groupe, mais aucun n’a été jugé être lié au vaccin (niveau I)14. Les essais d’immunogénicité subséquents ont aussi démontré un nombre similairement faible de manifestations indésirables graves liées au vaccin et aucun décès lié au vaccin (niveau I)20–23. D’après ces données, l’Advisory Committee on Immunization Practices des Centers for Disease Control and Prevention a jugé le vaccin 9-valent contre le VPH comme étant sûr et bien toléré19.
Rentabilité
Deux études ont examiné le rapport coût-efficacité du vaccin 9-valent contre le VPH à l’aide du modèle d’infection au VPH ayant été utilisé pour comparer le vaccin bivalent au vaccin quadrivalent contre le VPH (niveau II)24,25. Le modèle a été calibré pour s’ajuster aux données épidémiologiques canadiennes et a calculé le coût par année de vie gagnée, ajustée en fonction de la qualité (AVAQ). Le modèle commençait par utiliser un scénario de départ d’immunisation de filles de 10 ans, à une protection de 80 % et une efficacité de 95 %, à un coût de 95 $ par dose, avec une protection croisée limitée du vaccin quadrivalent contre les souches du vaccin 9-valent, et une durée de 20 ans. Dans ce scénario, le vaccin 9-valent est plus économique (coût par AVAQ gagnée de 12 208 $ pour le vaccin 9-valent c. coût par AVAQ gagnée de 15 528 $ pour le vaccin quadrivalent) (niveau II)25. Cet avantage lié à la rentabilité a été maintenu même dans les situations où la durée de la protection et de l’efficacité du vaccin 9-valent était réduite. Cet avantage est cependant éliminé si le coût par dose du vaccin 9-valent contre le VPH dépasse de 11 $ ou plus celui du vaccin quadrivalent (niveau II)25. Ainsi, le vaccin 9-valent serait une solution de rechange au vaccin quadrivalent plus économique lorsque le prix des 2 vaccins est comparable. En Ontario, le coût du vaccin 9-valent devant être déboursé par le patient, soit environ 567 $ dans les pharmacies locales à Hamilton, ne varie pas de manière appréciable de celui du vaccin quadrivalent; toutefois, le coût devant être déboursé par le gouvernement provincial pourrait être différent. Il a été question de modifier le calendrier d’immunisation pour le faire passer de 3 à 2 doses, mais les données probantes n’étaient pas concluantes (niveau I)26. D’autres études pourraient fournir suffisamment de données pour modifier le calendrier d’immunisation, mais cela modifierait aussi les données de rentabilité. Si l’immunisation contre le VPH se multiplie, la baisse de la prévalence des infections à VPH qui en découle et des cancers connexes pourrait permettre de prolonger l’intervalle entre les tests de dépistage (c.-à-d. tests de Papanicolaou), réduisant ainsi encore plus les coûts en soins de santé.
Bien que le Comité consultatif national de l’immunisation recommande le vaccin quadrivalent contre le VPH pour les hommes de 9 à 26 ans, des programmes financés par le gouvernement visant l’immunisation des garçons n’existent qu’en Alberta et à l’Île-du-Prince-Édouard6. Bien que le VPH soit la cause actuelle de 50 % des cas de cancer du pénis, de 90 % des cancer de l’anus et de 35 % des cancers de l’oropharynx au Canada, l’incidence annuelle moyenne de ces cancers est faible en comparaison du cancer du col de l’utérus (1,6 par 100 000 pour le cancer de l’anus c. 10,1 par 100 000 pour le cancer du col de l’utérus) (niveau II)1. Il serait nécessaire d’effectuer une analyse spécifique au Canada afin de déterminer la rentabilité de l’immunisation des garçons contre le VPH. Des études menées dans d’autres pays ont donné à lieu à des résultats très variables, certaines études appuyant et d’autres réfutant la rentabilité de l’immunisation des garçons (niveau II)27–30. La différence observée dans les résultats pourrait être due à des différences dans les populations à l’étude, aux projections de l’incidence de la maladie, aux variations du coût de l’immunisation et du traitement, et au type de modèle utilisé pour faire les prédictions. La rentabilité de l’immunisation contre le VPH des garçons au Canada doit être soumise à un examen afin d’orienter les politiques. Puisque les 5 types de VPH additionnels inclus dans le vaccin 9-valent représentent une proportion beaucoup plus faible des cancers liés au VPH chez les hommes que chez les femmes (niveau II)19, il est possible qu’il ne soit pas nécessaire d’immuniser la population de sexe masculin avec le vaccin 9-valent. Les rapports du Comité consultatif national de l’immunisation sous-entendent que le vaccin quadrivalent actuel procurerait une protection suffisante chez les hommes (niveau II)19.
Santé publique
À peu de frais et d’effets néfastes additionnels, le vaccin 9-valent offre une protection accrue contre le VPH. La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada recommande l’immunisation contre le VPH à l’aide du vaccin 9-valent contre le VPH pour tous les Canadiens et Canadiennes des groupes d’âge indiqués31. En raison de l’homologation récente du vaccin 9-valent, on ne dispose pas de données probantes tirées de la recherche permettant d’établir si oui ou non les programmes d’immunisation par le vaccin 9-valent réduisent encore plus le taux de cancer lié au VPH par rapport aux programmes d’immunisation par le vaccin quadrivalent contre le VPH. Cela dit, lorsqu’on tient compte du pourcentage de néoplasies causées par les 5 types de VPH additionnels et de l’efficacité du vaccin 9-valent pour prévenir ces infections, un programme d’immunisation efficace par le vaccin 9-valent réduirait probablement encore plus les cas de cancer lié au VPH.
Conclusion
Les données probantes disponibles ont démontré l’efficacité et l’innocuité du vaccin 9-valent contre le VPH. Le vaccin a le potentiel de prévenir la plupart des cancers du col de l’utérus et de réduire encore plus l’incidence des autres cancers liés au VPH chez les hommes et les femmes. En fonction de son coût par dose, le vaccin 9-valent pourrait s’avérer plus économique que le vaccin quadrivalent actuel dans les programmes d’immunisation réservés aux femmes. En tenant compte de ces facteurs, les médecins de famille devraient recommander à leurs patients le vaccin 9-valent plutôt que le vaccin quadrivalent actuel. Les médecins peuvent aussi améliorer la santé de la population générale en plaidant en faveur du vaccin 9-valent auprès des programmes provinciaux d’immunisation. Bien que le vaccin 9-valent soit aussi efficace chez les hommes, la rentabilité liée à l’immunisation des Canadiens de sexe masculin doit faire l’objet d’un examen plus poussé avant de pouvoir émettre une recommandation en faveur de l’inclusion des hommes dans les programmes d’immunisation.
Notes
POINTS DE REPÈRE DU RÉDACTEUR
À peu de frais et d’effets néfastes additionnels, le nouveau vaccin 9-valent contre le virus du papillome humain (VPH) (qui inclut 5 souches supplémentaires [types 31, 33, 45, 52 et 58 du VPH]) protège mieux contre le VPH que le vaccin quadrivalent (types 6, 11, 16 et 18 du VPH). Les médecins de famille devraient recommander le vaccin 9-valent à leurs patients plutôt que le vaccin quadrivalent actuel contre le VPH.
En raison de l’homologation récente du vaccin 9-valent, on ne dispose pas de données probantes tirées de la recherche permettant d’établir si oui ou non les programmes d’immunisation par le vaccin 9-valent réduisent encore plus le taux de cancer lié au VPH par rapport aux programmes d’immunisation par le vaccin quadrivalent contre le VPH. Cela dit, lorsqu’on tient compte du pourcentage de néoplasies causées par les 5 types de VPH additionnels et de l’efficacité du vaccin 9-valent pour prévenir ces infections, un programme d’immunisation efficace par le vaccin 9-valent réduirait probablement encore plus les cas de cancer lié au VPH.
Selon le coût par dose, le vaccin 9-valent pourrait s’avérer plus économique que le vaccin quadrivalent actuel contre le VPH dans le cadre des programmes d’immunisation réservés aux femmes.
Footnotes
Cet article donne droit à des crédits Mainpro-M1. Pour obtenir des crédits, allez à www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro.
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the May 2016 issue on page 399.
Collaborateurs
Les 2 auteurs ont contribué à la revue et à l’analyse de la littérature, et à la préparation du manuscrit aux fins de soumission.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada